Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Ce qui est en haut est en bas

Ce qui est en haut est en bas

La formation du symptôme névrotique, qui en soi est assez simple à structurer (nous y reviendrons), nous ramène au point central de tous nos développements, à savoir notre perception du temps, et ses limites.

En effet, que nous dit Freud (cf. Introduction à la psychanalyse/ Les modes de formation des symptômes) : lorsque le Moi pousse la libido à régresser vers des modes de satisfaction archaïques, c’est à dire des points de fixation auxquelles elle s’était arrêté temporairement au cours du développement du Sujet :

« Les représentations auxquelles la libido applique désormais son énergie font partie du système de l’inconscient et sont soumises aux processus qui s’accomplissent dans ce système, en premier lieu à la condensation et au déplacement. Nous nous trouvons ici en présence de la même situation qui caractérise la formation des rêves »

Remettons ceci en perspective dans notre représentation de l’Imaginaire comme un feuilleté diachronique de plans synchroniques.

D’une façon générale, un Sujet (Im) est installé dans son discours entre ce qu’il comprend et gère (Ik) et ce qui le définit et balise son potentiel (Ik+1), et je tiens, moi qui en parle ici et maintenant, la position (DM). Le Réel (R) étant par définition l’inaccessible, qui me surprend et me bouscule, le Symbolique (S) le plan de l’Autre qui ou par qui je me définis. Soit :

  • R < Ik < Is < Ik+1 < DM : je décris la situation du Sujet;
  • R < Ik < Is=DM < S : le Sujet décrit la situation.

La différence entre les deux tenant à ce que le sujet ne puisse rendre compte, comme je le fais, de son propre niveau Symbolique (c’est par exemple Lévi-Strauss trouvant dans l’environnement des Jivaros le fournier comme complément symbolique à l’engoulevent dans les mythes de la potière jalouse, alors qu'il n'y apparait pas; cf. « L’Homme Quantique ».)

Or, nous avons rapporté cette possibilité d’expliciter ou non le niveau Symbolique à notre place pour en discourir :

  1. Ik+1 < DM : je peux structurer le niveau Symbolique (S) du Sujet, en position ex-post (de métalangage) par rapport au discours que je porte sur lui;
  2. DM < S : je suis partie prenante, déterminé par le discours, ou la Loi, en position ex-ante.

Et nous avons vu, d’autre part, que la position (1) nous rend conscient du temps : la position ex-post permettant seule la mesure du temps ; tandis que la position (2) nous l’interdit (voir le temps de l'inconscient.)

C’est donc assez naturellement que l’inconscient, pris comme le discours tampon limite entre S et Im peut être repéré comme un « état intriqué » (voir conscient/inconscient, ordinateurs et psychisme et émergence/décohérence), où la notion de temps (diachronique) n’a plus cours : nous sommes dans une représentation purement spatiale, synchronique où précisément les mécanismes qui s’y déploient relèvent non plus de la métaphore, mais de la métonymie, du déplacement.

Or, et c’est là que Freud nous interpelle en nous disant que nous avons ici, dans la régression, le même type de phénomènes, alors que le sujet, en position ex-post, pourrait a priori avoir conscience du temps.

Il nous faut revenir à ce qu’est réellement une régression Imaginaire (voir «L’Homme Quantique ».) J’avais pris pour exemple un souvenir d’accident de voiture dans lequel j’étais impliqué. Ce qui m’avait frappé à l’époque, c’était l’impossibilité de me représenter une évolution de la scène : je voyais la voiture glisser à vitesse constante, et je ne m’imaginais pas la suite. Bref, j’avais régressé au point d'être incapable d'appréhender une « évolution » de la situation, c’est à dire une accélération; tout en restant conscient de l'inertie des choses comme de la situation.

Pour être très explicite : si la représentation de l’espace est à un niveau Imaginaire Ie, celui de la vitesse et du temps au niveau It, alors, celui de l’accélération est à un niveau Ia tel que : Ie < It < Ia. Et lorsque je suis happé par le Réel, alors : Ie < It < Ia < DM => Ie < It < DM < Ia

Autrement dit, je me retrouvais dans la situation précédente DM < S dans laquelle je n’ai plus la distance diachronique nécessaire pour m’exprimer en fonction du temps : cette descente m’interdisant, dans le cas d'espèce, de parler en termes d’accélération.

Il me faut donc imaginer que si je descends encore, il arrivera un moment où dans cette régression, je ne puisse plus appréhender la situation en termes temporels.

