Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
19 Juin 2021
Notes de lecture de "Ma et Aïda" du 19/06/2021
Le 11ème texte est "Ma et Art : une approche sémiotique et son internationalisation" par Michiko Okano de l'Université fédérale de São Paulo.
Nota : La signification et l'usage de mes glyphes, comme le schéma général de l'Imaginaire du Sujet sont présentés ici: "Résumé" (☯[∃]𓁝⇅𓁜[⚤]𓁝⇅𓁜[#]𓁝⊥𓁜[♲]𓁝⇆𓁜[∅]☯)⇅𓂀 (♧) J'ai situé certains concepts Japonais, tels que Ma/Aïda 間, Mu 無, espace 空間 et temps 時間 dans cette grille de lecture, ici : "L'espace-temps / Ma" (☯[∃]𓁝⇅𓁜[時間]𓁝⇅𓁜[空間]𓁝⊥𓁜[間]𓁝⇆𓁜[無]☯)⇅𓂀 (♧) Enfin, j'ai défini trois "niveaux de circulation" du Sujet entre [∃] et [∅], étiquetés par ♧, ♢ et ♡; voir ici "Foncteurs et transformations naturelles". |
- As-tu déjà vu un duo de copines belle/ moche se distribuant les rôles ? La belle, sûr de ses charmes se tait, tandis que la moche rame comme une malade pour capter l'attention...
- Quel rapport avec ce texte ?
- Écoute, cela fait maintenant un mois que je n'ai rien écrit, ni même lu, comme je me l'étais pourtant promis, en vue de me préparer à ce colloque "Topos on line" qui débute le 24/06, avec en arrière plan, la semaine de Cerisy autour de l'oeuvre de Piera Aulagnier : "Aux origines du Je".
Je me vois en particulier, dans le réfectoire de Cerisy, à discuter avec des psychanalystes et je me dis "qu'est-ce que je vais bien pouvoir leur raconter ?". Je ne suis pas l'un d'entre eux, même pas en analyse, et je connais déjà leur regard : "qu'est-ce qu'il fout là ?". Qui suis-je au fond ? Un intrus dans un groupe de matheux, un intrus parmi quelques psys et intellos assimilés... Comment me présenter ? Que leur dire ?
Que je médite sur le langage mathématique, et donc sur le Sujet, qui est porté par ce langage. Voilà: je médite et mes questions portent à faux dans leurs discours policés.
Je vais questionner le matheux sur la nature d'un "ouvert" en topologie, qu'il ne peut définir en position 𓁜. Au psy je demanderai dans quelle posture Imaginaire il peut tracer un "noeud borroméen" pour représenter le triptyque Réel/ Imaginaire/ Symbolique (R/I/S) quand R et S sont, par définition, hors de l'Imaginaire...
Comme tu le vois, mes questions portent peu ou prou sur l'espace, et le temps (du Sujet, bien entendu), et il me semble à la réflexion, qu'en la matière, l'approche Japonaise est infiniment plus sensible que l'approche Occidentale !
Je suis au fond, comme Lévi-Strauss, kantien dans l'âme, mais ces "données objectives" de la connaissance que seraient l'espace et le temps occidentaux, relèvent à mon sens directement d'un concept de Ma (間) oriental, indéfinissable, selon les Japonais eux-mêmes, plutôt que d'une construction rationnelle.
- Je ne te suis pas: tu préfères un concept confus à des concepts clairs ?
- Non, j'ai simplement remarqué que le concept de Ma (間) se situe directement ici : 𓁝⊥[間]⇆𓁜, quand les Occidentaux rationalistes cherchent à toute force à retrouver la posture cartésienne [⚤]⇅𓁜.
Pour prendre une image de peintre, les Japonais attaquent la toile avec le coup de pinceau parfait, et l'oeuvre prend sens en quelques traits, quand les Occidentaux apprennent laborieusement à penser la perspective pour accéder au sens.
