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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Du rhizome au cross-cap #1 — en passant par Deleuze & Guattari

Le 04/ 06/ 2025


L’Anti-Œdipe (1972)

Les mille plateaux (1980)


- Tu te fiches de moi ! Hier, tu jurais que l'on ne t'y reprendrait plus, et voilà qu'aujourd'hui tu replonges dans la piscine philosophique ?

- En parcourant le net à la recherche de Žižek, mon regard à du accrocher les noms de Deleuze et Guattari, et ce matin, je me suis dit qu'il y avait sans doute mieux à faire que rester là, à peigner la girafe. Après tout je suis à la recherche (infructueuse) d'idées nouvelles, et je n'ai jamais été voir cet "Anti-Oedipe" qui promet d'être iconoclaste.

- C'est un terrain très vaste et qui promet d'être ardu. Comment t'y prendre ?

- L'Anti-Oedipe, et les "Mille plateaux" forment un diptyque "Capitalisme et schizophrénie" (1972-1980) qui se veut une machine de guerre contre à la fois la psychanalyse traditionnelle et le capitalisme ambiant : c'était dans les années post-68...

- Toute ta jeunesse ! Mais par où commencer ?

- Pour une fois, j'ai l'impression qu'il va falloir se batailler avec le texte, et c'est une perspective stimulante. L'idée de l'Oedipe comme machine sociale castratrice du désir me plaît, et il va falloir en discuter, mais dans Les Mille Plateaux, il me semble que les auteurs creusent encore leur idée pour arriver à son "rhizome", si je puis dire.

Ils y pensent comme à un "objet" interconnecté dans lequel toutes les parties seraient potentiellement en contact... C'est bien joli, mais il me semble qu'il manque à cette perspective un principe entropique. Si les organismes vivants créent de l'ordre, avant même toute idée de capitalisme, c'est très primitivement pour s'épargner des efforts. La tribu est déjà dans ce principe économique, l'organisation de notre cerveau lui-même et toute la structure d'un être vivant également, qu'il soit mammifère ou protozoaire...

- Cependant, les arbres forment entre eux des réseaux et communiquent à travers la forêt, par un vaste réseau de racines et de champignons mycorhiziens. On en revient aux réseaux...

- Oui, bien entendu, de même que les hommes vivent en société. Il n'y a donc pas opposition frontale entre les deux systèmes, mais une articulation à mettre en évidence. D'ailleurs, l'idée d'une opposition entre ce rhizome et toute structure hiérarchisée et d'un choix à faire entre les deux est en soi une pensée dichotomique, ce dont les auteurs prétendent s'émanciper... Toute pensée quelque peu développée est structurée, et c'est ce que je me propose de mettre en évidence dans le projet même des auteurs :

— Q : Peux-tu me donner une idée de l'enchaînement des concepts dans les deux tomes de "Capitalisme et schizophrénie" quel est le plus fondamental et comment les autres en découlent?

— 🤖: Les deux tomes de Capitalisme et schizophrénie (1972-1980) de Deleuze et Guattari développent une pensée en mouvement, où les concepts s’articulent autour d’une critique du capitalisme et d’une reconfiguration radicale du désir. Voici leur logique d’enchaînement :

  1. L’Anti-Œdipe : Fondations critiques
    Le premier volume pose les bases d’une analyse matérialiste du désir et de ses rapports au capitalisme.
    • Machine désirante (concept fondamental)
      Le désir n’est pas un manque, mais une force productive agissant comme une machine connectée à d’autres machines (sociales, techniques, etc.) . Cette idée rompt avec la psychanalyse freudienne, jugée réductrice.
    • Critique de l’Œdipe et du familialisme
      Le complexe d’Œdipe est dénoncé comme une construction sociale qui canalise le désir dans des structures familiales normatives, servant l’ordre capitaliste .
    • Schizo-analyse
      Méthode alternative à la psychanalyse, visant à libérer le désir des cadres oppressifs (famille, État, capital) en étudiant ses flux et ses connexions concrètes .
    • Capitalisme et production désirante
      Le capitalisme exploite et réprime le désir tout en dépendant de lui : il déterritorialise (détruit les anciens codes) pour reterritorialiser (recoder selon sa logique marchande) .
  2. Mille plateaux : Expansion et systématisation
    Le second volume approfondit et complexifie les concepts en les appliquant à des domaines variés (art, politique, linguistique), via une structure rhizomatique.
    • Rhizome (concept structurant)
      Modèle anti-hiérarchique opposé à l’arbre (système racinaire). Le rhizome incarne la multiplicité, la connexion libre et la transformation permanente, reflétant la dynamique du désir .
    • Déterritorialisation/ reterritorialisation
      Processus par lequel le capitalisme libère les flux (déterritorialisation) pour mieux les contrôler (reterritorialisation). La schizophrénie devient une figure de résistance à cette logique.
    • Corps sans organes (CsO)
      Concept emprunté à Artaud, désignant un état du corps libéré des organisations normatives, où le désir circule librement .
    • Machine de guerre
      Entité nomade et créatrice qui s’oppose à l’« appareil d’État », symbolisant la capacité à inventer des alternatives au pouvoir centralisé .

