Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
29 Avril 2014
Il m'est venu une réflexion assez fugace, vous savez, comme lorsque l'on se réveille et que le souvenir d'un rêve se dissipe; et je retourne à ce blog pour la noter avant qu'elle s'évanouisse tout à fait.
Je me faisais la réflexion que ce qui fait l'inconscient, c'est la disparition de notre rapport au temps.
Je déroule l'écheveau:
J'ai tout ramené à une différence entre synchronie et diachronie, et j'ai défini notre représentation du temps comme la prise de conscience (Imaginaire) d'une fréquence de contacts avec le Réel (ou un plan inférieur de l'Imaginaire). Puis, j'ai retrouvé le même mécanisme au niveau de notre sentiment de stabilité, qui fait que nous puissions nous faire une représentation "stable" de nous-même comme des objets de notre attention.
Nous en sommes arrivés à cet arbre de la connaissance dont parle Lévi-Strauss.
Et c'est à ce sujet que je me suis posé la question, dans « l'Homme Quantique », de ma place à moi, pour parler de la propre structure de mon Imaginaire. M'est alors venue l'idée que notre conscience est comme une lampe torche éclairant la canopée de l'arbre d'un point de sa ramure. L'espace éclairé révèle une partie de la structure jusqu'aux feuilles et j'ai dit que c'est là une métaphore de notre état conscient.
Et j'ai exploré les mouvements de cette lampe torche lorsque je me déplace dans l'arbre, en particulier lorsque j'avance vers l'extrémité de la ramure, ou lorsqu'à l'inverse je me déplace vers le tronc.
Mais tout ceci est intimement lié à ma représentation du mouvement et à ma conscience du temps.
D'où l'idée que l'ensemble de nos processus mentaux n'est en fait qu'une intériorisation de notre conscience du mouvement.
Et tout ce que j'ai écrit peut se relire sous cet angle: notre capacité intellectuelle découle de notre maîtrise du mouvement.
Et l'on pourrait sans doute aller fort loin dans cette analyse: un poisson rouge n'a qu'une mémoire limitée à quelques minutes (c'est le bonjour Marcel du poisson rouge croisant son congénère dans son bocal, qui devient bonjour Monsieur au tour suivant). L'homme anticipe mieux ses mouvements et notre développement intellectuel pourrait se mesurer au développement de notre représentation du temps, jusqu’à imaginer notre Univers de son émergence jusqu’à sa disparition, etc... Je ne m'appesantis pas, vous aurez compris (ou vous êtes déjà parti, au revoir Marcel...).
Le point intéressant, concernant l'inconscient, ce qui n'est pas éclairé, c’est que je ne peux en parler qu'en position ex-ante; or, dans cette position, le temps n'est plus compté... Comme dans les mythes,
C'est dire, d'une certaine façon, que toute cette structure non éclairée ne peut suivre la même logique que sa partie consciente, puisque nous avons souligné la congruence entre l'architecture de nos savoirs (la taxinomie de nos connaissances) et la structure étagée du temps. Dire qu'il n'y a pas de temps, c'est dire que la structure s'effondre comme un château de cartes.
L'image qui me vient serait que notre arbre Imaginaire reste comme ces structures de toile gonflées d'air que l'on utilise pour servir de réclame en bord de route: des pantins dodelinant au gré du vent, et dont les membres plus fins s'agitent plus que le tronc. Il faut concevoir que cet arbre ne serait gonflé qu'à partir du point où nous éclairons la canopée. La structure s'en révèle en même temps que l'on prend conscience du temps et du mouvement. La partie cachée serait comme jetée à plat sur le sol.
Le point à développer serait le suivant: dans cet espace idéal (l'inconscient n'aurait qu'une dimension synchronique), les diverses parties de la structure seraient en contact de façon plus ou moins aléatoire: d'où les courts-circuits entre les différents niveaux Imaginaires qui sont ainsi mis en contact. Il faudra reprendre la théorie des rêves de Freud. Je pense en particulier à Freud cherchant à comprendre pourquoi le nom de Signorelli lui échappait...
