Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
31 Juillet 2019
- Dès que Dirac nous parle des "crochets de Poisson", dans "Principles of quantum mecanics", j'ai su qu'il était temps pour moi d'affronter mes démons, et de revenir à la mécanique analytique de Lagrange, en tirant sur ce fil qui détricote toute la physique, comme on va à Canossa.
- Tu n'as pas l'air très enthousiaste!
- Effectivement. Tu remarqueras que j'ai, le plus soigneusement que je l'ai pu, évité jusqu'ici de parler d'intégration et de différentiation, sauf à propos de la mesure de Lebesgue.
- Tu nous as pourtant parlé de Newton à plusieurs reprises, dans "L'Homme Quantique" en premier, puis au fil de ce blog (note1).
- Certes, mais concernant la loi des aires de Kepler, j'ai insisté sur le côté géométrique de sa démonstration; quant à sa loi fondamentale de la physique F=m.d2r/dt2, j'ai toujours su qu'il me faudrait y revenir. Eh bien, ce moment est venu!
- D'où te vient cette réticence ?
- Du concept de dérivée seconde par rapport au temps. Dans "l'Homme Quantique", bien avant d'entreprendre ma relecture de la physique et des mathématiques, j'ai présenté la chose ainsi :
- Cela paraît simple, où est le problème?
- C'était suffisant pour marquer une différence de niveau Imaginaire entre "masse grave" et "masse inerte" (note 2), mais depuis, j'ai bien avancé dans ma compréhension des mécanismes de la pensée et il est apparu en particulier, que les sauts I1/I01 et I01/IR ne sont pas de même nature. C'est ce qui ressort des développements que j'ai fait cette année (note 3).
À l'époque de ma rédaction, j'avais bien l'intuition d'un problème de cet ordre, et j'avais même posé cette question à un scientifique de renom: "est-ce que le temps de la seconde dérivation est de même nature que celui définissant la vitesse?"... Inutile de te dire qu'il m'a pris pour un idiot.
- Mais comment peux-tu t'en sortir ?
- Si je ne touche pas à l'idée que le temps est fondamentalement un saut diachronique entre I1 et I01, il faut accepter que le concept de temps manipulé par les physiciens de l'époque soit déjà réifié et identifié en I01, puis rendu continu par le saut menant en IR.
Alors, la répétition de l'action de dérivation a le caractère de la répétition du saut I01/IR qui, dans un premier temps mène au concept des nombres réels, puis dans l'itération du saut, aux nombres complexes etc. (note 4).
Dans ce changement de perspective, tu remarqueras que l'espace ne peut plus être un concept de niveau inférieur à I01, et donc qu'il dépend lui-même au niveau le plus intime d'un temps élémentaire entre I1/I01.
- Ce qui cadre bien avec l'idée d'Alain Connes, d'un espace vu comme une fréquence (note 5).
- Absolument. Donc, nous pouvons reprendre ma représentation relative de l'espace, de la vitesse et de l'accélération de cette façon :
Nous avons vu que la répétition du saut I01/IR se caractérise par une "orthogonalité", ce que nous retrouverons dans le schéma utilisé par Newton pour prouver la loi des aires de Kepler et, comme nous le verrons, plus fondamentalement dans l'espace des phases de Hamilton, mais n'allons pas trop vite !
- Mais si le concept d'accélération est une répétition du même, est-ce à dire que l'on est toujours coincé au niveau IR ?
- Ah ! C'est une grande question ! Sans l'avoir encore parfaitement établi, j'ai l'intuition que le saut suivant IR/I# est relatif à la compréhension des "volumes".
- Et qu'y a-t-il de si radical dans cette notion ?
- Selon Piaget, (note 8) l'enfant ne comprend que très tardivement qu'un volume de liquide se conserve lorsqu'il le transvase d'un bol dans un verre. Il s'agit d'une connaissance s'appuyant sur tous les acquis antérieurs; et ce qui te semble naturel ne l'est pas tant que ça. Selon moi, c'est à ce niveau I# que l'on peut développer le concept de "mesure", étroitement lié à celui de carré, avec bien évidemment le théorème de Pythagore. Je ne vais pas développer ici, mais tu vois sans doute ce dont il s'agit. Et ceci mène aux formes symplectiques telles que a1b2-a2b1.
- Autrement dit tes fameux crochets de Poisson.