Hiérarchie conceptuelle et liens
Le concept le plus fondamental est celui de machine désirante, car il fonde l’ensemble du projet :
    1.    Désir productif → Critique de l’Œdipe .
    2.   Désir et capitalisme → Analyse des processus de déterritorialisation .
    3.   Libération du désir → Schizo-analyse et rhizome .
Les autres concepts (rhizome, CsO, machine de guerre) en découlent comme des outils pour penser la résistance au capitalisme et l’émancipation des subjectivités.
Transition entre les deux tomes :

  • L’Anti-Œdipe déconstruit les systèmes de contrôle (psychanalyse, famille, capital).
  • Mille plateaux propose des modèles alternatifs (rhizome, devenirs) pour imaginer des agencements collectifs libérés, en s’appuyant sur la positivité du désir .

En résumé :
Les concepts s’enchaînent comme une cartographie de la critique et de la création, où le désir, d’abord analysé comme force asservie, devient le moteur d’une pensée émancipatrice." (lien)

Bon, comme tu le vois, il semble bien, malgré la structure "en plateaux" du second tome, qu'il y ait une hiérarchie des concepts, quand le but de l'ouvrage est de s'en émanciper avec ce concept de "rhizome". Tu noteras au passage la forme canonique mise en oeuvre, avec la double inversion du concept de désir (i.e.: "le désir n'est pas un manque mais une force productive".) 

- Plus encore : la double inversion est dans l'objet (de res) du discours, et ce qui en est dit (de dicto) :

  • Dans la voie des choses (𓁜𓁝) : la fonction du désir chez le Sujet, mais également
  • Dans la voie des mots (♧𓁜𓁝♡) : c'est à partir de lui que s'échafaude le discours.

Eh bien, soit, attaquons par le désir.

- C'est une idée qui ne me pose aucun problème : c'est au coeur même du "Moi-Peau", avec le Moi du Sujet comme la peau d'une force vitale qui le traverse (la mue du Kundalani).

- À cette différence près (à vérifier) que le désir de Deuleuze et Guattari est celui du Sujet, quand la force vitale est au-delà du Sujet, qui n'en est qu'une enveloppe...

L’Anti-Œdipe 

Machine désirante

- Vérifions :

"— 🤖: Chez Deleuze et Guattari, le désir n’est pas personnel ni attaché au Sujet désirant au sens traditionnel. Leur conception rompt radicalement avec la psychanalyse classique, qui situe le désir dans l’intériorité d’un sujet individuel. Pour eux, le désir est fondamentalement impersonnel, transindividuel et collectif.
Ils affirment que le désir est une force de production, un flux qui traverse et connecte les êtres, les objets, les machines, les corps et les sociétés, sans jamais se réduire à une propriété d’un «moi» ou d’un individu. Le sujet n’est pas l’origine du désir, mais le résultat, le produit secondaire de l’activité désirante : «Non pas un sujet qui désire donc, mais plutôt le désir qui produit un sujet des restes de son activité connective primaire». Le désir dissout les identités fixes et transforme continuellement les organisations, il n’est jamais enfermé dans une subjectivité stable.
Guattari, notamment, insiste sur le fait que le désir opère sur un plan impersonnel et collectif, en lien direct avec les processus sociaux, politiques et matériels. L’individu n’est qu’un terminal, un point de passage ou de consommation de subjectivité, lui-même produit par des agencements collectifs et des modes de production sociale du désir.
En résumé,

Pour Deleuze et Guattari, le désir est impersonnel, au-delà du Sujet : il est une dynamique collective, matérielle et connective, qui précède et excède toute identité individuelle" (lien)

- La différence entre nos deux points de vue est subtile.

  • Chez Deleuze et Guattari : les individus sont les éléments d'une société, qui produit le désir commun :
    => Nous sommes en [⚤]𓁜;
  • Avec le Moi-peau, le Moi n'est que "le bord" d'une énergie qui dépasse absolument toute structure individuelle :
    => Nous sommes en [♻]𓁜, exprimable en termes de "substance", pour reprendre un concept platonicien compris de tous.

La différence de conception se retrouve en particulier dans l'idée que le "désir dissout les identités", quand pour nous l'identité est une décohérence d'un état intriqué. L'identité de l'individu ne préexiste pas à un désir, c'est au contraire le désir, vu comme une énergie pure, qui devient "observable" en causant l'individu.

- En somme, la critique du capitalisme est une perspective trop limitée ?

- Oui : ils ne remettent pas en cause la racine platonicienne de leur perspective et restent dans une dialectique de l'Un et du multiple, sans remettre en cause l'objet initial, non pas en opposition au multiple, mais comme étant le vide.

  • Deleuze et Guattari sont dans cette zone Imaginaire : [⚤]𓁜𓁝[♻];
  • Notre critique vient d'ici : [♻]𓁜⇆𓁝[∅].

Critique de l’Œdipe :

- Développons un peu :

"— 🤖: Critique de l’Œdipe et du familialisme chez Deleuze et Guattari
Deleuze et Guattari, dans L’Anti-Œdipe, développent une critique radicale du complexe d’Œdipe et du familialisme, considérés comme des dispositifs de réduction et de normalisation du désir.