Il serait tout à fait intéressant de définir le niveau où je cesse d’avoir conscience du temps, livré uniquement aux rythmes élémentaires du cerveau primitif. Il semble que dans les états de rêve, pendant le sommeil paradoxal, je régresse suffisamment pour me retrouver dans une telle situation.

Et dans cette situation, pendant la mise entre parenthèse du Moi, toute cette structure en étages qui caractérise mon Imaginaire conscient s’effondre et met en contact, sur un seul niveau synchronique, l’inconscient vu précédemment, au contact du Symbolique et les pulsions les plus élémentaires (le « ça ») qui expriment les besoins de mon cerveau reptilien durant le sommeil (i.e. : manger/s’accoupler), ce qui peut expliquer le phénomène de condensation.

Nous retrouvons ainsi cette bouteille de Klein comme représentation de la suture entre Réel et Symbolique (cf. : « L’Homme Quantique ».) que j’avais caractérisée à l’aide de la forme canonique des mythes.

Au-delà de la psychanalyse, cette approche questionne le neurologiste : à quel moment notre « Moi » prend-t-il la maîtrise du temps, et orchestre-t-il les différents processus élémentaires qui rythment notre fonctionnement biologique ?

Je pense que ça se met en place, non ?

Hari

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
G
Ok, merci, disons que je vois plus clairement ta position. <br /> Ceci dit pour moi quand tu dis &quot; Pour en revenir à l'Homme: la notion du temps chez le nourrisson ou chez l'adulte n'est pas le même. Leurs horizons temporels, leurs cycles vitaux ne sont pas les mêmes.&quot; C'est encore trop peu pour deux choses qui sont si différentes. C'est encore mettre bout à bout deux choses d'ordre différent. Ou disons d'en superposer deux. De superposer la conscience du temps de l'état adulte, cette construction (mémoire etc.), parce qu'elle l'aurait &quot; plus ou moins&quot;, à une conscience qui n'a pas pour moi DU TOUT conscience du temps. <br /> Tout cela se construit bien après, et c'est ce qui m'étonne.<br /> L'enfant jusque vers 7 ans n'a aucune représentation de ce qu'est demain par rapport à dans un mois, idem en arrière, et pourtant il fait des phrases complexes. Il a accès à des raisonnements qui se tiennent tout en vivant dans un éternel présent. La conscience du temps n'est donc pas, et de loin, nécessaire à une vie en société harmonieuse. (pendant un temps, je l'admets).<br /> Donc tu vis très bien sans avoir aucune conscience du temps. On se passe très bien du temps, à condition qu'on vive entourés d'humains qui, eux, en ont conscience. <br /> D'où que nous sommes orchestrés, du point de vue du temps, bien longtemps avant que nous orchestrions quoi que ce soit.<br /> Si tu as un enfant qui a l&quot;habitude de dormir 4 heures, que tu l'as couché à 2 heures, il va s'éveiller à 6, et il y a entre toi parent, et son organisme une &quot; cohérence chronologique&quot;, une sorte de connivence dont l'enfant lui, n'a aucune idée.<br /> Remarque, je dois avouer que je suis étonné de voir à quel point, une seconde avant que ton réveil ne sonne, tu n'en a pas la moindre idée... Je sais que c'est idiot, mais tout de même...<br /> <br /> Pour ce qui est de l'animal, je ne saurais rien en dire. Je ne parviens pas pour le moment, du peu que j'ai sous les yeux, et de quelques lectures, à tirer grand chose comme certitude.
Répondre
G
&quot; Il y a bien collapsus entre le développement, venant du Réel et la culture venant du Symbolique. Et des dissonances. &quot;<br /> Oui, j'aime bien le mot de dissonance pour associer à cela. <br /> Le temps comme une fractale, qui se développe... Oui, il se peut que j'aie ressenti cela assez profondément, le développement de la vie psychique &quot;par clics&quot;, par &quot; pas&quot;, comme une horloge qui rythmerait le passage d'un état à un autre, avec un &quot; quantum &quot; de changement d'une étape à l'autre. <br /> Les névroses, il faut que je creuse. Pour ce qui est du développement, je suis tombé là-dessus :<br /> http://gestalt.nuxit.net/Gestalt/spip.php?article104
A