- Tu y es. Pour en revenir à ta question je m'attends à trouver un saut de type IR/I#, avec la notion d'énergie en 1/2mv2, mais ceci ne veut pas dire que je me sens très à l'aise avec le positionnement Imaginaire du concept d'accélération lui-même: est-ce une simple "répétition" d'un saut I01/IR ou d'une réelle complexification de notre Imaginaire, avec un saut IR/I# ?
Je me réveille ce matin avec cette idée en tête: "les effets de l'accélération sont dissociables de ceux de la vitesse en ligne droite, et indissociables de ceux d'une rotation".
- Tu peux développer?
- Souviens-toi de ton expérience de la moto ou du pilotage; lorsque tu tournes, tu sens automatiquement les effets du changement de direction dans ton corps, de même pour un patineur qui dans une vrille accélère sa rotation en ramenant les bras près du corps. En ligne droite, par contre, les effets de l'accélération et de l'inertie sont dissociés.
Cette différence semble indiquer que le passage de la vitesse à l'accélération n'a rien de la répétition et qu'il y a donc de l'un à l'autre un saut de type IR/I#. Cette idée matinale venant après ce que j'ai écrit hier soir concernant l'énergie, m'amène à penser que tout ceci est lié au statut de la "rotation", ou de la "courbure".
- Belle envolée pour enfoncer une porte ouverte: tu nous parles ici de relativité générale !
- Eh bien c'est exactement la sensation que j'ai eu ce matin, enroulé en chien de fusil dans mon lit, j'avais l'impression que mon poids venait de mon matelas épousant une géodésique terrestre qui m'écrasait. J'étais scotché à cette courbure, comme un gosse sur un toboggan !
- Tout ceci nous éloigne du sujet !
- Peut-être pas tant que cela :
et le passage d'un type de discours à l'autre est très lié à la différence entre différenciation et intégration. C'est une discussion que je ne pouvais pas aborder avant d'avoir caractérisé complètement ce dédoublement I'm<Im (note 9).
- Puisque nous y sommes, je crois qu'il est temps de te lancer, non ?
- Comprends-moi bien: il ne s'agit pas ici de développer une théorie mathématique, ce qui serait du temps perdu, puisque tout ceci est revisité au XXè siècle, mais de pointer les problèmes soulevés par les changements de postures du Sujet lorsqu'il passe d'un type de calcul à l'autre.
D'une façon générale, il s'agit d'un passage :
I'm<Ik<Ik+1<Im <=> I'm<Ik<Ik+1<Im
On peut élargir ceci au fait de passer, pour un niveau Imaginaire donné, d'une itération à une autre, par exemple du passage d'une description en 3D à une autre en 2D. Pour plus de clarté je met en exposant le n° du saut :
I'm<Iki<Iki+1<Im <=> I'm<Iki<Iki+1<Im
Ce dernier cas n'offre pas trop de problème car l'horizon Imaginaire du Sujet (i.e.: en I'm comme en Im) reste quasiment inchangé : l'objet du discours est du même niveau Imaginaire que les concepts lui permettant de le rationaliser.
Revenons maintenant au premier cas, et pour illustrer mon propos, prenons Ik=I01 et Ik+1=IR.
En I01, par exemple, nous pouvons écrire un polynôme à coefficients rationnels tel que P=a0+a1x+a2x2+...+nnxn.
- Tu nous ramènes à Gauss et au théorème fondamental de l'algèbre. (note 10).
- Exactement, je reviens à nos réflexions sur le travail d'Évariste Galois et en particulier sa démonstration de l'impossibilité de trouver systématiquement de façon algébrique les racines d'un polynôme de degré 5. (note 10). C'est d'ailleurs ce qui nécessite de passer de I01 à IR, et même à IR2, pour définir les nombres complexes.
En retour, tu élargis considérablement la notion de nombre et si, en I01 tu es limité à Q (en gros une règle graduée), en IR, l'ensemble des nombres C est une surface dont les solutions algébriques d'un polynôme ne représentent plus qu'une faible partie, je te renvoie à cette représentation de C, où les nombres algébriques sont en bleu :
- Tout ceci pour nous dire quoi ?
- Que si tu as une position ex post (ou globale) par rapport à IR, tu peux sans difficulté situer un nombre rationnel dans le plan complexe, avec I01<IR<Im, alors que la description locale, en I'm d'un nombre en IR, rapporté à I01, est beaucoup plus problématique.