  1. Œdipe comme réduction du désir
    Pour eux, la psychanalyse freudienne commet une erreur fondamentale en rabattant la richesse du désir inconscient sur le schéma restreint du triangle familial (père-mère-enfant). Ce rabattement est une opération de territorialisation du désir, qui le prive de sa puissance révolutionnaire et créatrice :
    «Qu’est-ce qu’Œdipe ? L’histoire d’une longue “erreur”, qui bloque les forces productives de l’inconscient, les fait jouer sur un théâtre d’ombres où se perd la puissance révolutionnaire du désir, les emprisonne dans le système de la famille.»
    La psychanalyse, selon eux, ne voit dans l’inconscient qu’un théâtre familial, alors qu’il est en réalité une usine, un lieu de production et de connexion machinique.
  2. Critique de l’universalité d’Œdipe et du familialisme
    Deleuze et Guattari réfutent l’idée selon laquelle le complexe d’Œdipe serait universel, valable dans toutes les cultures et toutes les sociétés. Ils dénoncent la tendance à « chercher Œdipe partout » comme une forme de colonialisme intellectuel et social :
    «L’erreur, ce serait de croire qu’Œdipe pourrait être international.»
    Imposer Œdipe, c’est imposer la famille nucléaire occidentale comme modèle universel, au détriment de la diversité des formes sociales et des modes de vie. Cette opération s’accompagne d’une destruction des mondes et d’une homogénéisation des subjectivités, que Deleuze et Guattari nomment « formation coloniale intime ».
  3. Le familialisme comme instrument de contrôle social
    Le familialisme, c’est-à-dire la réduction de tout désir à la sphère familiale, est analysé comme une stratégie de la psychiatrie et de la psychanalyse pour maintenir l’ordre social et canaliser les forces subversives du désir :
    «Le familialisme fut le rêve de la psychiatrie ;… la tâche de la schizo-analyse passe par la destruction, tout un nettoyage, tout un curetage de l’inconscient. Détruire Œdipe, l’illusion du moi, le fantoche du surmoi, la culpabilité, la loi, la castration… »
  4. Vers une schizo-analyse
    Face à cette réduction, Deleuze et Guattari proposent la schizo-analyse, qui vise à libérer le désir des carcans familiaux et à le réinscrire dans le champ social, politique, historique :
    «On délire le monde, pas sa petite famille.» (Deleuze, L’Abécédaire)

Ils insistent sur la nécessité de penser le désir comme une force collective, transindividuelle, et de sortir de la logique du moi et du familialisme pour retrouver sa dimension créatrice et révolutionnaire.
En résumé :
La critique de l’Œdipe et du familialisme chez Deleuze et Guattari vise à dénoncer la réduction du désir à la famille nucléaire, à contester l’universalité du complexe d’Œdipe et à ouvrir la voie à une analyse du désir comme puissance sociale, collective et productive. Cette critique s’accompagne d’un appel à la destruction des représentations œdipiennes pour libérer le potentiel subversif du désir."
(lien)

Il faut démêler ici ce qui ressort de:

  • l'attention des auteurs :
    => leur regard critique sur l'Oedipe tel que défini par la psychanalyse en regard de la réalité du terrain;
  • leur intention :
    => créer une machine de guerre contre le capitalisme.

- Pourquoi cette précaution oratoire ?

1/ L'oedipe comme réduction du désir

- Parce que l'on peut être d'accord sur le rôle de normalisation de l'Oedipe, ce qu'il est objectivement, sans partager le désir des auteurs d'y voir un instrument aux mains du capital dont il faudrait se débarrasser. Pour la critique du capitalisme, on peut en revenir à Bourdieu et à l'habitus (voir "Découvrir Bourdieu #1" et la suite).

Sur le fond, ils sont critiques vis-à-vis de la forme canonique de Lévi-Strauss :

"— Q : Les auteurs font-ils référence à la forme canonique de Lévi-Strauss ?

— 🤖:  Deleuze et Guattari font effectivement référence à Claude Lévi-Strauss et à ses analyses des mythes, mais leur rapport à la «forme canonique» des mythes lévi-straussiens est critique et nuancé.
Ils reconnaissent l’importance du travail structuraliste de Lévi-Strauss, notamment sa méthode d’analyse des mythes comme systèmes de relations et de transformations, mais ils s’en démarquent sur plusieurs points essentiels. Lévi-Strauss cherche à dégager des structures invariantes, des «correspondances de rapports» au sein des mythes, ce que Deleuze et Guattari considèrent comme une limitation du structuralisme, car il tend à réduire la différence à une simple correspondance ou à des oppositions binaires.
Dans Mille plateaux, Deleuze et Guattari s’inspirent de la démarche de Lévi-Strauss pour penser la multiplicité et la transversalité des récits, mais ils refusent le modèle structuraliste strict, préférant des agencements ouverts, non hiérarchiques, et des relations multiples qui échappent à la forme canonique et au binarisme. Là où Lévi-Strauss propose une «science des mythes» fondée sur des structures fixes, Deleuze et Guattari privilégient des processus dynamiques, des devenirs et des connexions qui relèvent du vivant et du flux plutôt que de la structure figée.
En somme, Deleuze et Guattari reconnaissent la fécondité de l’approche de Lévi-Strauss, mais ils s’en écartent en refusant la clôture structurale au profit d’une pensée du multiple, du flux et de la transformation, qui va au-delà de la forme canonique des mythes telle que définie par Lévi-Strauss
" (lien)

L'ironie veut qu'il est très facile —comme nous venons de le pointer en introduction— de mettre en évidence la mise en oeuvre de cette forme canonique, dans leur conception du rôle du désir, comme dans leur démarche. Je crois que là, nous sommes au point de divergence fondamental. Croire que "penser le multiple" implique le rejet des "structures" est, pour moi, une faute intellectuelle.

