Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
1 Mai 2024
- Encore un enchaînement d'idées assez bizarre. Figure-toi qu'hier, j'ai assisté à une présentation faite par Leonore Bazinek du philosophe Allemand Hans Geog Gadamer, personnage peu ragoûtant détournant le langage philosophique au profit d'une idéologie très conservatrice pour ne pas dire nazie. Et une citation de lui attire mon attention en particulier :
"Jeder Einfall hat die Struktur der Frage
Toute idée qui vient à l'esprit a pour structure celle d'une question".
Je passe sur les finesses de l'expression allemande, dont le double sens échappe à la traduction, pour remarquer la ressemblance avec l'idée de Dirac que "toute mesure est une réponse à une question". J'en fais part à Léonore, qui ne connaissait pas Dirac, mais émet l'hypothèse qu'il y a là, peut-être, une récupération/ détournement, comme il s'en est fait beaucoup d'autres dans ce courant de "pensées".
Suite à la présentation, direction Le Dupont, bar de troisième mi-temps où se prolongent comme toujours les rencontres d'Anatole Khelif. De fil en aiguille, l'on en vient à reparler du rôle du mythe cristallisant la conscience collective, surtout dans un régime nazi; occasion pour moi de rappeler la forme canonique de Lévi-Strauss, en revenant à la Potière Jalouse qui nous a tant occupés sur ce blog.
Et puis, l'hypothèse suivante sort de ma bouche :
et si le Juif faisait partie intégrante, nécessaire, du mythe fondateur de l'Allemagne?
- Qu'entends-tu par là ?
- Il y a quelque chose dans la volonté d'extermination du Juif par les nazis, en pleine recherche d'une "Germanitude" qui me rappelle une construction mythique : la pureté Allemande se fonderait ainsi dans un acte sacrificiel comme la société Jivaro se construit dans le sacrifice de la déesse Engoulevent, le Christianisme dans celui de Jésus, ou l'Égypte dans celui d'Osiris.
En tournant autour de cette idée, vient alors le souvenir de rapports a priori contre nature tels le couple Heidegger / Hannah Arehndt, et d'autres dont je n'ai pas retenu l'histoire : mâle-Allemand / femelle-Juive. Bon, je lance l'idée, et puis il faut se quitter, et en partant je dis à Anatole que je souhaiterais faire un point sur l'Imaginaire lors d'une séance de l'atelier CLE.
C'est alors qu'il me demande un titre, et j'hésite. Je ne sens pas encore près à défendre la thèse d'un Sujet vu comme un "topos", aussi proposé-je "L'Imaginaire comme surface topologique".
Et ce matin, comme toujours, la question me vient :
"qu'est-ce qui te manque pour passer d'une représentation topologique à un topos ?"
La réponse est immédiate : il faudrait un schéma [⚤]←[#] pour projeter une topologie sur une structure algébrique, et c'est là que s'impose à moi cette discussion de la veille, que je rapproche du chiffre 3 sur lequel nous retombons tout le temps, encore dernièrement pour nommer l'ensemble des niveaux de notre Imaginaire (voir "L'épistémé qui nous gouverne - le triptyque d'Emmy Noether") :
"... je prolonge la réflexion à partir d'une idée toute bébête :"
"Tient encore 3 ?
comme le triptyque d'Emmy Noether, que j'ai toujours situé en mode ♡,
et si j'essayais ça ?"
[⚤] | [#] | [♻] | |
♡ | indétermination aléa (Note 1) |
symétrie | conservation résilience |
♢ | nombre | forme | grandeur |
♧ | discret | continu | mesure |
Avec cette sensation que dans les 3 "niveaux", le 3è [♻] n'est pas tout à fait comme les deux autres.
- C'est-à-dire ?
- Il n'est pas lié de la même façon que [⚤] et [#] à un automatisme de répétition. De même entre modes ♧, ♢ et ♡, le dernier, la sémantique, se distingue de la syntaxe ♢ et du signifiant ♧ : il y a unicité de l'une renvoyant à la multiplicité des deux autres.
- Et donc ?
- Question : Pouvons-nous passer de ces séquences [⚤]/ [#]/ [♻] et ♧/ ♢/ ♡ à une structure de groupe?
- Autrement dit un élément/ son symétrique et un élément neutre ?
- Voilà.
- Mais pourquoi rapprocher cette recherche de ta discussion d'hier ?