Lorsque tu es dans cette situation I'm<I01<IR, il est évident qu'il y a des trous dans ta représentation, que tu ne peux pas "tout" voir.
- Ça me semble assez évident.
- Eh bien tâche de ne pas l'oublier dans ce qui suit:
Les seconds cas n'offrent pas de difficulté métaphysique particulière : nous sommes dans une structure Imaginaire "plate", qui correspond d'ailleurs parfaitement à l'époque de Lagrange.
- Peux-tu préciser?
- Nous sommes dans une pensée purement cartésienne, tournée vers le seul "objet final" (*), et par conséquent dans une rationalité limitée à la logique du premier ordre. Dans cet univers, l'aspect topologique qu'implique la position locale de I'm, ex ante par rapport au discours n'est pas conceptualisé. Tant que nous sommes dans la "répétition du même", il n'y a pas trop de difficulté à passer de I'm à Im, ce qui se résume à l'apparition d'une constante arbitraire lors d'une intégration (note 11).
- Et le temps, dans tout ceci?
- Il apparaît soit comme variable indépendante (t), soit dans l'expression d'une vitesse (q'i ou vi).
- Mais comment une vitesse, qui s'exprime en fonction du temps, peut-elle être indépendante du temps?
- Ah ! tu mets le doigt là où ça fait mal !
Le temps, dans l'expression de la vitesse, apparaît sous la forme d'une différentielle: v=dx/dt, et dans cette expression, bien évidemment, dx et dt ne sont par principe pas des concepts "orthogonaux" (i.e.: au sens où ils seraient "sans commune mesure") sous peine d'avoir des vitesses toujours nulles (nous parlons ici de variables vectorielles).
En fait, tu peux imaginer que la description du mouvement se fait par étapes:
- Une minute, s'il te plaît ! Tu es en train de me dire que le temps utilisé par I'm n'est pas le même que celui dont parle Im ?
- Exactement: le concept utilisé par I'm est à la limite celui développé en I01 à partir de sauts I1/I01, quand celui utilisé par Im est, comme nous l'avons vu, conceptualisé en IR, à partir du saut I01/IR.
C'est la seule façon de dire à la fois qu'une vitesse v=dx/dt dépend du temps, et dans le même discours, soutenir que v et t sont deux variables indépendantes.
- J'y perds mon latin!
- J'ai eu du mal à m'y faire également. Mais considère ceci: une observation est indépendante de l'instant à laquelle elle est effectuée (note 12). Prends par exemple l'observation des oscillations d'un pendule. Tu écartes le pendule de la verticale et le lâches à midi pile. S'il bat la seconde, il revient à la même position à 12h00'01". Ce que décrit la physique, c'est la position du pendule pendant cette oscillation d'une seconde, mais pas les circonstances qui te font le lâcher à 12h00'00". Le temps est ici vu comme une contrainte imposée au système. Si, par exemple tu avais retardé l'expérience d'un dixième de seconde, l'ensemble de l'expérience eut été inchangé, à l'exception de ce retard initial.
- Mais la physique ne décrit pas que des mouvements cycliques !
- En es-tu sûr ? La physique de Newton et Lagrange ignore la thermodynamique et l'irréversibilité d'un temps, liée à la notion d'entropie, qui peut se concevoir en I01. L'histoire de la physique, et singulièrement de la mécanique, commence avec Newton par la démonstration de la loi des aires de Kepler, et les premiers exemples des livres traitant du sujet sont généralement tirés de l'étude du pendule (note 15).
Ce qui intéresse le physicien, ce sont les régularités qu'il peut repérer dans les mouvements. Tu retrouveras cet état d'esprit, même dans l'étude des systèmes chaotiques, et des "attracteurs étranges" représentés dans un "espace de phases" développé par Hamilton.
Et c'est une disposition d'esprit que tu retrouves en mathématiques, avec cette idée de "groupes de symétries" qui illumine toute la pensée scientifique à partir des travaux d'Évariste Galois. L'idée même d'objet ou de concept tire sa substance des régularités qui nous font les retrouver à travers la diversité de nos expériences, c'est à la base même de l'automatisme de répétition de Freud.
Ce besoin de régularité passe donc par une symétrisation du temps, vu comme variable indépendante de la vitesse et de l'espace.
- Soit, mais alors que devient la seconde dérivation par rapport au temps, pour définir l'accélération.
- C'est là que ça coince, comme je te le signalais en introduction, et c'est pourquoi il importe de rentrer maintenant dans le vif du sujet.