- Bien présomptueux !

- Non, j'en reste à Emmy Noether, et à son triptyque :
quantité conservée/ Symétrie/ indétermination.

Il n'y a pas de "pensée" qui ne se ramène à la recherche de symétries. Et cette contrainte n'est pas d'ordre esthétique, mais résulte d'une nécessité énergétique impliquant un principe entropique (i.e.: économique). Lorsqu'on jette un bâton au fond d'une mine dans un air saturé de sel, il se couvre naturellement de cristaux, sans l'ombre d'un capitaliste alentour. (Note 1)

L'approche des auteurs est bancale dès lors qu'ils n'ont pas intégré de principe entropique à leur démarche. Comment peut-on penser la transformation sans comprendre la nécessité d'un principe dual à la base : objet initial/ final en théorie des catégories, sources froide/ chaude dans un cycle thermique, Yin/ Yang dans la pensée Chinoise, etc.? Le "multiple" renvoie aux abeilles de Socrate : en tuant Lacan, ils n'ont pas tué le bon père, ce qui est franchement louper la première marche de l'escalier !

Manque épistémologique qui leur permet de rejeter la forme canonique perçue comme une "contrainte" socialement déterminée en Occident, alors qu'on la retrouve chez les Jivaros.

- Il y a donc une erreur épistémologique à la base de leur construction ?

- Oui, et ce n'est pas une "opinion", mais un fait objectif, réfutable au sens de Popper.

Ceci dit, on peut est d'accord avec leurs observations : l'Oedipe contraint le désir du Sujet. Mais cette "contrainte" tient au fait que l'Homme est un animal social. Et oui, vivre en société implique pour les éléments d'icelle des contraintes, de même que des atomes dans des cristaux subissent des contraintes, aussi inexorablement que l'atmosphère enveloppe la Terre, et l'eau court à la mer, chacune en son essence contrainte par des forces de gravité.

Par curiosité, j'ai cherché à voir si Deleuze avait une famille et quels étaient ses rapports avec ses enfants, et je suis tombé sur ce souvenir de sa fille Emilie, à propos de l'amour de son père pour le cinéma :

"J'ai le souvenir de la fois où j’ai commencé à comprendre ce qu’était pour lui une idée. Il travaillait sur le cinéma de Chantal Akerman, j’avais 14 ou 15 ans. Il avait une idée, je ne me souviens plus très bien de laquelle, et il avait le sentiment que la réalité venait la contrecarrer, que le réel lui résistait. Dans son énervement, il m’avait dit : “De toute façon, l’idée prévaut à la réalité.” Je garde des phrases, entendues très jeune, auxquelles j’ai repensé souvent ensuite, surtout après sa mort. Une fois, je lui avais dit, comme ça de manière un peu débile “Oui, mais bon, tout est relatif !”, et il m’avait regardé en souriant et répondu : “Mais, ma pauvre chérie, rien n’est relatif.
[...]
S’il m’a appris une chose, c’est que quand on a une idée, on est sauvé. Après c’est du travail, mais l’essentiel, c’est le moment où on a enfin la certitude d’avoir dégagé une idée." (Les "Inrockuptibles")

Et j'avoue que ces deux assertions, venant de Deleuze, m'ont mis en joie ! Comment, voilà un homme qui met en avant un principe pour tout dire profondément "anarchiste", où les choses se lient entre elles au petit bonheur la chance, mais qui reste, dans son vécu, profondément attaché à la recherche d'idées pour structurer ses observations, au risque même de subordonner son expérience du Réel à ses idées ! Extraordinaire !

- Je crois que l'on a compris, poursuivons.

2/ Critique de l’universalité d’Œdipe

- J'ai cherché un contre-exemple présenté par les auteurs, et je suis tombé sur le Président Schreber... 

- Une vieille connaissance ! (Note 2

- Oui, et donc, Perplexity me sort cette citation :

"— 🤖:  "Quand il délire, le Président Schreber, il délire aussi tout un système d’éducation. Il y a le thème de l’Alsace et la Lorraine, il y a le thème : l’antisémitisme et le racisme, il y a le thème, l’éducation des enfants. Il y a enfin le rapport avec le soleil, les rayons du soleil. Je dis, mais voilà, il délire le soleil, il délire l’Alsace et la Lorraine, il délire la langue primitive du dieu primitif, il s’invente une langue de, qui renvoie à des formes de bas allemand, bon. Il délire le dieu-soleil, etc. Vous prenez le texte de Freud à côté, qu’est-ce que vous voyez ? Bien, il se trouve précisément que Schreber, il a écrit son délire, alors c’est un bon cas. Vous prenez le texte de Freud à côté, je vous assure, enfin si vous avez souvenir de ce texte – à aucune page il n’est question de rien de tout ça. Il est question du père de Schreber en tant que père, et uniquement, tout le temps, tout le temps. Le père de Schreber, et le soleil c’est le père, et le dieu c’est le père, etc., etc.» (lien)

