Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
12 Mars 2015
C'est la question, la seule, l'unique question: et après?
Ce n'est pas la question d'un intellectuel, bien assis devant son clavier, tranquille et repus cherchant à occuper ses loisirs. Non, pas du tout: cette question est inscrite dans nos neurones, depuis bien longtemps, elle fait partie de notre patrimoine génétique. On peut même supposer que la vie, dont nous sommes le vecteur, a développé notre conscience, dans ce but, pour que nous accélérions le mouvement d'une évolution, amorcée sur Terre depuis facilement 2 à 3 milliards d'années. C'est l'une de nos pulsions les plus primaires, qui sont au nombre de 4.
Les deux premières (la colère et la peur) règlent nos mécanismes de survie instinctive les plus élémentaires, comme l'attaque et la fuite devant un danger.
Ensuite vient l'angoisse de la séparation; qui fait de nous des animaux sociaux.
Enfin vient la curiosité, le désir d'explorer notre environnement, de le "comprendre", d'en chercher la cohérence. C'est ici que s'enracine cette "pulsion unaire" dont j'ai parlé dans "l'Homme Quantique", et mène au questionnement métaphysique, à la pensée mythique, à la religion et aux sciences.
Ceci nous mène au point où nous en sommes actuellement, à savoir, chercher à comprendre notre propre fonctionnement psychique, pour nous apercevoir que notre curiosité elle-même est programmée.
Et cette "prise de conscience" peut se définir comme "conscience du mouvement", du "temps", qui structure comme nous l'avons vu notre Imaginaire en strates synchroniques s'interprétant les unes les autres; comme un paquet de cartes, dans lequel chaque carte définirait celle du dessous. L'empilement lui-même donnant corps à un axe diachronique.
Soit, et nous nous arrêtons à cette structure, parce qu'elle définit notre "Moi": je suis cet esprit qui pense. Soit, d'accord, je suis là-dedans. Mais ceci n'a aucune importance: Toute cette structure qui se déploie sous l'effet de cette pulsion, comme une sorte de manche à air gonflée d'air pulsé, n'est qu'une mousse effervescente recouvrant nous 4 pulsions primitives, infra-humaines, animales. L'écume des dernières vaguelettes d'un océan de vie qui nous traverse. On retrouve en dessous le "çà" freudien.
Et ceci est inconscient, parce qu'antérieur à toute représentation du temps.
Autrement dit => le Çà est un état intriqué.
A l'autre extrémité de notre Imaginaire, nous avons vu, par ailleurs, que le Symbolique, échappe au temps (puisque l'on ne peut l'appréhender, s'y référer qu'en position ex-ante.) Stricto sensu, le Symbolique est par nécessité de l'ordre de l'inconscient.
Autrement dit => le Symbolique est un état intriqué.
Je vous propose alors le renversement de perspective suivant: ce qui importe n'est pas notre état conscient, la conscience que nous avons d'exister, d'être un individu, d'avoir une volonté propre ou d'être libre. Non, notre utilité serait de participer à une évolution de masse (produit par l'ensemble de l'humanité) pour passer d'un état intriqué initial (la pulsion universelle du Çà repérable en chacun de nous), à un état intriqué de plus haut potentiel: nous fondre dans ce que Teilhard de Chardin appelait la "noosphère".
Par opposition, la création de l'individu, assez récente, somme toute, doit être interprétée en termes de décohérence.
Décohérence de l'homme qui se sépare de la "nature", au point de ne plus savoir d'où il vient, de ne plus rien sentir, ni voir de son milieu nourricier, de méconnaitre ses instincts, de les dépraver. La structuration imaginaire est par nature autiste.
Balbutiements de l'homme (en position ex-ante) pour se regrouper, s'intriquer à nouveau. Et comme toujours, dans une telle position, on ne peut que faire ce que la vie toujours fait: procéder par essais et erreurs, tâtonner, c'est le hasard et la nécessité. Djiadistes d'un côté, bouddhistes de l'autre.
Dans cette présentation, nous retrouvons donc notre opposition élément/ groupe, qui est la base même de la stratification de notre Imaginaire, ce qui montre les limites de notre exercice: tout ceci n'est qu'imaginaire. Pour véritablement faire la soudure entre le çà et le symbolique, il faut supprimer la frontière entre l'intérieur et l'extérieur de l'Homme. Refermer la bouteille de Klein sur elle-même, marquant ainsi l'effacement de son col, comme "à la limite de la mer un visage de sable".
C'est pourquoi je me pose la question de la pertinence de la distinction faite par les bouddhistes entre les deux voies qui s'offrent à eux: le Petit véhicule ou le Grand. La première voie étant solitaire, la seconde collective. Or, je n'imagine pas de salut individuel.
Peut-être le véritable moment de grâce et de liberté, pour qui parvient à contempler la vacuité de son être est-il précisément dans cet instant de flottement avant de basculer ou non dans l'état de Bouddha; comme ce trapéziste dans cet instant suspendu entre partir ou revenir.
Merci à Guillaume pour cette photo que je repique de son blog "Le cercle bleu".
Et bonne méditation.
Hari
PS : cette idée tourne dans ma tête et fait son chemin, depuis déjà quelque temps.
J’en retrouve la trace dans ce billet de 2011, lorsque nous avons été évacués sur le camp du BIMA par l’armée Française : "L’alpha & l’oméga", et encore, dans celui-ci de 2006 "l’effacement de dieu". Et j’y parlais déjà de la dualité onde/corpuscule… Ce qui tendrait à prouver qu’avant d'éclore, une idée mûrit longuement, tourne et retourne dans la tête comme un chien dans son panier avant de trouver sa place évidente.