Pour dérouler le fil qui mène de Lagrange à Hamilton, puis à la mécanique quantique et la relativité, je te propose de suivre un livre très bref, merveilleux de simplicité et de clarté: "Mécanique II" par David Sénéchal.
- Décidément toutes tes références sont étrangères: américaines, anglaises et cette dernière canadienne !
- Oui et c'est désespérant. Un snobisme universitaire très franchouillard pousse à l'obscurité pour briller, ce qui donne une littérature aussi lourde que prétentieuse.
- À moins que le système éducatif français ne favorise la recherche au détriment de la pédagogie, quand l'universitaire Américain doit se vendre à ses étudiants...
- Toujours est-il qu'il est impossible d'avancer en quelque domaine que ce soit en se cantonnant à l'Hexagone... Bref, revenons à David Sénéchal de l'Université de Sherbrooke, et suivons-le pas à pas.
Je dois bien avouer que cette approche tout analytique, sans aucune considération géométrique, ne me séduit guère.
- Que vient faire ici la séduction ?
- Je n'ai aucun plaisir à suivre Lagrange. C'est comme lire des phrases à la syntaxe irréprochable, qui s'enchaîneraient les unes aux autres sans s'adresser à moi, comme une conversation de salon, ou un rêve:
« Je crois que l’image qui nous vient montrerait la marche d’une dynamo branchée sur la prise de gaz, une plume de paon en sort et vient chatouiller le ventre d’une jolie femme, qui est là à demeure pour la beauté de la chose. La chose commence d’ailleurs à devenir intéressante de ceci, que la pulsion définit selon Freud toutes les formes dont on peut inverser un tel mécanisme. » Lacan (Note 6)
- Autrement dit, tu vois le résultat, le travail d'une pulsion qui te reste étrangère ?
- Exactement, or ici, nous cherchons à mettre à nu la pulsion qui organise notre rapport au Monde.
- Peux-tu sortir des généralités et donner un exemple de ce que tu avances ?
- Prends le développement suivant, sur lequel nous reviendrons en détail
L'équation (1.22) vient de la règle suivante concernant la dérivation : (u.v)'=u'.v+u.v'. C'est véritablement une règle syntaxique, qui a une justification, bien entendu, mais ici, la règle est utilisée "automatiquement", et la réécriture de l'accélération sous forme de dérivée de la vitesse, avec la mise en facteur du terme d/dt(...) te fait passer d'une expression de type u'.v à une autre de type (u.v)', et donc à l'introduction d'un terme excédentaire u.v', que tu compenses en écrivant, finalement, quelque chose comme : u'v= (u.v)'-u.v'. Tout ceci sent l'artifice.
C'est juste, et même astucieux: on a là toute la "mètis" du bricoleur cher à Lévi-Strauss, toute la virtuosité du Polytechnicien, mais ça sent un peu la sueur d'une physique "steam punk" annonçant le siècle de Jules Vernes, des décors pour Zola, avec un Gabin barbouillé de suie comme tête d'affiche dans "La bête humaine".
Et personnellement, ça me gêne que toute la physique tienne à une sorte de "jeu de mots". Comprends-tu ma réticence à revenir à ce point de départ ?
- J'en comprends surtout l'urgence! Car tu ne peux pas croire l'édifice si fragile, puisque l'on y revient sans cesse. Souviens-toi de Diderot :
«Tenez, mon ami, si vous y pensez bien, vous trouverez qu’en tout, notre véritable sentiment n’est pas celui dans lequel nous n’avons jamais vacillé, mais celui auquel nous sommes le plus souvent revenus.» (note 7)
À toi de trouver le point de vue d'où tout ceci prendra sens à tes yeux !
- Tu as raison, commençons donc par le début:
Coordonnées généralisées
Nous sommes ici dans la mécanique du point élémentaire, repéré dans un espace à 3 dimensions, plus une de temps. Chaque point (ou "particule" pour reprendre le terme de Sénéchal) du système que l'on veut décrire est donc caractérisé, à un instant donné t, par 3 coordonnées, qu'il est plus facile de manipuler sous forme d'un vecteur. Soit, pour un système ri = (r1, r2,..ri, rn) à N particules, N vecteurs ri ou 3N composantes.
Bien; maintenant, nous pouvons définir des contraintes entre différentes particules de notre système. Par exemple, pour un pendule: une seule particule, qui serait son poids, à une distance fixe l de son origine. Alors nous avons la contrainte : |r|=l à laquelle s'ajouterait celle d'être dans un plan : z=0.