Étonné que les auteurs ne se réfèrent pas à Lacan, qui lui aussi, bien avant eux, n'en est pas resté à l'aspect familial du désir pour parler plus généralement de "désir Unaire", je creuse un peu :

"— Deleuze ou Guattari ont-ils fait référence à Lacan, en particulier en parlant du président Schreber ?
— 🤖:  ... ils discutent la lecture lacanienne de la psychose et du délire de Schreber, tout en s’en démarquant nettement. Leur critique porte sur la tendance de la psychanalyse, y compris chez Lacan, à ramener la richesse du délire de Schreber à des schémas œdipiens ou à la seule figure du Père, au détriment de la multiplicité des dimensions sociales, politiques et historiques du délire.
Ils reconnaissent néanmoins que Lacan a introduit des éléments novateurs dans la psychanalyse, notamment avec ses concepts de «a» (objet petit a) et de «A» (Autre), qui ouvrent la possibilité de «
schizophréniser le champ analytique, au lieu d’œdipianiser le champ psychotique» (L’Anti-Œdipe, p. 369). Mais ils soulignent que, dans la pratique, même la lecture lacanienne du cas Schreber tend à rabattre les productions délirantes sur le symbolique familial et la fonction paternelle.
En résumé, Deleuze et Guattari discutent Lacan à propos de Schreber, saluent certaines de ses innovations, mais critiquent la persistance d’une grille œdipienne et l’insuffisance à saisir la dimension sociale et machinique du délire." (lien)

Il y a là un biais cognitif des auteurs , cherchant à faire rentrer un tenon rond dans une mortaise carrée.

- Tu peux préciser ?

- Oui : tendus par leur "désir" de fonder leur propre "schizo-analyse", ils sont obligés de tuer le père, Lacan en l'occurrence, d'où un certain sentiment d'ironie à les voir suivre objectivement le modèle qu'ils rejettent intellectuellement... Hiatus qui tient à mon sens à leur incompréhension profonde de la nature même de la forme canonique des mythes, qu'ils rejettent comme nous l'avons vu.

- Soit plus positif, propose quelque chose !

- C'est très simple : ils confondent le concept et ses projections. Le concept est en [♻] et les "projections" en [⚤] (en univers néoplatonicien : je ne parle même pas du niveau [#]!) L'Oedipe n'est pas un "concept", mais une métaphore pour exprimer, dans un cadre familial, une structure universelle (la forme canonique) qui se retrouve dans toute pensée mythique, et à propos de tout et n'importe quoi, comme par exemple faire de la poterie chez les Jivaros, ou de la philo à La Sorbonne.

- Ils cherchent une dimension sociale à leur analyse ...

- Le mythe de la potière jalouse est pleinement une construction sociale, pour faire coller un jugement tribal (la femme a pour totem l'engoulevent) et une réalité historique : la femme fait de la poterie. C'est en raison de cette universalité de la forme canonique que Lévi-Strauss lui-même a ironisé sur le drame Oedipien en montrant que tout récit revient à ce schéma, même une comédie de boulevard comme "Un chapeau de paille d'Italie". 

- Donc, d'après toi, ils forcent sur l'aspect "familial" de l'Oedipe, pour s'en démarquer alors que c'est déjà acquis ? 

- Ça me semble ressortir du caractère de Deleuze, si du moins j'en reste à ce cri du coeur : 

"De toute façon, l’idée prévaut à la réalité."

- Il est dans une démarche "philosophique" ?

1 — intention 2 3 4 — attention

- Ça me semble l'occasion rêvée de tester un peu notre cross-cap. 

  1. À partir d'une idée en [♻], on en déduit des projections en [⚤]♡ : (i.e. [⚤][♻]):
    Pour Schreber :"Quand il délire, le Président Schreber, il délire aussi tout un système d’éducation.
    • Il y a le thème de l’Alsace et la Lorraine,
    • il y a le thème : l’antisémitisme et le racisme,
    • il y a le thème, l’éducation des enfants.
    • Il y a enfin le rapport avec le soleil, les rayons du soleil.
      Je dis, mais voilà, il délire le soleil, il délire l’Alsace et la Lorraine, il délire la langue primitive du dieu primitif, il s’invente une langue de, qui renvoie à des formes de bas allemand, bon. Il délire le dieu-soleil, etc.";
  2. En [♻], c'est l'objectivation du concept, à tester, mesurer, juger en [♻]; (i.e. ♧)
  3. En [⚤], on relève les signes attestant du concept, l'enquête de terrain pour ainsi dire; (i.e. [⚤][♻]);
  4. En [⚤], on adapte son attention aux signes attendus en [⚤]...(i.e. ♡)

Les auteurs nous parlent moins du Président Schreber, qu'ils ne s'en servent pour illustrer leur propos.

- En résumé ?

- La critique de l'universalité de l'Oedipe est déjà faite depuis longtemps, par Lévi-Strauss et Lacan, entre autres, mais les auteurs se l'approprient, pour donner à penser que cette critique est la source de leur construction à venir. En fait un acte fondateur structuré par la double inversion de la forme canonique, comme il se doit ! 😉

- Présenté comme ça, c'est plutôt dessiner la cible après avoir tiré, non ?

- La suite nous le dira.

