Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
20 Mars 2015
est mort, ce matin, dans les bras de sa femme, à côté de son fils, entre 8h et 9h. Nous n'étions pas intimes, mais je l'aimais bien. Les secours ont mis 30 minutes pour arriver, 20 de trop.
Je me souviens de l'avoir revu, en 2010 ou 11, à IVOSEP, pour l'enterrement de Daniel, un chef de chantier comme on n'en fait plus, travaillant pour Franzetti, et que j'avais connu sur le projet CIPREL III. Un ancien, un gros, rubicond et bon vivant. Il traînait la patte suite à des problèmes de diabète. Mais nous étions là, nous-autres, bien vivants, rassurés d'être encore de ce monde. Et nous nous souvenions de lui, de repas de chantier, pris dans un maquis au bord de l'océan. J'étais le pape, j'étais le chef. Je distribuais le pain et le vin. Bien calé sous les cocotiers.
Je revois Jacques à cette occasion funèbre, qui garde mon téléphone, et m'appelle pour un chantier chez PFO. Il faudra un jour que je vous parle de Pierre Fakouri. Un personnage! Et le temps passe, et me revoilà chez lui, auprès de son fils, pour un autre travail, qui n'en finit pas de commencer.
Et nous nous revoyons de loin en loin, lorsqu'il passe au bureau, entre le Burkina et le Mali. Il a laissé les rennes d'Abidjan à son fils. Et le temps file son train, tranquille.
Et ce matin sa mort. Il avait deux ans de plus que moi ! Un gamin de 67 ans.
Toute cette litanie de noms qui me reviennent, ceux qui y sont resté, et ceux que la mort a frôlé. Serge, dernièrement nous a fait peur, avec une pneumonie carabinée. Le père de Virginie, après les événements post-électoraux, sorti du BIMA en VAB vers la clinique de PRIMA, peu de temps avant de mourir... Sans parler de moi, il y a deux ans, qui aurais du y passer sans problème... Et Jacques ce matin. Il me parlait encore dernièrement d'une virée faite dans l'Antarctique!
Et j'ai peur. Peur de mourir avant d'en avoir terminé avec ce que je dois faire. Tout le monde est ici pour quelque chose; et je traîne, je traîne... Désespérément.
Pour ne rien vous cacher, je m'épuise depuis trois jours sur un truc dont je ne vois pas le bout. C'est venu de ma lecture fort intéressante des processus dans le cerveau. Avec ce mot qui me tourne en tête de "dualité", s'imposant à moi depuis ce billet sur les maths.
Je ne veux pas vous ennuyer avec ça, mais c'est un souvenir très profondément ancré en moi, un vide qui s'est creusé dans ma jeunesse, à Florence.
Deux mots pour vous raconter les dessous d'une histoire qui fait partie des non-dits familiaux. J'étais jeune, amoureux, et devais retrouver ma future épouse, à Florence, où elle faisait un stage de deux mois pendant ses études. L'idée de départ, c'était que j'arrive d'Enghien à Grenoble, pour reprendre l'Austin réparée par son frère et la retrouver en Italie. C'était le scénario de départ. Je débarque du train, laisse mes bagages à la gare, retrouve le frère qui m'annonce que la voiture n'est pas prête (la panne en elle-même est déjà un roman.) Retour à la gare, j'ouvre le coffre de la consigne, plus rien. Disparus le sac à dos, la tente, le Nikkormat flambant neuf, et bref, tout. Sauf ce que j'avais gardé avec moi: mon sac de couchage roulé et noué avec mon ceinturon (oui: 72: barbe, bleu jeans pattes d'eph, ceinturon style "Big Bazar") et ma carte bleue. Donc, voyage en stop (genre: Florence, c'est juste "de l'autre côté".) Bref, un voyage et un séjour épiques, une rencontre avec des italiens, aussi fauchés que les blés, des artistes. Ah... ces soirées, ces nuits à refaire le monde en mangeant des bruchettos (du pain frotté d'ail passé au four) dans un vieil appart de la place Santa Croce. Bon, vous avez le décors, et pour passer le temps à la bibliothèque, tandis que mon amie bossait, j'avais pris un bouquin concernant la "théorie unitaire", un truc qui voulait faire le pont entre relativité et mécanique quantique. Quand je dis que je suis têtu, et obstiné, il y a un peu de vrai...
Et c'est là que je tombe, pratiquement tout de suite sur la différence entre "vecteurs covariants et contrariants". Rien compris. Enfin, si, je peux répéter mon bréviaire, mais je n'ai pas encore ressenti la nécessité de la chose. J'ai tourné et retourné ceci dans ma tête pour en trouver l'évidence, mais j'avais atteint mon niveau de Peter. Ensuite, j'ai fait ingénieur...
Mais je ne l'ai toujours pas digéré, et dernièrement, lorsque le mot de "dual" s'est glissé sous ma plume, en parlant d'une différence entre addition et multiplication, lorsque je lis ceci "l'auteur s'inspire de la théorie géométrique de Willing...", qui renvoie aux espaces duaux, concernant les processus de la vision, lorsque je repense à cette différence qui m'obsède entre synchronie et diachronie, je me dis qu'il y a baleine sous coquillage. Tant que je n'aurais pas compris cette différence de nature entre espace et temps, tant que je n'aurais pas rendu palpable cette indétermination qui naît de nos changements de postures, de repères, je n'aurais pas fini ma tâche.
Voilà, il y a trois jours pleins, que je tourne en rond, pour pondre un billet sur ce sujet, mais je n'y arrive toujours pas: je sens que les différences synchronie/ diachronie et "covariance/ contravariance" sont liées. Je sais que c'est là, mais je n'arrive pas à sauter la marche.
Et le décès de Jacques m'interpelle:
"cours camarade, il est plus tard que tu ne penses".
Le pire étant que ceci n'a aucune importance...
Hari