Il est remarquable que pour expliquer (prendre conscience de) son oubli, Freud soit obligé d'élaborer une structure de ce qui s'offre à lui comme un simple oubli; c'est-à-dire un état (non actuel) d'une chaîne de signifiants -une liste de peintres-, synchronique pour tout dire.
Dans cette perspective, le conscient s'oppose à l'inconscient comme le diachronique au synchronique, le temps à l'espace. Et la stabilité dans l'inconscient est de type structurel, elle tient à la diversité des images qui viennent de temps en temps (la tuchè) effleurer notre conscience.
Vous le voyez, il y a toute une étude à entreprendre dans cette voie.
Mais d'ores et déjà, ce qui me vient à l’esprit est ceci : notre conscience résulte d’une amélioration de notre maîtrise du mouvement. L’homme se définit comme un être de parole, mais plus profondément, il doit se situer comme une étape du développement de la nature pour maîtriser le mouvement, l’impermanence.
Ce qui pose une question : ce temps Imaginaire, à quoi correspond-il réellement ?
Ce qui ne fait pas forcément avancer le chmilblik...
Bonne digestion
Hari
Note de relecture du 01/06/2018
En début de mois, les statistiques du blog me permettent de repérer certains articles qui viennent d'être lus une ou deux fois, et vont s'enfoncer rapidement au cours du mois dans la profondeur des statistiques. C'est le cas de celui-ci, oublié aujourd'hui, mais qui marque profondément ma démarche: c'est là que je caractérise nettement deux fonctionnements de l'imaginaire : conscient / inconscient, en rattachant le concept de temps (et de stabilité) à la prise de conscience.
Après mes premiers pas dans l'analyse de la théorie des catégories, il m'apparaît qu'en fait il faille corriger un peu cette vision des choses : la position ex post du Sujet par rapport à son discours signe sa "rationalité", mais ne se limite pas à la logique. Cette dernière nécessite en fait d'avoir conscience de 2 niveaux (langage ET métalangage) et de repérer des morphismes (entre un domaine en Ik-1 et un codomaine en Ik, avec Ik-1 < Ik < Im), dans un mouvement diachronique ascendant.
Mais lorsque dans cette position ex post, on s'intéresse au mouvement descendant (c'est à dire du codomaine, vers le domaine), en caractérisant l'objet par ses proximités et non plus par ses parties (voir ci-dessous), alors on s'intéresse à la topologie, et non plus à la logique. Avec un point de bascule, ou de contact, entre les deux mouvement au niveau que j'ai appelé I01.
En repartant maintenant de cette construction du fonctionnement "rationnel" de l'Imaginaire, il faudrait faire une métaphore, un "pont" entre cette partie consciente de l'Imaginaire et son fonctionnement "global" (i.e.: conscient U inconscient).
On comprend alors, par cette métaphore, que le "Moi", qui semble atteignable par une infinité de discours (aspect ascendant, ou immanent) se déroulant au fil du temps et des expériences, puisse ne correspondre à rien, au vide, vu d'un point de vue Symbolique ou transcendant. Montaigne en avait déjà de pressentiment.
D'autre part, on peut comprendre également une différence entre immanence et transcendance:
Note de relecture du 21/06/2020 :
Une nouvelle fois les statistiques m'indiquent que cet article a été lu et partagé récemment; par curiosité je l'ai relu.
À part une erreur de vocabulaire dans la note ci-dessus, je me rends compte que je n'ai pas changé de cap mais creusé mon sillon, voir :
Mon erreur de vocabulaire:
Au sujet de la rationalité logique, je parle de "parties" de l'objet, alors qu'il s'agit de ses "éléments"; et au sujet de l'approche topologique, je parle de "proximités", alors qu'il s'agit des "parties" de l'objet.
L'axiome fondamental étant que les parties d'un ensemble E forment un ensemble P(E).
Par exemple :
Comme on le voit les éléments et les parties ne sont pas de même niveau Imaginaire.