On voit bien sur cet exemple que nous avons 3 coordonnées (x, y, z) pour notre pendule, avec deux contraintes :
Or ces deux contraintes sont indépendantes du temps.
- Elles peuvent l'être si le point de fixation est mobile.
- Oui, mais c'est un temps secondaire, une contrainte à classer à côté des autres, comme nous venons d'en discuter. On en revient, in fine, à des relations entre particules indépendantes du temps.
- Autrement dit il s'agit d'un discours "synchronique" ?
- Absolument: ces contraintes sont celles que fixe le Sujet. Le pendule est une "construction" du Sujet, de la même façon que la syntaxe conditionne son discours. Mais ce qui nous intéresse vraiment, c'est la partie du discours qui échappe au Sujet.
- Peux-tu préciser ?
- Soit le Sujet en Im, définissant une syntaxe en Ik+1 lui permettant de s'exprimer en Ik, avec Ik<Ik+1<Im. Par analogie, tu peux imaginer que le Sujet fabrique un système en Ik+1, à partir d'éléments en Ik. À chaque instant, ces éléments sont observables. Maintenant, le Sujet veut décrire le "jeu" qui s'instaure entre Ik et Ik+1; de quelle façon le système se transforme.
Autrement dit, le niveau Ik+1 auquel nous nous plaçons, avec le Sujet, est le dernier d'une descente synchronique, en dessous duquel le mouvement se décompose en un concept dual (synchronique en Ik et diachronique Ik/Ik+1).
L'existence de contraintes Ca sur notre système rend l'utilisation des coordonnées ri peu pratique, on introduit donc un nouvel ensemble de 3N coordonnées que l'on sépare en deux groupes:
pouvant s'exprimer en fonction des 3N coordonnées rI et (accessoirement) du temps. L'important est que ces nouvelles variables étant indépendantes, les rI peuvent en retour s'exprimer par ces nouvelles variables : rI= rI(qα,Ca,t).
J'insiste un peu, au point de recopier le texte de Sénéchal, car il me semble important de noter de quelle façon la variable temps est assignée à un rôle équivalent à celui des autres variables, en particulier des qα ; ce qui ne me semble pas si intuitif que cela !
- C'est sans doute ce qui a motivé cet éveil du 06/08 dont tu viens de parler ?
- Tout à fait, et nous pouvons préciser tout ce que nous venons de dire grâce à cette définition des coordonnées généralisées.
- Attends une minute ! Tu viens d'écrire que les coordonnées qα, sont d'un niveau Imaginaire plus élevé que leurs dérivées q'α par rapport au temps ?
- C'est la seule façon d'imaginer qu'elles soient indépendantes d'un temps défini comme contrainte ! Nous venons d'en parler assez longuement. Dire que les q'α sont indépendants de t, c'est dire qu'ils lui sont "orthogonaux", et qu'il s'agit bien, pour passer de l'un quelconque de ces q'α à t, d'effectuer un saut diachronique de type I01/IR. Et oui, cette nouvelle façon de voir invalide la première représentation que j'avais en tête concernant les places respectives de l'espace, de la vitesse et de l'accélération.
- Peut-être est-ce du au passage de coordonnées purement géométriques à ces coordonnées généralisées ?
- Sans doute, encore faudrait-il y réfléchir à tête reposée. Mais je te propose d'avancer dans notre exploration de la physique de Lagrange.
Maintenant essayons d'y voir plus clair dans les équations déroulées par Sénéchal:
Nous sommes ici avec I'm dans une vision locale du mouvement : I'm<Ik<Ik+1, rapportant en Ik des éléments imaginés en Ik+1, en particulier le temps t.
En dérivant cette équation (1.17) par rapport au temps, on obtient une expression (1.23) des vitesses vi:
La question est de connaître la nature du temps servant à exprimer la vitesse q'α.
A priori, si mon raisonnement est exact, ce temps plus primitif (i.e.: issu de I1/I01) n'est pas celui utilisé en relation avec les contraintes (i.e.: de niveau Ik+1 c.-à-d. au minimum en IR), et, oh merveille des merveilles, en dérivant (1.23) par q'α on fait disparaître notre temps de niveau Ik+1, puisqu'il est orthogonal aux q'α, pour obtenir l'équation (1.24).
