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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

2ème Colloque Lysimaque "Mathématique et psychanalyse" #2 - Le temps

- Avez-vous parlé du temps durant ce colloque ?

- Pas explicitement, mais c'est un fil de la trame commune aux discours entrelacés, et cela s'est précisé dans ma tête en écrivant mes dernières réflexions sur cette rencontre (voir ici).

En écrivant ceci :

"N'est-ce pas une nécessité, que l'on retrouve dans l'idée d'un cheminement, le "Tao" en Chine, le "Do" au Japon, ou encore dans un temps circulaire avec la roue du "Dharma" chez les Bouddhistes ?"

me revenaient les propos de René Guitart, en introduction de sa présentation "qu'est-ce que la structuration en mathématiques". Il ramène notre façon de structurer les objets de notre intention, in fine, à deux structures élémentaires:

  • Celle d'ensemble, avec la notion d'ordre entre les éléments;
  • Celle de groupe, Avec une notion de circularité comme dans le monoïde par exemple.

- J'ai compris : la notion d'ensemble ordonné te renvoie à un déroulement linéaire du temps, et celle de groupe à un temps cyclique, n'est-ce pas ?

- Exactement, et voit comme les choses viennent d'elles-mêmes se mettre en place : cela colle parfaitement avec notre structuration de l'Imaginaire en modes de pensée distincts :

  • Mode ♧ : la pensée se focalise sur "l'objet" 
    • ([∃]𓁜𓂀 :
      À l'extrême limite du Réel, l'entrée dans l'Imaginaire avec le singleton "•" comme objet final;
    • ([∃][⚤]𓁜𓂀 :
      Par répétition du même : la catégorie Ens en [⚤], allant de paire avec la logique du 1er ordre, et un temps comme décompte d'une succession. Nous en restons au tiers exclu et à Socrate parlant du multiple à Menon, en prenant pour exemple la multiplicité des abeilles "toutes semblables":
      => La structure élémentaire est celle d'ensemble.
  • Mode ♢ : la pensée se focalise sur "les relations"
    • ([∃]𓁜𓂀 :
      La relation la plus élémentaire est la flèche du monoïde  "• ";
    • ([∃][⚤]𓁜𓂀 :
      La logique associée au topos classifiant, situé à ce niveau, n'est plus astreinte au tiers exclu :
      => La structure élémentaire est celle de groupe.

- Il n'y a là rien de bien neuf pour toi, non ?

- J'ai toujours besoin de me rassurer sur la pertinence de ma structuration de l'Imaginaire. La difficulté tient au fait qu'à mesure de notre avancée, nous ré-interprétons les niveaux les plus élémentaires de la conscience, en fonction de notre nouveau point de vue. Par exemple, lorsque je borne l'imaginaire par l'objet final "•" à la limite du Réel, et l'objet initial vide ∅ à la limite du Symbolique, c'est une terminologie qui s'appuie métaphoriquement sur le langage des catégories, pour préciser une structure ternaire Réel/ Imaginaire/ Symbolique qui nous vient de la psychanalyse. Le résultat peut sembler trivial, mais il est cependant le résultat d'une démarche assez longue, et culturellement très déterminée.

Et donc, dans cette recherche des racines élémentaires de notre pensée, après avoir bien tamisé tout le matériau que nous triturons à loisir, ce qui semble rester est cette dualité entre les deux structures élémentaires  d'ensemble et de groupe. Avec une prévalence finale pour celle d'ensemble, qui introduit la temporalité nécessaire au contact du Réel.

- Mais ce temps cyclique ?

- Lorsqu'hier je parlait d'un côté du "Tao" chinois et du "Do" japonais, opposés à la roue du Dharma hindou, il y avait déjà cette dualité entre temps linéaire et temps cyclique. Pour nous en tenir à la physique la plus classique, il y a également un souci de distinguer entre ce qui est de l'ordre de la répétition, par exemple avec les "variables réduites" utilisées dans les équations de la mécanique et les "variables indépendantes" (Voir ici).

- Soit, mais cela reste très classique... 

- Mouais... Je te rappelle que les physiciens eux-même ne prennent pas réellement conscience de changer de point de vue lorsqu'ils écrivent leurs équations. Reporte-toi à ce que nous avons vu en disséquant l'équation fondamentale de Lagrange (toujours ici):

  • La différentielle dt  se réfère au temps diachronique entre ([∃][⚤]𓁜𓂀
  • En écrivant ∂mv/∂t; je me réfère à un temps orthogonal à l'espace en ([#][♲]𓁜𓂀

- Oui, je sais, et pour compléter le tout, la différence espace/temps s'estompe en relativité en ([♲][∅]𓂀, mais tu ne vas pas nous refaire un cours là-dessus ?

 - C'était une remise en perspective pour ce qui suit.