3/ Le familialisme

«Le familialisme fut le rêve de la psychiatrie ;… la tâche de la schizo-analyse passe par la destruction, tout un nettoyage, tout un curetage de l’inconscient. Détruire Œdipe, l’illusion du moi, le fantoche du surmoi, la culpabilité, la loi, la castration… »

Maintenant que je les vois venir avec leurs gros sabots, j'avoue ne pas trop m'intéresser à ce qui me semble un étayage de leur édifice : la schizo-analyse.

Par ailleurs, si le "libre désir" de ces chers enfants, délivrés des contraintes familiales, est de devenir youtubeur à Dubaï, moi, je veux bien, mais pas sûr que ce soit signe de progrès...

4/ Vers une schizo-analyse

- Là, nous sommes au coeur de la proposition, ce qui demande quelques précisions.

"— 🤖: Principes de la schizo-analyse selon Deleuze et Guattari
... Elle repose sur plusieurs principes fondamentaux qui visent à libérer le désir des schémas répressifs et à penser l’inconscient comme une production collective et machinique.
Principes clés de la schizo-analyse

  1.  Le désir est machine, production et agencement machinique
    
Le désir n’est pas un manque ni une représentation, mais une force productive, une « machine désirante » qui s’articule avec d’autres machines sociales, techniques, naturelles. Toute production est à la fois désirante et sociale.
  2. Refus du signifiant et de la représentation
    La schizo-analyse refuse la réduction de l’inconscient à des schémas symboliques ou signifiants (comme l’Œdipe ou la Loi du Père). Les machines désirantes «ne représentent rien, ne signifient rien, ne veulent rien dire, et sont exactement ce qu’on en fait». Il s’agit d’échapper à la répression du désir par la représentation et de suivre les indices machiniques de la déterritorialisation.
  3. Critique de l’Œdipe et du familialisme

    La schizo-analyse rejette la triangulation œdipienne (père-mère-enfant) comme modèle universel du désir. Les figures parentales ne sont pas des organisateurs, mais des inducteurs parmi d’autres, et la famille n’est qu’un sous-ensemble du champ social. Les investissements sociaux sont premiers par rapport aux investissements familiaux.
  4. Dimension sociale et collective du désir
    Le désir est fondamentalement social : il traverse et structure la société tout entière, et non seulement la sphère familiale. Les processus désirants de l’individu sont en constant rapport avec la production sociale globale.
  5. Analyse des agencements et des processus
    La schizo-analyse ne cherche pas à interpréter ou à ramener le sujet à une histoire personnelle, mais à cartographier les agencements de machines désirantes, à accompagner l’expérimentation et la création de nouveaux possibles.
  6. Libération de potentialités désirantes
    
Le but de la schizo-analyse est de déconstruire les dispositifs répressifs (familiaux, sociaux, symboliques) qui fixent et figent le désir, afin de libérer ses potentialités créatrices et de permettre au sujet de s’ouvrir à la multiplicité de ses devenirs" (lien)

4-2/ Refus du signifiant

Je passe sur les points 1 & 3, déjà vus. Le rejet de la "représentation" me paraît un peu curieux. En creusant (voir ici) je tombe sur ceci :

 "Il ne faut d’aucune manière recréer de dispositif qui soit susceptible de réprimer la production désirante. Or, pour Deleuze, l’analyse par le signifiant est en elle-même déjà répression."

Ce qui me paraît méconnaître très gravement le fonctionnement de notre cerveau, et la prise de conscience comme rencontre entre un percept et un concept. Pour en avoir le coeur net :

"— Q : Les auteurs ont-ils jamais fait référence à des travaux de neuropsychologues, et en particulier à ceux de JP Changeux ?

— 🤖:... Ils envisagent le cerveau comme une matrice de plasticité, en constante reconfiguration, et utilisent la métaphore du chaos cérébral pour penser la création philosophique, artistique et scientifique. Cette approche s’inscrit dans un dialogue avec la neurobiologie contemporaine, mais sans référence explicite à Changeux, dont les travaux sur la neurobiologie de la conscience et la plasticité neuronale sont pourtant contemporains et proches de certaines préoccupations deleuzo-guattariennes..." (lien)

Là, manifestement, ils sont à côté de la plaque. 

- Penses-tu que la "machine signifiante" ai un but ?

- Là n'est pas la question. Notre conception du "Moi-peau" n'implique nullement un prédéterminisme du Sujet, il suffit de concevoir l'objet initial comme vide, ce qui n'est pas concevable tant que tu n'as pas explicitement franchi le plafond de verre platonicien pour tuer le père de toute la philosophie Occidentale, ce que visiblement ni Deleuze, ni Guattari n'a fait.

- Pour la suite ?

- 4-4/ Dimension sociale : Que le désir soit porté par le collectif me semble une évidence première, pas besoin de s'y attarder ici.

4-5/ Analyse des agencements et des processus : Là, on est dans la méthodologie. J'aimerais en savoir un peu plus sur leur praxis. En grattant, j'ai trouvé un texte sur Guattari dans "Multitude revue politique artistique philosophique", d'où il ressort que la critique par Guattari de Lacan, son maître, procède d'un approche marxiste...

- Autrement dit, malgré une volonté de rejeter tout cadrer afin d'analyser le désir, la pensée des auteurs est déjà parfaitement cadrée dès l'origine ?