Partir du Ma (間), c'est démarrer par le haut, pour retrouver, comme nous l'avons déjà noté, a posteriori, à l'ère Meiji, les mots "空間" pour "espace" et "時間" pour "temps"; quand les Occidentaux accèdent à une compréhension plus haute du "mouvement" avec la relativité d'Einstein, s'exprimant par la norme de Minkowski, en 𓁝⊥[♲]⇆𓁜., en partant de la logique Grecque, et en passant par les peintres de la Renaissance.
Vois-tu mon propos ? Ils nous attendent à l'arrivée.
- Soit, et tes deux copines ?
- Nous, Occidentaux, avons accaparé la parole du Monde, et n'entendons plus ce qui nous est étranger. Ça me rappelle ce livre magnifique "Le silence de la terre" de C.S. Lewis, que j'avais lu sous la couette dans mes jeunes années.
Nous sommes la moche de l'histoire, celle qui enfume le monde par son verbiage et empêche de voir la beauté de sa copine à la parole inaudible...
Le pire étend que la belle en vient à douter d'elle-même et cherche à se glisser dans la conversation pour exister.
C'est ce que fait ici Michiko Okano, en cherchant à raccrocher le concept de Ma (間) à une approche sémiotique.
- Quel mal y a-t-il à ça ? Après tout, il cherche à nous rendre sensible à ce qui nous échappe, en utilisant nos concepts.
- Le problème, c'est que le projet pragmatique de Charles Sander Pierce est vérolé à la base !
«Considérer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir être produits par l'objet de notre conception. La conception de tous ces effets est la conception complète de l'objet»
Il est donc limité à ce qu'il peut identifier, dans une posture strictement logique ☯[∃][⚤]𓁜; sans même une amorce d'approche topologique 𓁝⇅[#]⊥𓁜, et bien entendu sans différenciation entre éléments𓁜 et 𓁝parties d'un objet...
- Il y a pourtant cette approche trinitaire :
qui se retrouve doublement chez toi, avec [⚤],[#],[♲] d'une part et ♧, ♢, ♡ d'autre part...
- Effectivement :
Et c'est justement cette "priméité", qui n'a rien de kantienne pour le coup (i.e.: puisque non rapportée au Sujet), qui fait tache.
- C'est pourtant à elle que Michiko Okano renvoie le Ma (間).
- Ce qui prouve l'erreur de Pierce ! Sa priméité n'est pas un concept "objectivable" ☯[∃]𓁜 comme il le pense, mais au contraire un concept que l'on "approche" à tâtons 𓁝[∅]☯.
Prends par exemple la "rougéité" d'un objet. Il n'y a strictement aucune possibilité pour qu'en m'y référant, je puisse transmettre une quelconque expérience vécue, personnelle à un autre Sujet. Pire : j'ai moi-même deux informations différentes de mes yeux : le gauche tire un peu sur des couleurs légèrement plus "chaudes", comme une pellicule "Kodak", quand le droit tire sur des couleurs plus "froides", genre "Agfa" !
- Tu peux malgré tout savoir si tu es daltonien ou pas, avec des tests.
- Bien sûr, mais là encore, il s'agit d'un positionnement 𓁝[∅] : localement, je me repère dans une topologie des couleurs, mais jamais je ne pourrai partager avec toi mon vécu de la couleur rouge, faute de pouvoir l'identifier.
Je peux identifier un objet en disant qu'il est rouge, mais je ne peux pas identifier le rouge "en soi".
Or donc, tout ce que je dis ici semblera sans doute évident à un Japonais (à vérifier) qui a cette notion de Ma (間).
Comprends-tu maintenant pourquoi cette comparaison avec un duo de copines belle/moche s'est imposé à moi ? Michiko Okano perd son temps à vouloir entrer dans le discours mal ficelé de la sémiotique, au risque de perdre cette grâce propre au Ma (間)!
C'est dommage...
Hari