Nous assistons à un véritable tour de passe-passe permettant de glisser sous le tapis le motif de discorde, ce qui permet d'écrire l'esprit léger (1.25):
Nous avons un raisonnement purement itératif, consistant à exprimer une seconde fois ri en fonction de vi, et à dériver par rapport au temps de niveau Ik+1.
C'est vraiment de la tambouille, pour arriver à cette équation (1.25) évidente, dès que l'on a compris qu'il s'agit d'un temps orthogonal aux coordonnées généralisées, et donc de niveau Ik+1, forcément de niveau Ik+1.
Énergie cinétique et Lagrangien
Il ne reste plus qu'à dérouler:
1/ Équation (1.20) : On part de la formule de Newton, en distinguant les "forces de contraintes" f(c) et les "forces appliquées" au système f(a) par un potentiel dans lequel il serait plongé.
2/ Équation (1.19) : Par un raisonnement que je ne reprends pas ici (voir page 11 et 12 "forces de contraintes et déplacements virtuels"), il est assez facile de voir que les forces de contraintes ne produisent aucun travail lors d'un "déplacement virtuel" (i.e.: déplacement selon une coordonnée généralisée).
Tu peux en saisir l'évidence en comprenant que ces contraintes ne sont qu'un discours synchronique en Ik+1 porté sur le système, et qu'il ne peut donc en résulter aucun "travail" du à une évolution temporelle du système.
3/ Équation (1.22). Lagrange utilise ce résultat (1.19) pour se débarrasser des forces de contraintes, ce qui conduit à cette équation dont je viens de parler en détail.
4/ Je reproduis ici le texte de Sénéchal :
Tu vois bien que l'expression d(dL/dq'α)/dt dans l'équation (1.32) a quelque chose d'alambiqué, combinant :
Nous en avons suffisamment discuté pour que je n'y revienne pas, mais ce qui m'intéresse ici, c'est l'introduction d'un terme en v2, dans l'expression de l'énergie cinétique dans (1.27).
- Tu en reviens à l'idée d'un concept de niveau I# ?
- Oui, absolument: il y a disparition d'une accélération que l'on ne savait pas trop bien placer au profit d'un concept résolument de niveau I# !
Je ne reprends pas ce que j'ai dit dans "L'Homme Quantique" à propos du jeu entre énergie cinétique (vue comme synchronique) et énergie potentielle (vue comme diachronique) pour définir un "mouvement" déterminé par le principe de moindre action de Maupertuis: il est préférable d'avancer un peu dans notre lecture, en passant à Hamilton.
Avant d'y arriver, Sénéchal nous parle d'abord des transformations de Legendre.
Transformations de Legendre
Laissons-nous guider par l'auteur.
(Je présente toutes mes excuses à l'auteur d'utiliser ainsi sans vergogne ses écrits, mais il présente la chose si simplement et directement que je ne vois pas le moyen d'aller plus vite que de donner son texte à lire).
Pour fixer les idées, considérons que le plan x0y du schéma est de niveau IR (i.e.: les coordonnées x et y sont continues). La courbe elle-même est de niveau Imaginaire IR, représentable globalement aux yeux de Im tel que IR<Im.
Bien, maintenant, aux yeux de I'm, la description de cette courbe au point x(p) se ramène à sa tangente f'(x) de pente p. Complétons notre description:
Le plus amusant étant que cette transformation est involutive f**=f, autrement dit nous pouvons définir le mouvement réciproque: IR1<Im=>I'm<IR1=>IR2<Im.
Moments conjugés et Hamiltonien
(Encore une fois, merci à David Sénéchal pour cette présentation si limpide !)
Tu vois bien que le problème principal tourne autour du concept de vitesse, et notre approche permet d'en démonter le mécanisme Imaginaire:
Ce qui tenait du tour de passe-passe chez Lagrange a donc le mérite d'être ici explicite:
Tu remarqueras également que l'on doit nécessairement réaliser deux sauts diachroniques pour atteindre IR2, et exprimer l'orthogonalité de p et q. Ne t'étonne donc pas que l'espace des phases soit privilégié pour y représenter un système mécanique, et que les nombres complexes C soient privilégiés pour exprimer la physique.
On peut alors considérer que IR est LE niveau Imaginaire sur lequel se reflète la représentation que le physicien se fait du Réel, jusqu'à la catastrophe de l'ultraviolet.