J'avais donc réussi à distinguer ces 3 façons d'aborder le concept de temps, en fonction des niveaux Imaginaires [⚤], [#] et [♲], avant d'avoir pensé aux différents modes ♧ et ♢. En quelque sorte, et pour reprendre la métaphore d'Alain Connes, j'étais spectateur d'un Sujet se déplaçant sur la scène (voir mes commentaires du 1er colloque Lysimaque ici) :

"Pour moi, le "devant de la scène", c'est le mode ♧ de l'Imaginaire, d'ailleurs, si j'ai coloré en rouge et en vert un même symbole Yin Yang ☯ pour différencier Réel et Symbolique, bordant cette scène, c'était originellement pour représenter une scène face au lecteur :

    coulisses    
  côté cours ( [∃]𓁝⇅𓁜[⚤]𓁝⇅𓁜[#]𓁝⊥𓁜[♲]𓁝⇆𓁜[∅]  côté jardin   𓂀
  bâbord spectateur/ lecteur tribord  

Le surlignage jaune symbolise les "feux de la rampe", les "coulisses" étant :

  • Le lieu d'où l'on fait coulisser les décors nécessaires à l'action (nous en avons 5 : [∃][⚤] [#] [♲] [∅]);
  • Le lieu permettant de passer du côté cours au côté jardin à l'insu du spectateur."

Avant l'intervention de René Guitart, j'avais remarqué qu'Alain Connes insiste sur l'idée que le  temps est propre à l'objet qui s'offre à notre observation.

- C'est de la mécanique quantique...

- Exactement, et nous pouvons y raccrocher nos différents modes :

  • En mode ♢ nous ne sommes pas astreints au temps, et les pensées s'additionnent comme les états quantiques, il est question de superposition et d'intrication;
  • En mode ♧ les pensées s'organisent selon une logique restreinte au tiers exclu;
  • Et le temps de l'observation s'initie lors du passage ♢♧.

- Bon, d'accord, et c'est tout ?

- Je repense à la présentation de Stéphane Dugowson: "Dynamiques ouvertes en interaction et vie psychique". Beaucoup de définitions, avec un distinguo entre "instant" et "durée" qui rappelle un discours d'Alain Connes(a), et beaucoup de travail pour faire tourner un modèle où des "dynamiques" ayant leurs temps propres vont interagir entre elles. J'avoue que je tiquais un peu, me demandant où est la place de l'Auteur 𓂀 dans tout ça et dans quel "temps narratif" représenter l'ensemble.

Puis l'aveu d'un blocage : il fallait, pour que son système fonctionne, une dynamique avec un "temps nul".

- Autrement dit le moteur immobile d'Aristote ou la "Causa sui" de Spinoza... Rien de bien neuf donc.

- Oui, et je me suis dit qu'il est là notre Auteur ! Effectivement, lorsque j'écris (...)𓂀auteur, l'auteur n'est pas sensé évoluer au cours de son exposé, et il est donc lui-même "en dehors" du temps de sa narration.

À moins, à moins, bien entendu qu'il n'évolue à l'écoute de ce qu'il produit, et là nous entrons dans l'analyse, avec ses lapsus, coupures, non-dits etc... Bref, nous entrons alors dans le temps de l'analyse, rapportée par le psy : l'Auteur du discours prend la place du Sujet dans celui de l'analyste  (...𓁝𓁜auteur...)𓂀analyste. J'ai donc posé cette question à Stéphane : "ce temps nul n'est-il pas celui du porteur du discours".

- Et ?

- En fait, j'avais posé deux questions. La première d'ordre technique à laquelle il a répondu, mais ensuite il a oublié celle-ci, pourtant bien intéressante à mes yeux...

- En résumé ?

- Très simple :

1/ En mode ♧ : il y a 3 niveaux de prise de conscience du temps :

  • [⚤]𓁜 : un concept diachronique, repéré ex post; avec la notion de "successeur" et la construction de N;
  • [#]𓁜 : passage du discontinu au continu; le temps vu comme une dimension orthogonale à l'espace (jusque dans l'espace de Hamilton : temps réel⊥espace imaginaire);
  • [♲]𓁜 : l'espace/temps vu comme "volume" (mesure de Minkovski), avec un principe de conservation (de la vitesse / inertie de Galilée ou Einstein).

2/ En mode ♢ : le temps est indiscernable d'une liaison topologique spatiale.

3/ En mode ♡ : le concept de topos transcende la notion d'espace topologique.

4/ L'Auteur 𓂀 est hors-temps (et hors-espace) de sa propre narration. Ses représentations dépendent du point de vue qu'il adopte.

- (a) Mais que fais-tu de l'idée d'Alain Connes de retrouver un ordre sur un espace topologique? Souviens-toi d'un fil recouvrant cet espace, et de la possibilité, soit de suivre le "fil du temps", soit de passer d'un brin de fil à un autre dans un "ouvert" sur le tore ?

- Nous en avons déjà parlé dans "À l'ombre de Grothendieck #5 - Temps et instant". Je pense que, faute de préciser rigoureusement la posture de l'Auteur dans son discours, ses changements de postures implicites produisent des non-sens : Son tore est en 2[#]𓁜 et son "fil", en 1[#]𓁜, équivalent à R (où le concept de succession est valide, dans une logique du 1er ordre) (Note 3).