- Dans un mythe, il n'y a pas 4 éléments, comme le présente Lévi-Strauss dans sa structure, mais 3 dont l'un, le pivot de l'histoire passe de fonction à objet, en se "sacrifiant". C'est Engoulevent qui meurt pour donner la terre à poterie. Les deux autres étant "femme" et "potière".
L'idée c'est que le "pivot" permettrait de changer de mode.
- À quoi penses-tu?
- À un principe de conservation en [♻]♧, qui correspond à un "mouvement" [∃]♢; en développant :
physique/ catégories | physique/ catégories | ||||
[∃]♢𓁜 | i •⟲ |
||||
↓ | |||||
v̅.v= c2 topos |
[♻]♧𓁜 | ← | 𓁝[∅] |
De même qu'en termes de "modes", il y a entre syntaxe et signifiants un rapport de "mouvement" à "objet".
- Autrement dit, pour reprendre un terme utilisé en tirant une figure du Yi King, [♻] et ♡ seraient les traits "mutables" de la structure ?
- Oui, ils sont les liens [♻] entre [⚤]/[#], et ♡ entre ♧/♢, qui donnent sens à la structure.
- Tout ça demande à être encore travaillé...
- Certes, je couche juste sur le papier ce qui se présente à moi, surtout pour ne pas l'oublier dès demain ! Mais poursuivons l'idée d'un "pivot", qui pourrait être vu, algébriquement comme un élément neutre entre un duo —dichotomique pour le coup— [⚤]/[#] ou ♧/♢.
- Et donc? Pour en revenir à ton propos ?
- Nous pourrions dire que l'Imaginaire ou "Moi" du Sujet est une topologie, représentable en [#]♢ et la structure recherchée un groupe de trois éléments (a; a-1; e) dans une écriture multiplicative, de niveau [⚤]♢.
- Tu peux passer à 5 éléments en considérant que [∃] est l'inverse de [∅] dans ton groupe...
- Il faudra y réfléchir tranquillement; mais continuons notre délire. Dans cette structure à 3 éléments, tu peux imaginer le "Sujet", l'auteur de tout discours 𓂀 comme élément neutre arbitrant entre les deux postures qu'il peut adopter 𓁝&𓁜.
- Autrement dit il serait soit en [♻] comme élément "conservé", soit en ♡ pour donner "sens" à tout point de vue partiel de son Moi 𓁝/𓁜 circulant dans son imaginaire ?
- On se rapproche pas mal d'un topos, non ?
- Oui, ça paraît une piste intéressante... Mais dis-moi, pratiquement, qu'est-ce que cette approche pourrait apporter à ta discussion avec Leonore Bazinek ?
- La folie conservatrice, d'une façon générale, sans même aller jusqu'au délire nazi, c'est de vouloir préserver l'une des postures 𓁝/𓁜 au détriment de l'autre, dans une vision binaire et non ternaire.
Une vision ternaire permet de concilier les contraires (comme le topos unit le discret et le continu, le nombre et la forme etc.) dans une logique non binaire de mode ♢.
Une philosophie basée sur une logique binaire conduit à nier le Sujet 𓂀 pour ne s'intéresser, et ne s'adresser, qu'à l'une des projections dudit Sujet : soit dominateur 𓁜, soit soumis 𓁝; à détruire le Yin pour assurer le Yang etc. Il faudrait reprendre et compléter à partir de là ce que nous avons vu des 4 discours de Lacan (voir ici) ou encore du modèle de domination social analysé par Bourdieu (voir ici).
Sans oublier ce que nous avions vu (ici) il y a bien longtemps (2015 déjà !), à savoir :
En bref, un régime conservateur tend à laisser un peuple de névrosés gouverné par une bande de psychotiques.
Le 04/ 05/ 2024 :
- Je retombe par hasard sur cet article "Je (Français) est un autre (Anglais)" écrit il y a 10 ans, une éternité, toujours en référence à la forme canonique, dans lequel je me définissais de ne pas être Anglais. (Note 2)
- Tu fais le rapprochement avec l'Allemand opposé au Juif ?
- Très sincèrement, je ne me sens nullement nazi dans l'opposition que j'établis avec l'Anglais —tel que je me le re-présente, bien entendu !
- Où est la différence ?
