Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
23 Avril 2015
Je ne voudrais pas quitter ces 4 pulsions élémentaires, autour desquelles je tourne depuis un mois, dans les trois billets précédents, sans vous montrer en quoi cette exploration de nos mécanismes les plus intimes peut nous éclairer sur notre organisation sociale.
Les systèmes pulsionnels attaque / fuite, les plus élémentaires, intéressent directement notre survie individuelle. Pour le dire en termes « entropiques » : la relation élémentaire entre l’individu et l’extérieur consiste avant tout à manger tout en évitant d’être mangé.
Les systèmes pulsionnels recherche (sexe) / séparation sont associés selon deux modes différents au sous-système de plaisir. La pulsion sexuelle de façon positive (une récompense) et la pulsion panique de façon négative (un sevrage). En termes « entropiques », ce n’est plus ici l’individu qu’il faut considérer, mais le groupe.
Comme nous l’avons vu, le premier groupe antagoniste est confiné dans le système limbique : il se boucle sur la conscience élémentaire (le self, situé dans le Système Réticulé Activateur Ascendant ou SRAA ; cf. Antonio Damasio « Le sentiment de soi »).
Le second est connecté dans la zone du cortex frontal qui nous ouvre sur l’extérieur. Et le relais, l’impulsion pour « sortir de soi », c’est le sous-système du plaisir.
=> Le principe de plaisir est une incitation à sortir de soi pour retrouver l’autre.
N’oublions pas que nous parlons toujours d’un fonctionnement « préconscient ». C’est-à-dire que cette organisation, que nous partageons avec les mammifères est repérable en dehors de toute « réflexion », de toute verbalisation. L’élément identitaire, autour duquel s’organise ce ballet, pour préserver son « ex-istence », c’est toujours ce tout petit noyau situé à la sortie du tronc vertébral (SRAA). Pour faire image, on peut penser au « Ça » freudien.
Pour préciser le langage : je réserve le terme de
Vous voyez que les deux notions ne se recoupent pas, et nous y reviendrons lorsque nous nous intéresserons à la mémoire. Retenons, sous réserve d’inventaire, que cette terminologie rejoint celle de Freud.
Pour en revenir donc, à nos pulsions : même à ce niveau élémentaire, nous voyons déjà s’instaurer une respiration entre l’individu et le groupe ; une dialectique entre la survie de l’élément et celle du groupe. Autrement dit, une distance diachronique entre deux jeux synchroniques qui seraient, l’un lié à l’élément, l’autre au groupe.
Ce qui conduit tout droit à une incertitude liée à ce saut diachronique et que Lacan relatait en parlant de l’épinoche.
Ce poisson, voyant venir de loin un congénère, ne sait pas de prime abord si c’est un mâle (pulsion attaque) ou une femelle (pulsion recherche/ sexe) et montre des signes d’agressivité tout en préparant des trous dans le sable pour le frai…
Nous avons déjà discuté de la structure de fonctionnement des deux pulsions attaque/fuite, et nous nous étions arrêtés au schéma suivant :
Le « liage » intérieur / extérieur qui est ainsi décrit, concerne ou conditionne, comme nous l’avons vu la survie de l’individu. Le questionnement porte ici sur la cohérence de l’individu, ainsi que de ses relations avec son environnement. Ce qui s’y discute, c’est la possibilité, pour l’individu, d’exister en respectant la loi entropique.
Par analogie, la loi qui se discute entre les deux pulsion recherche-sexe / angoisse, c’est la relation, de dépendance réciproque entre le groupe et l’individu :
Ce que je vous propose de résumer ainsi :
Pour respecter le « saut diachronique » entre ces deux niveaux synchroniques, il faut les situer sur un axe diachronique l’un au dessus de l’autre.
Pour nommer les deux pôles extrêmes de cet axe, nous garderons l’idée que tout le système vise à l’intégration, à la diminution d’entropie. Le pôle Symbolique, serait en l’espèce le « Surmoi » de l’individu, le pôle Réel, serait le « Çà ».
Ce qui nous donne la structure suivante du système pulsionnel (préconscient) dans son ensemble :
Et bien, cette structure, nous l’avons déjà mise en évidence dans la structure sociale (cf. : chapitre VII de l’Homme Quantique : « l’homme et la société »)
Voici la structure en question :
ggFrComme j’aborde cette structure sociale après un développement de 240 pages, je ne peux pas en faire le tour sur un simple billet.
Je vais juste souligner quelques pistes, pour voir les possibles filiations entre le système pulsionnel humain, et cette structure globale.
Bien entendu, avant d’aller plus loin, ne perdons pas de vue que les deux discours ne sont pas situés à un même niveau Imaginaire. Et qu’en conséquence, cette distance diachronique les rend irréductibles l’un à l’autre…
Nous avons déjà exploré la "structure de l'Imaginaire". L'intéressant est de retrouver cette structure, tant au niveau individuel que collectif, comme nous nous attachons à le faire ici, en dessous du seuil de conscience, en dessous du seuil où nous avons élaboré la théorie (Imaginaire) qui en rend compte. Il y a là, une congruence qui fait sens.
1/ Dimension diachronique :
2/ Dimension synchronique :
Il y aurait bien sûr beaucoup de choses à développer à partir de ce rapprochement. Mais ce n’est pas sur un court billet de blog que l'on pourrait l’entreprendre.
Je veux juste souligner ici une très grande similitude dans la dynamique de ces deux systèmes.
3/ Dynamique :
Nous avions montré, dans « L’Homme Quantique » que :
C’est dire que nous retrouvons dans le champ social, des pulsions très similaires (quoiqu’à un autre niveau Imaginaire) que celles qui s’organisent dans chacun des cerveaux des éléments de ce regroupement social.
Vous m’ôtez le mot des lèvres en parlant de « fractale ».
La conséquence la plus immédiate, au niveau politique, de cette structuration à deux niveaux, chacun obéissant à son propre système pulsionnel, c’est bien entendu, que ce jeu n’est pas dialectique.
C’est-à-dire, par exemple, que la discussion qui peut s’instaurer entre le prêtre et le savant, ou bien entre le politique et l’entrepreneur, ne s’articulent pas dans un simple tête à tête, comme au poker où l’on gagne ou perd en fonction de son jeu.
Il y a dans toute évolution d’un système politique, initié par le bas, un saut diachronique à franchir. C’est l’essence d’un processus révolutionnaire.
De même, lorsque le politique détermine les valeurs du niveau de gestion, il y a une indétermination du résultat dû à ce changement de niveau.
Je pense que nous aurons l’occasion d’y revenir…
Hari