D'ailleurs, et je terminerai là-dessus : l'idée d'une structure de Groupe propre au mode ♢, avec un "temps cyclique", ne cadre pas avec un "fil" déterminant un "temps linéaire" (associé à la structure d'Ensemble en mode ♧)...

Hari

Note 1 :

- J'avais plutôt retenu de l'intervention d'Alain Connes l'idée que le concept de topos permet de s'affranchir de l'espace topologique ? (Note 2)

- Effectivement : en passant par ([#]𓁜𓂀 le temps devient comme une dimension d'espace, avec une notion de "conservation d'un espace temps" qui s'exprime par une loi d'inertie (relativiste ou galiléenne) en ([♲]𓁜𓂀, pour être réifié sous forme de "flèche" d'un morphisme m : A → B en mode ♢. Il est alors indifférent de dire que :

  • l'objet "domaine" A d'un morphisme précède temporellement un "codomaine" B, dans un geste qui les relie, ou
  • qu'ils se distinguent l'un de l'autre par leurs places respectives par rapport à la flèche du morphisme : A → B.

- Sauf que A → B implique l'existence de B avant d'envisager le morphisme en question.

- L'Imaginaire se referme au fur et à mesure que nous nous élevons de niveau en niveau et de mode en mode. Ça commence par le point à l'infini en R en [#]𓁜, et nous avons vu de quelle façon clore, rétrospectivement N (et donc le temps) en [⚤]𓁜, à partir de considérations en mode ♢ (voir "À l'ombre de Grothendieck et de Lacan #1"). Et donc, oui, A et B sont constitués (globalement) avant d'envisager (localement) une action de A vers B.

D'ailleurs ça se retrouve dans l'idée de "temps cyclique" ou "d'éternel retour", comme dans l'idée de circulation entre les états d'un groupe de transformations en maths, ou encore dans l'idée de "variables réduites" en physique, même lorsqu'il s'agit de décrire des états chaotiques.

Note 2 :

- J'aurais aimé en parler avec lui, mais ce n'était sans ni le lieu ni l'instant.

- Et que lui aurais-tu dit ?

- Il aurait fallu le temps de présenter mon schéma d'ensemble (voir "Ikebana")

[∃] [⚤] [#] [♲] 𓂀
[∃] [⚤] [#] [♲]   𓂀
[∃] [⚤] [#] [♲]   𓂀

J'ai tenté de montrer, par ce changement de couleurs, une sorte de développement de l'Imagniare, passant du jaune au bleu, puis au vert.

- Et comment le lis-tu ?

- J'ai dans l'idée que s'il est possible de parler d'orthogonalité#, voire de relativité générale en mode ♧, c.-à-d. dans un temps narratif propre à l'Auteur (𓂀), l'exercice devient pratiquement impossible en mode ♢. Il faut au minimum tracer des graphes, et d'ailleurs, si le philosophe peut discourir en marchant, un matheux (𓂀) n'est jamais très loin d'un tableau pour s'exprimer plus à l'aise. Les matheux présents au colloque n'ont pas dérogé à cette règle !

- Tu en restes donc à un espace topologique où les flèches dessinées renvoient à des liens entre "objets". Mais c'est précisément ce dont Alain Connes veut se départir.

- Oui, dans la mesure où le topos est l'objet final du mode ♡, que j'appelle "syntaxique" faute de mieux. Les règles qui s'y expriment sous forme de "propriétés universelles", articulent les deux modes inférieurs entre eux; au-delà de toute représentation sur un tableau.

- Mais concrètement, comment faire ?

- Souviens-toi de ma difficulté à représenter sur un schéma des foncteurs adjoints (voir "Présentation du 12/06/2019 au Groupe d'Anatole Khélif"):

pour comprendre une formule :

"J'espère que le schéma est assez clair pour vérifier que s'il commute, alors pour tout morphisme r de Hom(F(X),Y) : F(X)⟼Y, nous avons : Φx'y'((g◦r◦F(f)) = G(g)◦Φxy(r)◦f."

J'avais même tenté d'utiliser un Tessarac (avec difficulté car je ne suis pas très doué pour utiliser Blender) (voir "De l'Incal au Tessarac") pour illustrer le retournement des foncteurs F et G.

- Bref, tu voudrais passer d'une représentation en 2D à une autre en 3D, voire 4D ?

- La question reste ouverte... Mais Alain Connes va effectivement au fond du problème : le concept de topos transcende sa représentation topologique, quelqu'en soit le nombre de dimensions.

- J'ai l'impression que tu tournes en rond.

- Je l'avoue...

Note 3 :

Le concept de successeur est valide jusqu'au premier saut [⚤]1[#]ensuite, la répétition porte sur des orthogonalités. On passe de R à C puis à R3 et H, jusqu'aux espaces de Hilbert; où la notion de "successeur" disparaît. Pour retrouver un ordre, il faut revenir à R,  n[#]1[#] et éventuellement à N : 1[#]→[⚤].

Dans le cas de la topologie, celui d'Alain Connes, deux possibilités: 

  • 2[#]2[#]1[#](→[⚤]) ou bien
  • 2[#]1[#]1[#](→[⚤]).
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