Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
20 Juillet 2014
Nous avons conforté nos hypothèses concernant la structuration de notre Imaginaire, son mode de fonctionnement, ainsi que la façon d’en parler, aux représentations « dures » de nos modernes physiciens (cf.: le principe d’incertitude, la relativité restreinte, et la gravitation.) Bel exercice me direz-vous, so what? N’est-ce pas une simple opération cosmétique destinée à me faire plaisir?
Pour emporter l’adhésion, il faudrait faire un pas de plus : proposer quelque chose de neuf, s’engager dans un combat non encore tranché ; en bref, faire véritablement œuvre de philosophe, c’est à dire engager un pari. Comme le dit Desanti, « un philosophe c’est un flambeur ».
Et bien soit, relevons le défi. Et pour ce faire, je vais tenter de montrer en quoi notre façon de voir permettrait d’orienter les recherches dans trois domaines qui forment véritablement une « catastrophe » en sciences physiques, au sens où, il y a plus d'un siècle nous connûmes la catastrophe de l’ultra-violet.
A savoir : la matière noire, l’énergie noire et les courants noirs.
La première remarque que l’on peut faire c’est que d’un phénomène à l’autre, les corps en jeu diffèrent d’un ordre de grandeur : galaxies / univers / multivers et que l’on conserve pour expliciter leurs évolutions les équations écrites pour décrire des phénomènes limités à l’origine, à notre système solaire… Nous y reviendrons.
Mais avant tout, intéressons-nous à la position du chercheur dans cette phase d’incertitude qu’il traverse. Dans chacun des trois cas, il est en position ex-ante par rapport à la réponse qu’il entend tirer de ses recherches.
Comment caractériser l’étonnement du chercheur confronté à ce choc du Réel : les bras des galaxies tournent trop vite ? D’où vient son étonnement ? De son expérience de notre monde quotidien. En effet, la théorie de la gravitation est parfaitement adaptée à notre échelle ; mais à l’échelle d’une galaxie, il y a contradiction. Simplifions encore : la « masse » d’un corps, représente celui-ci de façon adéquate dans les équations de la théorie de la gravitation, à notre échelle, mais cette « masse » ne suffit plus à la description d’un corps de la taille d’une galaxie.
Situation que l’on peut comparer à celle décrite dans le mythe jivaro de la potière jalouse. En effet, l’engoulevent est pour les jivaros le symbole de la femme, parce que comme elle, il est jaloux et criard (désolé, c’est un jugement jivaro.) Mais par ailleurs, la femme est bien autre chose, potière par exemple, c’est à dire précise dans ses gestes et soigneuse, ce qui est en contradiction avec le caractère de l’engoulevent. Il y a donc un moment où le symbole « engoulevent » cesse d’être pertinent, de même qu’il y a un moment où la masse cesse d’être pertinente pour caractériser un corps. Je ne vais pas refaire ici le développement que vous trouverez en détail dans « l’Homme Quantique », pour aller directement à la conclusion : pour résoudre la contradiction, il faut en quelque sorte « déconstruire » le concept de masse (au sens de Derrida), et (c’est l’originalité de Lévi-Strauss) cet acte de déconstruction est en lui-même fondateur du niveau Imaginaire où l’on peut représenter l’inimaginable précédent. Voilà pour le principe, dans le cas d’espèce, nous arrivons à ceci :
Lorsque notre chercheur est dans l’expectative, en position ex-ante, et que j’estime pouvoir en rendre compte, comme je l’ai fait précédemment, nous avons :
L’évolution du chercheur consistera à structurer selon une nouvelle théorie Ig le niveau Imaginaire permettant de représenter les mouvements qui pour l’heure lui échappent, ce qui se traduira par le saut diachronique suivant :
Ce que nous dit Lévi-Strauss de ce saut diachronique, c’est que la constitution du niveau Ig résulte de la déconstruction de la notion de masse grave. Ce que l’on a schématisé, dans « L’Homme Quantique » par ce type de schéma :
Pour l’instant (S>Ic>In) ; le concept de masse est un élément défini au niveau In de l’Imaginaire. La notion de matière noire, complémentaire de celle de masse grave forme avec cette dernière un symbole ambivalent (masse grave & matière noire) au niveau S (Symbolique) de notre chercheur, et que j’explicite, moi en Im
Mais, dans le recul diachronique qu’il doit accomplir : S > Ic > In => Ic > Ig > In, ce symbole indéterminé pour l’heure, génèrera le nouveau niveau Ig.