- Je conçois mon opposition Français/ Anglais comme une sorte de complétude : de même que le sel dans la pâte d'un gâteau en relève le goût sucré. Je nous vois, nous Français & eux Anglais, comme faisant partie d'un tout.
- En somme deux projections d'un être idéal transcendant les deux ?
- Quelque chose de ce genre. Notre opposition n'est pas de niveau [⚤]♧ dans une logique du 1er ordre mais de niveau [#]♢ dans une logique intuitionnisme n'utilisant pas le tiers exclu. L'être complet étant précisément dans ce tiers non exclu.
Contrairement au nazi anéantissant le Juif pour exister (ça se situe ici ([∃]𓁝⇅𓁜[⚤])⇅𓂀♧), me frotter à l'Autre m'oblige à me décentrer, ce qui en retour me rend plus résiliant (et ça se passe là : ([#]𓁝⊥𓁜[♻]𓁝⇆𓁜)⇆𓂀♡).
Le 05/ 05/ 2024 :
- De plus en plus fort : ce matin en regardant les statistiques du mois, je m'aperçois qu'un article totalement oublié, de 09/ 2015, est lu et relu : "des billes et des ondes".
- Quel rapport avec le Sujet comme topos ?
- C'est plutôt un rapport entre "L'Humanité" et "les Sujets" présenté en termes d'intrication et de décohérence, à partir d'un ensemble de pendules ou "pendule de Harvard". À l'époque, bien entendu, je ne pouvais imaginer qu'un saut diachronique entre deux niveaux synchroniques Ik et Ik+1; mais si nous reprenons ma conclusion d'hier, situant en ([#]𓁝⊥𓁜[♻]𓁝⇆𓁜)⇆𓂀♡ mon sentiment de ne pas être Anglais, on peut développer ainsi :
Nous pouvons compléter ces constats par le "Je est un Autre" de Lacan, qui s'écrit de cette façon:
- Je ne vois pas ton Humanité ?
- Chaque individu peut partir de 𓁝[∅] pour faire le même constat de sa "résilience" au contact des Autres, voire de façon générale de l'ensemble de ses expériences. Le [♻]𓁜♡ étant le sens qu'il donne aux dites expériences —on peut raccrocher tout ceci à la "phénoménologie" des existentialistes.
Tu passes donc de "faire partie d'un tout" en 𓁝[∅]☯ (où l'Humanité serait de l'ordre du Symbolique ☯) à "être consistant" en [♻]𓁜♡, et la décohérence dont je parlais il y a une dizaine d'années se retrouve dans le changement de postures en mode sémantique ♡ où l'on exprime par ([♻]𓁝⇆𓁜[∅])⇆𓂀♡ la "résilience" ou "conservation". Ici, nous parlons de la résilience du Sujet.
- Soit le Sujet vu comme topos [♻]𓁜?
- Comme tu le vois nous n'étions pas si loin du Sujet, qui se projette ensuite en schémas [⚤]←[#]←[♻].
- Soit, mais l'opposition onde/ corpuscule? (Note 1)
- Il faut regarder la descente de mode ♡↓♢↓♧.
Le bouclage ultime en mode ♡ (i.e.: le Sujet comme point à l'infini de son Imaginaire vu comme un plan projectif) ramenant la résilience du Sujet en [♻]♡𓁜 au constat de son existence en ☯[∃]♧𓁜.
- Amen
Hari
Note 1 :
En Méca Q, le passage intrication/ décohérence se définit à l'autre bout de l'Imaginaire, au niveaux [∃],[⚤] &[#], dans les passages :
[∃]♢ | [⚤]♢ | ← schéma |
𓁝[#]♢𓁜 | états intriqués |
↓ | ↓ | décohérence ↓ | intention du Sujet | |
☯[∃]♧ | ←[⚤]♧ | ← pixellisation |
[#]♧𓁜 | attention du Sujet |
- Ça devient compliqué.
- Oui, il faudrait sans doute aborder la chose du point de vue de Dirac et partir du niveau [♻]♧pour comprendre la mesure♻♧ comme réponse à une question (ou intention⚤♡ du Sujet). Le Réel fait alors le tri entre les possibles, et la démarche est semblable à un processus cohomologique. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Note 2 :
- Ça rappelle cet aphorisme de Jung : "tout ce qui nous irrite chez les autres nous conduit à une meilleure connaissance de nous-mêmes".
- Pas faux, mais il y a une marge entre cette irritation et la haine pure développée par le nazi.