- En gros, ce qui relativise leur rejet des "cadres". J'ai insisté auprès de Perplexity :

"— Q : Guattari présente-t-il des cas d'utilisation concrête de sa méthode anti-psychanalytique ?

— 🤖:... À la clinique de La Borde
Guattari met en pratique la schizo-analyse dans le traitement des psychotiques, en refusant de réduire la souffrance à une histoire individuelle ou à un schéma familial œdipien. Il analyse les processus collectifs, les agencements institutionnels et les rapports de pouvoir, en cherchant à transformer l’institution elle-même pour favoriser l’émergence de subjectivités collectives et créatives. Cette démarche s’inscrit dans la psychothérapie institutionnelle, où le soin passe par la réforme des structures et la participation active des patients à la vie collective de la clinique"
(lien)

Ça me rappelle l'intérêt de Foucault pour le traitement social de la folie.

— Q : Deleuze et Guattari se réfèrent-ils à Foucault ?

— 🤖 : Oui, Deleuze et Guattari se réfèrent à Michel Foucault à plusieurs reprises, tant sur le plan conceptuel que dans le dialogue intellectuel et l’amitié qui les liait. Leur travail partage avec Foucault une critique radicale des dispositifs de pouvoir, du familialisme et des formes de subjectivation produites par les institutions modernes. Ils s’inspirent notamment de la façon dont Foucault analyse les rapports de pouvoir et la production de subjectivité, tout en développant leurs propres concepts (comme le désir, l’agencement, la déterritorialisation) qui se distinguent de la notion foucaldienne de pouvoir.
Foucault, de son côté, a écrit la célèbre préface à l’édition américaine de L’Anti-Œdipe, saluant le livre comme un «manuel de vie non-fasciste» et
soulignant la portée politique de la démarche de Deleuze et Guattari. Les trois penseurs partagent une volonté de dépasser la psychanalyse classique, de remettre en question la centralité du sujet, et d’analyser les processus de normalisation et de contrôle dans la société contemporaine.
En résumé, il existe un dialogue soutenu et des références explicites entre Deleuze, Guattari et Foucault, tant dans la critique de la psychanalyse que dans l’élaboration de nouveaux outils pour penser le pouvoir, le désir et la subjectivation."
(lien)

Le problème c'est de vouloir déconstruire le capitalisme en place, en avançant un concept général de "suppression des structures", lorsque l'idée de départ est fortement structurée, s'inscrivant dans un courant de pensée parfaitement cadré. Focalisés sur leur lutte, à aucun moment ils ne lèvent le nez du guidon pour aller chercher ailleurs ce qui n'est pas sous leur nez.

- Par exemple ?

- La dualité d'une approche homologique/ cohomologique en topologie algébrique, avec un objet initial vide en théorie des catégories; et pas seulement passer d'un principe unitaire à la multiplicité, dans un balancement initié par Platon, qui n'a rien d'une nouveauté, mais reste une vieille Lune scolastique.

Toujours à la recherche d'un cas concret, je tombe sur cette présentation du "cas R.A." Texte de jeunesse de Guattari, à l'époque où il était proche de Lacan, je ne l'ai pas acheté, doutant qu'il nous apporte quoi que ce soit de concret... Rien après cet essai de jeunesse.

4-6/ Libération des potentialités désirantes :

- Déconstruire ce qui "fige" le désir ?

- Il y a déjà un rapport entre l'actuel et le potentiel qui ne devrait pas t'échapper...

- Effectivement : Deleuze lui-même fait la différence entre virtuel et potentiel dans Différence et Répétition (1968). Le robot a peut-être mal interprété ?

"— 🤖 : Au point 6 de ma réponse (« Libération des potentialités désirantes »), la formulation la plus rigoureuse, selon Deleuze, ne serait pas «potentialités» mais bien celle de «virtuel». Deleuze insiste précisément sur la distinction : le virtuel n’est pas du potentiel ou du possible ; il possède une pleine réalité en tant que virtuel, et il s’actualise selon des processus singuliers, sans être une simple réserve de possibilités ou de potentialités à réaliser" (lien)

Dont acte : il faut toujours rester méfiant lorsque l'on utilise un robot. Maintenant, il s'agirait de s'entendre sur cette "déconstruction".

— Q : peux-tu me donner plus de détails sur le processus de déconstruction mis en oeuvre ?

— 🤖 :... La déconstruction opérée par Deleuze et Guattari dans la schizo-analyse consiste à dissoudre les identités et organisations fixes, à cartographier les agencements désirants, et à libérer le champ du virtuel comme puissance de création de nouveaux devenirs, modes de vie et subjectivités. Ce processus n’est pas une simple critique : il vise à accompagner et intensifier la créativité du désir dans tous les domaines de l’existence." (lien)

On ne peut pas parler d'un processus à proprement parler, il s'agit seulement de libérer les contraintes et de laisser l'effet se faire.

— Q : Y a t il une influence des auteurs sur certaines méthodes d'enseignement ?

— 🤖 :... Il n’existe pas de «méthode Deleuze-Guattari» institutionnalisée au sens strict, mais leurs concepts nourrissent activement des pratiques pédagogiques innovantes qui valorisent la multiplicité, l’affect, la créativité et la co-construction du savoir, en rupture avec les modèles traditionnels et hiérarchiques" (lien)

- Peut-être du côté de Derrida ?