Qu’est-ce à dire ? Ceci : les concepts masse grave(en In-1) et matière noire (en Ig) ne sont pas des concepts de même niveau Imaginaire (l’un comme élément d’une théorie, l’autre constituant la source d’une théorie); il y a nécessairement de l’un à l’autre un saut diachronique, de même qu’entre masse inerte et masse grave il y a également un saut diachronique, que nous avons décrit (cf. : la gravité : une question de poids !)
Tout ceci n’est qu’un rappel de ce que nous avons déjà exposé.
Et c’est ici que, revenant sur notre première remarque concernant la taille des corps pris en considération, je place mon pari : si, pour passer du concept de masse inerte à celui de masse grave, il faut passer d’un niveau Imaginaire où nous pouvons représenter la vitesse à celui où nous pouvons représenter une accélération (voir ici); alors, pourquoi ne pas envisager qu’à partir d’une certaine taille, il faille prendre en compte les variations de l’accélération ? C’est à dire que les équations à rechercher devraient mettre en relation ce nouveau concept de matière noire avec la dérivée troisième de l’espace par rapport au temps. Ce point de vue expliquerait qu’il nous soit impossible de repérer la matière noire, dans la mesure où nous négligeons dans nos équations les dérivées de troisième ordre.
Comment vérifier cette hypothèse ? En cherchant à partir de quelle masse l’effet à expliquer se manifesterait. Grâce au télescope Hubble, la vérification devrait être assez simple, en explorant systématiquement les galaxies spirales.
Dans cette recherche, la situation du chercheur est similaire à la précédente, et le domaine à explorer devrait lui aussi impliquer un saut diachronique du même ordre que le précédent. En effet, si les concepts de matière et d’énergie noirs sont dans le même rapport diachronique que ceux de masse et d’énergie (du type E= mc2 ou E= ½ mv2) ; alors le saut qui porte de la masse grave à la matière noire se répercute dans le domaine de l’énergie.
Dans cette optique, l’énergie noire dépendrait d’un accroissement de l’accélération de l’expansion de l’univers. Question : a-t-on une idée de la valeur de cette accélération, et de la masse impliquée dans ce mouvement d’ensemble ?
Notre dernier chercheur est toujours dans la même situation, et la solution passe toujours par un saut diachronique, mais ici, celui-ci est tout à fait radical, puisqu’il nous fait passer d’un univers unique à un « multivers ». Saut qui n’a plus rien à voir avec une complexification de notre représentation du mouvement (i.e. : incluant les dérivées troisièmes du temps) ; mais concerne la différence qui s’établit entre un élément et le groupe qui le contient. Autrement dit, nous en revenons à des considérations quantiques. Le photon se différencie d’un champ par un phénomène de décohérence ; de même en est-il sans doute au niveau d’un multivers, vu ici comme un « champ », dont notre propre univers pourrait se détacher. C’est dire que l’influence d’un univers sur un autre doit être vu comme la conséquence de leur intrication au niveau diachronique supérieur de ce multivers. On retrouverait à cette échelle le paradoxe EPR…
Les deux premières recherches peuvent être vues comme des « émergences » de concepts nouveaux, le dernier cas comme une décohérence (cf. : émergence et décohérence), ce qui ouvre une discussion philosophique intéressante, concernant les limites de notre Imaginaire...
Vous voyez que l’on pourrait sans doute broder quelque peu sur le sujet et même présenter une ou deux thèses intéressantes (avis aux amateurs). Mais, notre propos est autre : il s’agissait d’illustrer de quelle façon notre Imaginaire se structure pas à pas. Et les développements en discussion parmi les scientifiques ne semblent pas remettre en cause l’universalité de la forme canonique des mythes de Lévi-Strauss, comme le rôle essentiel que je lui attribue dans « L’Homme Quantique »… Bien entendu, tout ceci est sur la place publique pour en discuter. Dans l'attente, il me semble avoir suffisamment nettoyé les os qu'il nous fallait sacrifier aux dieux de la physique, pour nous laisser le loisir de revenir à la chair du discours, cette métapsychologie à laquelle Freud aspirait.
Bon appétit
Hari
Nota du 12/03/2017: Il faudrait reprendre ce billet, afin de prendre en compte la théorie de la gravité entropique, (voir Leonard Cohen et gravité entropique) qui pourrait être une liée aux interrogations soulevées dans cet ancien billet. Ou, plus fondamentalement repartir du point où j'en suis de la théorie des catégories, avec cette notion de brisure de symétrie qui nous rattrape !