Il faudra attendre la mécanique quantique pour casser ce mur et descendre au niveau I01 de la représentation, les travaux d'Alain Connes me semblant être la dernière étape contemporaine du processus.
- Cependant, la mécanique quantique reprend le formalisme de Hamilton.
- Pour une raison d'ordre supérieur, que je situe en I#, à savoir le respect du principe de moindre action.
Mais pour l'instant, restons-en à nos fameux crochets de Poisson.
Crochets de Poisson
Ici encore tout tient à la dérivation par rapport au temps. Mais et c'est la conséquence de toute l'évolution Imaginaire que nous venons de décortiquer, il s'agit évidemment du temps tel que conçu en IR.
Forme canonique des lois physiques
Désolé, mais je ne trouve pas mieux que de poursuivre avec le texte de Sénéchal:
Où l'on passe sans difficulté à une écriture matricielle (2.49), puisque p et q sont des vecteurs orthogonaux, se qui se traduit par les équations (2.51).
La forme [qα,pβ]=δαβ nous conduit directement à une définition de l'orthogonalité par le calcul d'une surface, autrement dit, nous porte en I#.
D'autre part, tu remarqueras que la conservation d'une quantité F se définit par:
C'est dire qu'en I#, la quantité conservée F se traduit par une symétrie (i.e.: [F,H]=-[H,F]=0). Ceci permet, a contrario, de caractériser la brisure de symétrie lors d'une descente diachronique I#=>IR, par l'antisymétrie fondamentale de nos crochets de Poisson.
Tu vois comment nous investissons progressivement, à partir de IR, ce niveau Imaginaire I# où s'exprime le principe de moindre action, qui chapeaute toute la physique.
Retour à la mécanique quantique
Il me reste à reprendre ici ce qu'en dit Sénéchal:
Le point essentiel que nous pouvons relever, c'est le "i" imaginaire indiquant l'orthogonalité vue au niveau IR entre une partie indépendante d'un temps , et une partie qui en dépend explicitement.
Ceci achève de faire le joint avec notre lecture de Dirac.
J'avoue que j'ai rarement été aussi heureux de découvrir un livre, car non seulement il nous permet de faire le joint entre mécanique classique et quantique, mais également avec la relativité, mais ce sera pour une autre fois; le temps pour vous comme pour moi de méditer sur tout ceci.
Hari
Nota du 15/08/2019
La distinction que l'on voit s'établir ici progressivement dans le discours du physicien entre un temps élémentaire, implicite, et un second temps, explicite, était déjà au coeur de ma réflexion, lorsque j'écrivais l'année dernière mon article:
Note 1 Voir en particulier:
Note 2 À propos de cette différence voir:
Voir en particulier ce point sur la discussion :
Voir toute la discussion que nous avons déjà eue à ce sujet, en particulier dans :
Voir :
J. Lacan, Séminaire XI, Paris, Seuil, 1973, p. 190-191., cité dans "l'Homme Quantique".
Diderot, Entretien entre Diderot et d’Alembert, 1769, cité dans "l'Homme Quantique".
Note 8 Voir
J'aborde la différenciation I'm/Im après avoir commenté les travaux d'Évariste Galois. Voir en particulier:
Reportes-toi à la série d'article sur le thème, dont le premier est :
Cette constante d'intégration, est sans aucun doute la quantité conservée associé au saut diachronique réalisé par le Sujet, ce qui nous renvoie au triptyque de Noether...
Autrement dit, il s'agit d'une invariance par rapport au temps, ce qui nous ramène comme toujours à Emmy Noether, bien entendu. Le temps est "symétrique" en IR et la brisure de symétrie a lieu dans le saut IR/I01...
Il y a une dualité de posture du Sujet :
Pour la cohérence du concept de vitesse, il convient que le temps lui-même, à ce niveau élémentaire, ne puisse être vu que comme un quanta dt, ce qui est cohérent avec ce que nous savons du temps de Planck...
Nous sommes ici en IR, avec la possibilité de définir une addition, il faudrait revoir le problème en cas d'une régression en I01. Voir:
N'est-ce pas d'ailleurs le sens profond du théorème de Poincaré, conséquence de celui de Liouville ? Voir page 50:
Théorème de Poincaré:
"Si une système mécanique évolue dans un sous-ensemble fini D de l'espace des phases, alors il va un jour revenir aussi proche que l'on veut de son état de départ".
Relecture au 13/09/2019: ... ce qui donne un éclairage nouveau à l'automatisme de répétition de Freud !