Je vois que nos positions ne sont pas éloignées. Il y a bien collapsus entre le développement, venant du Réel et la culture venant du Symbolique. Et des dissonances. Ce qui conforte ma façon de voir notre représentation du temps comme une fractale, qui se développe en même temps que l'enfant développe son Moi. Et ce développement offre la possibilité, à chaque strate, d'un conflit, qui sera réglé ou pas. Tout ceci renforce, me semble-t-il mon approche, non?<br /> C'est plus simple (parce que mieux exploré, peut-être) à voir au niveau de l'installation des névroses.<br /> C'est pourquoi le sujet des névroses est si important dans l'analyse de la dynamique comme de la genèse de la psyché, puis du développement social: la structure de cette dynamique est toujours la même.
A
Oui et non: <br /> C'est vrai que le bébé, tout comme l'enfant, l'adolescent puis l'adulte et l'homme mûr mange, dors, rêve. on pourrait y rajouter toute la hiérarchie des animaux... Mais il y a un &quot;moment&quot;, en descendant l'arbre de notre parentés (le &quot;pilum vivant&quot;, dont Teilhard de Chardin recherchait le chaînon manquant, si tu préfère), où l'animal ne &quot;rêve&quot; plus vraiment. Ensuite, il y a les reptiles qui ne dorment plus vraiment, et puis, ensuite, entre les microbes et les virus, il y a également un moment où &quot;manger&quot; change de sens.<br /> Pour en revenir à l'Homme: la notion du temps chez le nourrisson ou chez l'adulte n'est pas le même. Leurs horizons temporels, leurs cycles vitaux ne sont pas les mêmes.<br /> Il y a donc une &quot;complexification&quot; de la notion de temps qui se fait progressivement, par intégration de cycles successifs. Les plus élémentaires gèrent notre métabolisme, notre coeur et notre respiration etc... Cette &quot;complexification&quot; est, à mon sens liée à l'acquisition du &quot;Moi&quot;. Et ce &quot;Moi&quot; lui-même évolue; chez l'individu, comme au cours du développement de la société. Au point où nous pouvons embrasser d'un regard l'évolution globale de l'Univers, dont nous faisons partie.<br /> En résumé: notre conception du temps évolue avec notre développement, au niveau organique, psychique, culturel. Et corrélativement, cette perception influe sur nos comportements: il est temps d'aller dormir, on ne mange pas entre les heures des repas, il est trop tard pour téléphoner etc...<br /> Est-ce plus clair?<br /> Pour faire image: lorsque je bouge mon bras pour attraper un objet qui tombe, par exemple: au niveau conscient, j'analyse le mouvement de l'objet pour anticiper sa chute et l'intercepter. Puis, je lance des ordres qui s'incarnent dans mon bras, comme pour gérer les mouvements du poignet et des doigts. C'est donc l'ensemble de ma personne qui réagit, mais dois-je dire pour autant, que mon bras a conscience du temps? Certainement pas. La conscience du temps se dégrade (et les rythmes s'accélèrent) au fur et à mesure que le mouvement s'incarne dans les schémas réflexes les plus primitifs de ma structure organique. Et pourtant, mon cerveau, comme mon bras sont gérés par les mêmes mécanismes, les mêmes horloges biologiques élémentaires. De même, je ne calcule pas le temps qu'il me faut pour aller à un rendez-vous en nombre de pulsations cardiaques.
Répondre
G
Il y quelque chose que je ne comprends pas : au cours de notre développement d'individu, nous mangeons, dormons, rêvons etc. bien avant que d'avoir le &quot; sentiment &quot; de l'écoulement du temps. Ces processus biologiques ne sont-ils pas mieux placés pour orchestrer ce qui vient ensuite, à savoir la &quot;perception&quot; du temps, que l'inverse, à savoir un chef d'orchestre qui arriverait après que le concert est joué ?<br /> C'est peut-être une question de mots qui me déroute. En remplaçant &quot; orchestre &quot; par &quot; représente &quot; ?
Répondre
A
Mise en perspective de ta remarque:<br /> Le hiatus entre ce temps, qui a une existence primitive, germinative, bien avant la structuration du Moi et s'oppose à la main mise d'un chef d'orchestre qui s'imposerait pour coordonner le tout est exactement du même ordre que le conflit qui s'instaure entre le Moi et la libido. La libido émerge du Réel quand le Moi cherche à intégrer Imaginairement le Symbolique qui s'impose à lui. Il peut y avoir conflit ici comme là. Le tout est d'arriver à un développement harmonieux. Il y a sûrement (je ne suis pas spécialiste) des dysfonctionnement d'ordre temporel, comme des états névrotiques.<br /> Pour caractériser ceci: un mouvement ascendant s'oppose à un mouvement descendant. Nous, en position ex-post pouvons le décrire, mais comment est-ce vécu? C'est plus difficile à dire: je ne peux pas me mettre dans la peau d'un bébé.