Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
15 Mai 2015
Ma représentation du « préconscient social » s’est enrichie à la lecture de l’antiéconomie de Bernard Maris, qui m’a permis d’y raccrocher un niveau financier. Et quelques jours plus tard, une remarque de Frédéric Lordon (la révolution n'est pas un pique nique) me ramène irrésistiblement au fonctionnement du cerveau.
Des liens se tissent ainsi entre le fonctionnement d’un individu et celui du corps social en général, un vacillement entre le tout et la partie qui renforce l’image d’une fractale et fait sens.
La remarque de Lordon, concernant la possibilité d’une action révolutionnaire, est celle-ci :
Les idées sont portées par des affects, sans lesquels elles n’auraient aucune force.
Autrement dit, le « moment historique », très particulier qu’est une révolution, est le point de rencontre entre un affect et une idée.
Et ceci nous renvoie immédiatement à la caractérisation de la mémoire épisodique. En effet, nous avons vu qu’un « fait » est mémorisable, lorsque il y a rencontre entre un état de conscience (venue de l’intérieur du sujet) et une perception de l’environnement. Les faits mémorisables forment ainsi une succession de ces « points de capiton » dont nous parle Lacan, et qui donnent son sens rétroactivement aux phrases que l’on prononce. L’image que j’en ai, est celle d’une machine à coudre qui raccorde deux pièces de tissus par des points espacés. Pour garder le vocabulaire de Lacan : chaque point de contact est le « tuchê », la répétition du mouvement renvoyant à l’automatisme de répétition (« l’automaton ».)
Ce retour au psychisme individuel, nous renvoie alors par ricochet dans le champ du souvenir commun, celui de l’Histoire d’un peuple.
En effet : le souvenir d’une révolution marque un peuple au point de réformer son système de valeurs (son pôle Symbolique). Et nous avons caractérisé ce changement par un changement de position (du peuple en l’occurrence), par rapport à son discours (cf.L'Homme Quantique):
Mais l’Histoire ne se limite pas à ces grands bouleversements et garde le souvenir d’instants dramatiques, qui ne remettent pas en cause de façon si radicale son système de valeurs. L’Histoire garde la trace des « faits historiques », comme l’assassinat d’Henri IV, ou la bataille de Marignan (1515 !). Et ces faits correspondent eux aussi à une mise en relation d’un affect (un sentiment populaire) avec une réalité (un assassinat, une bataille etc.).
Autrement dit, et en généralisant la remarque de Lordon, il doit être possible de faire un parallèle entre la mémoire à long terme, d’un individu, formée à partir de sa mémoire épisodique, et l’Histoire (celle que l’on enseigne dans les écoles) à partir de la mémoire épisodique d’une nation.
Pour prolonger le parallèle ainsi dessiné entre l’individu et le groupe, il resterait à décrire l’évolution dans le champ social de ce qui, chez l’individu, forme sa « mémoire sémantique » et sa « mémoire procédurale ».
Concernant la « mémoire sémantique », le point intéressant à considérer est qu’elle ne peut se développer chez l’individu que s’il vit en société : la parole est donnée à l’individu par la société. Et en retour, le langage évolue grâce à l’action individuelle ; au fur et à mesure de son vécu, de ses découvertes, comme de ses trouvailles langagières. Nous retrouvons ici, au niveau structurel, dans ce passage nécessaire du groupe à l’individu, le moteur même du processus de cette évolution. Et ce moteur est par essence diachronique, ce qui est fort heureux puisque l’évolution du langage est par définition (de Saussure) diachronique !
Concernant la « mémoire procédurale » ; il n’y a pas de difficulté à en voir le prolongement dans toutes les manières de se conduire en société, les us et coutumes. Le champ est très vaste, depuis les lois jusqu’aux manières de table ou aux règles économiques. Ici aussi s’instaure une circulation entre le groupe et l’individu : le groupe transmet des savoirs, que l’individu bouleverse de temps en temps.
Et c’est par ce retour à l’économie que je terminerais ce billet.
Nous avons vu, dans le préconscient social, que sous le seuil de conscience étendu (c’est-à-dire verbalisé), nous intégrons un schéma conceptuel de la société qui respecte le fonctionnement très primitif de nos pulsions primaires.
Nous avons même prolongé cette réflexion en deçà du principe de plaisir (niveau économique / entropique), jusqu’au pur automatisme de répétition (principe d’inertie) que l’on retrouve au niveau financier.
C’était déjà dire que notre façon de pratiquer les échanges (niveaux financier et économique) échappe à notre perception consciente des événements. Nous y insistons ici en disant qu’en dehors de toute trace historique (mémoire épisodique), notre expérience quotidienne impacte inconsciemment notre manière d’être : notre vocabulaire et nos théories pour en parler (mémoire sémantique), comme notre pratique (mémoire procédurale).
Le fait est que depuis la disparition historique (la chute du mur de Berlin) de toute expérience économique autre que libérale, il est devenu impossible de parler consciemment d’une alternative au libéralisme ; parce que ce dernier structure sans partage notre système inconscient de pensées (mémoire sémantique et procédurale). D’où la prégnance actuelle de la pensée anglo-saxonne.
Dit autrement : on ne peut pas parler de la même façon d’une théorie d’économie libérale et d’une théorie alternative.
Autrement dit : toute proposition alternative fondée sur un raisonnement conscient, intellectuel :
Je vois à ceci deux conséquences que je vous soumets pour en discuter :
J’en ai bien peur... Cours camarade...
Hari