— Q : Y a-t-il eu discussion ou échanges entre Deleuze et Derrida autour du concept de déconstruction ?

— 🤖 : ... Pas d’échange ou de discussion directe et publique entre Deleuze et Derrida autour du concept de déconstruction.
    •    Des rapprochements et des analyses comparatives existent, mais leurs méthodes et concepts restent distincts et non fusionnés" (lien)

Ce qui n'a rien d'étonnant, puisque la déconstruction de Derrida est un mécanisme ressemblant très fortement à la forme canonique de Lévi-Strauss, elle même rejetée...

- En résumé il n'y a pas grand chose de structuré pour lutter contre l'encadrement du désir ?

- Ben non...

- OK, refermons le Tome 1, pour retrouver notre rhizome au Tome 2,


Le 07/ 06/ 2025 :

- Je me rends compte ce matin qu'il est sans doute possible d'aborder la schizophrénie, en ayant en tête la démarche cohomologique.

- Et ça te vient comme ça au saut du lit?

- Difficile à expliquer : je parlais avec ma fille de cas qu'elle a pu rencontrer, et ça s'est cristallisé dans ma tête.

Schizo-analyse et cohomologie

Commençons par définir la schizophrénie (suivre le lien), pour retenir ses caractéristiques essentielles :

"— 🤖 : ...  Elle se manifeste par une perte de contact avec la réalité, notamment à travers des hallucinations (comme entendre des voix), des idées délirantes (fausses croyances persistantes), une désorganisation de la pensée et du discours..."

Je te propose ceci (Note 3), qui fera sens, dans l'optique de Deleuze et Guattari de "relâcher" les contraintes sociales.

  • Basile PIllet
    Les bribes de "discours" qui s'offrent au schizophrène, soit des voix intérieures, hallucinations, "bouts" de réalités servant à "reconstruire" son récit, sont autant d'éléments représentant "potentiellement" le Réel.
    => nous retrouvons ici les "éléments" du triangle de Penrose (voir "La cohomologie et toutes ces sortes de choses")
  • La contrainte appliquée à ces éléments (i.e. les cochaînes) permet de "trier" entre les possibles pour savoir si, en recollant les morceaux, on peut retrouver un "l'objet" que l'on a en tête (ici un triangle") i.e.: le patchwork est-il une image "possible" ou non du Réel ?
  • Ce travail personnel de "rationalisation" du discours dépend d'un choix primaire (ici une algèbre) de type 𓁝♡𓁜, i.e.: parmi un ensemble de "potentialités" universellement admises, autrement dit, d'ordre social.

Mise en perspective qui nous permet de reformuler quelque peu la problématique de la liberté du Sujet dans la société :

  • Le discours change en fonction du choix 𓁝♡𓁜 : il est covariant dans la voie des mots (♧𓁜𓁝♡);
  • Le discours en tant qu'il représente une expérience du Réel, est contravariant dans la voie des choses (𓁜𓁝). (voir "Syntaxe de l'entropologie")

Je pense qu'à partir de là, il est possible de renouer le dialogue avec Deleuze & Guattari : un discours peut ne jamais représenter efficacement le Réel (i.e.: il ne donne pas de prise sur lui, en particulier aucune prévision de ce que l'on peut en attendre : il n'est pas efficient).

  • Soit parce que le Sujet est incapable de se connecter au Réel dans la voie des choses;
  • Soit parce que le discours social sur la marche du Monde n'offre pas de grille de lecture efficace au Sujet.

- Tu recolles au peloton ?

- Je ne critiquais pas le projet mais seulement le manque d'ouverture, à cause de leur attachement, c.-à-d. très précisément au choix social, occidental, 𓁝♡𓁜 du principe Unitaire platonicien.

- Amen

Hari

Note 1 :

Je pensais à Stendahl :

— 🤖: L’auteur qui parle du sentiment de cristallisation amoureuse en se référant à un bâton (ou rameau) plongé dans une atmosphère chargée de salinité dans une mine est Stendhal. Dans son ouvrage De l’amour (1822), il décrit la cristallisation comme le processus par lequel l’amoureux pare l’être aimé de mille perfections, souvent imaginaires. Il utilise l’image d’un rameau d’arbre effeuillé plongé dans une mine de sel à Salzbourg : après quelques mois, le rameau ressort couvert de cristaux étincelants, tout comme l’esprit de l’amoureux recouvre l’objet aimé de qualités idéalisées.
        «
Aux mines de sel de Salzbourg, on jette dans les profondeurs abandonnées de la mine un rameau d’arbre effeuillé par l’hiver : deux ou trois mois après, on le retire couvert de cristallisations brillantes. … Ce que j’appelle cristallisation, c’est l’opération de l’esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l’objet aimé a de nouvelles perfections.» (lien)

Note 2 :

J'ai du passer un an à dépiauter le livre de Lacan "Le Séminaire III : Les psychoses" (1955-1956), dont quelques traces laissées sur ce blog :

Note 3 :

A posteriori, ça paraît tellement évident que pris d'un doute j'ai vérifié que personne n'avait fait le rapprochement entre schizophrénie et cohomologie avant moi. Perplexity m'assure qu'il n'y a pas trace d'un tel rapprochement dans la littérature (voir lien ici).

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