Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
12 Juin 2014
La formation du symptôme névrotique, qui en soi est assez simple à structurer (nous y reviendrons), nous ramène au point central de tous nos développements, à savoir notre perception du temps, et ses limites.
En effet, que nous dit Freud (cf. Introduction à la psychanalyse/ Les modes de formation des symptômes) : lorsque le Moi pousse la libido à régresser vers des modes de satisfaction archaïques, c’est à dire des points de fixation auxquelles elle s’était arrêté temporairement au cours du développement du Sujet :
« Les représentations auxquelles la libido applique désormais son énergie font partie du système de l’inconscient et sont soumises aux processus qui s’accomplissent dans ce système, en premier lieu à la condensation et au déplacement. Nous nous trouvons ici en présence de la même situation qui caractérise la formation des rêves »
Remettons ceci en perspective dans notre représentation de l’Imaginaire comme un feuilleté diachronique de plans synchroniques.
D’une façon générale, un Sujet (Im) est installé dans son discours entre ce qu’il comprend et gère (Ik) et ce qui le définit et balise son potentiel (Ik+1), et je tiens, moi qui en parle ici et maintenant, la position (DM). Le Réel (R) étant par définition l’inaccessible, qui me surprend et me bouscule, le Symbolique (S) le plan de l’Autre qui ou par qui je me définis. Soit :
La différence entre les deux tenant à ce que le sujet ne puisse rendre compte, comme je le fais, de son propre niveau Symbolique (c’est par exemple Lévi-Strauss trouvant dans l’environnement des Jivaros le fournier comme complément symbolique à l’engoulevent dans les mythes de la potière jalouse, alors qu'il n'y apparait pas; cf. « L’Homme Quantique ».)
Or, nous avons rapporté cette possibilité d’expliciter ou non le niveau Symbolique à notre place pour en discourir :
Et nous avons vu, d’autre part, que la position (1) nous rend conscient du temps : la position ex-post permettant seule la mesure du temps ; tandis que la position (2) nous l’interdit (voir le temps de l'inconscient.)
C’est donc assez naturellement que l’inconscient, pris comme le discours tampon limite entre S et Im peut être repéré comme un « état intriqué » (voir conscient/inconscient, ordinateurs et psychisme et émergence/décohérence), où la notion de temps (diachronique) n’a plus cours : nous sommes dans une représentation purement spatiale, synchronique où précisément les mécanismes qui s’y déploient relèvent non plus de la métaphore, mais de la métonymie, du déplacement.
Or, et c’est là que Freud nous interpelle en nous disant que nous avons ici, dans la régression, le même type de phénomènes, alors que le sujet, en position ex-post, pourrait a priori avoir conscience du temps.
Il nous faut revenir à ce qu’est réellement une régression Imaginaire (voir «L’Homme Quantique ».) J’avais pris pour exemple un souvenir d’accident de voiture dans lequel j’étais impliqué. Ce qui m’avait frappé à l’époque, c’était l’impossibilité de me représenter une évolution de la scène : je voyais la voiture glisser à vitesse constante, et je ne m’imaginais pas la suite. Bref, j’avais régressé au point d'être incapable d'appréhender une « évolution » de la situation, c’est à dire une accélération; tout en restant conscient de l'inertie des choses comme de la situation.
Pour être très explicite : si la représentation de l’espace est à un niveau Imaginaire Ie, celui de la vitesse et du temps au niveau It, alors, celui de l’accélération est à un niveau Ia tel que : Ie < It < Ia. Et lorsque je suis happé par le Réel, alors : Ie < It < Ia < DM => Ie < It < DM < Ia
Autrement dit, je me retrouvais dans la situation précédente DM < S dans laquelle je n’ai plus la distance diachronique nécessaire pour m’exprimer en fonction du temps : cette descente m’interdisant, dans le cas d'espèce, de parler en termes d’accélération.
Il me faut donc imaginer que si je descends encore, il arrivera un moment où dans cette régression, je ne puisse plus appréhender la situation en termes temporels.
Il serait tout à fait intéressant de définir le niveau où je cesse d’avoir conscience du temps, livré uniquement aux rythmes élémentaires du cerveau primitif. Il semble que dans les états de rêve, pendant le sommeil paradoxal, je régresse suffisamment pour me retrouver dans une telle situation.
Et dans cette situation, pendant la mise entre parenthèse du Moi, toute cette structure en étages qui caractérise mon Imaginaire conscient s’effondre et met en contact, sur un seul niveau synchronique, l’inconscient vu précédemment, au contact du Symbolique et les pulsions les plus élémentaires (le « ça ») qui expriment les besoins de mon cerveau reptilien durant le sommeil (i.e. : manger/s’accoupler), ce qui peut expliquer le phénomène de condensation.
Nous retrouvons ainsi cette bouteille de Klein comme représentation de la suture entre Réel et Symbolique (cf. : « L’Homme Quantique ».) que j’avais caractérisée à l’aide de la forme canonique des mythes.
Au-delà de la psychanalyse, cette approche questionne le neurologiste : à quel moment notre « Moi » prend-t-il la maîtrise du temps, et orchestre-t-il les différents processus élémentaires qui rythment notre fonctionnement biologique ?
Je pense que ça se met en place, non ?
Hari