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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Pause-philo

- Je note à la volée une pensée fugace, à peine plus qu'une intuition, qu'il me semble nécessaire de fixer avant qu'elle ne s'évapore.

En parlant du cogito cartésien dans ma présentation au CLE (note 1), j'en étais arrivé à l'idée que Descartes se définissait par une idempotence: 

"Descartes veut constituer le sujet comme "premier", c'est le "je suis", une déclaration d'existence du Sujet, comme le mathématicien amorcerait un discours par " Je", au plus près du Réel, en I1 selon notre terminologie.

Cependant, il ne peut le faire qu'en choisissant cette idée particulière, d'un lieu Im d'où il puisse engendrer cette pensée, autrement dit "Je pense" est quelque part au-dessus de I1 et donc : R<I1=I'm<​​Im.

  • L'existence de "Je" découle d'un comorphisme: Je suis←Je pense;
  • Qui ne peut s'exprimer que par la prise de conscience d'un morphisme identité : Je suis →Je pense.

Descartes définit son ego par une idempotence : il exprime tout et tout se rapporte à lui."

Puis, au fur et à mesure que je développais mes schémas pour montrer comment j'articulais foncteurs et morphismes, dans le saut diachronique I01/IR, s'imposait à moi l'idée qu'il se caractérisait par l'orthogonalité entre concepts, ce qui rendait difficile leur représentation.  (notre 2).

- D'accord, d'accord, tu es en mode ruminant, là, mais où ceci te conduit-il ?

- Je mets au centre de ma réflexion, depuis un certain temps déjà, le triptyque d'Emmy Noether : symétrie/ quantité conservée/ indétermination. Ça colle parfaitement avec ma démarche, je ne reviens pas dessus, mais voilà: j'en ai fait un principe qui transcende ladite démarche, or c'est contradictoire avec le relativisme absolu de celle-ci, qui devrait voir ce principe lui-même émerger progressivement dans une construction immanente, ou, dans le sens inverse, partir d'une conception très évoluée, pour se déliter progressivement jusqu'au trauma du Réel.

- Soit, mais où veux-tu en venir?

- Je me demande si ce va-et vient "Je suis <=> Je pense" par lequel Descartes se détermine n'est pas une vibration très primitive qui porterait la plus élémentaire des symétries possibles?

Vois-tu ce que je veux dire? Si ce que j'ai présenté comme une "idempotence" peut être vu comme une symétrie entre deux états d'un objet, qui serait ici notre Sujet, ce dernier serait la quantité conservée de notre triptyque.

- Et ton indétermination, alors?

- La liberté du Sujet... La liberté de son choix. Tu vois que nous ne nous éloignons pas des mathématiques, finalement. Et nous aurions une congruence parfaite entre la représentation que le Sujet se fait de lui-même et celle de l'objet qu'il rapporte à cette conscience de soi, au cours de son évolution (note 3).

- Tu insistes donc sur le côté vibratoire et répétitif à ce niveau Imaginaire I1/I01 ?

- Oui, jusqu'à voir l'espace lui-même comme vibration, ainsi qu'Alain Connes nous y invite (note 4).

- D'accord, tu arrives à raccorder Objet et Sujet à ces niveaux élémentaires, mais ensuite?

- Ah! C'est là que ça devient intéressant! Pour être cohérent, il faudrait raccrocher l'évolution de la notion de symétrie à celle du Sujet. Or, si en gros, les premières strates Imaginaires nous permettent de dégager le concept d'objet, la suite est à rattacher au stade du miroir.

- Le miroir, ça tombe bien pour parler de symétrie...

- Bien sûr, mais plus précisément, je crois que la nouveauté, c'est la capacité à adopter un point de vue local.

- Je pensais qu'en I01, il était possible d'imaginer les groupes de symétries, et que c'était là ton marqueur ?

- Souviens-toi de nos efforts pour suivre la théorie de Galois: il repère des symétries entre les racines d'un polynôme, mais pour résoudre un polynôme de degré 5, il lui faut passer du discret au continu, et faire le saut I01/IR (note 5).

En fait, entre deux éléments, la "symétrie" se réduit à une dichotomie (nous revenons à Lévi-Strauss). À partir de trois, il est possible de développer le concept de symétrie en I01, et de comprendre la théorie des groupes, puis en sautant en IR, on passe à la géométrie, et la notion de symétrie devient rotation continue. Mais ce qui se dégage progressivement, de façon plus profonde, c'est sûrement la capacité du Sujet à abandonner sa position centrale, ex post, pour adopter un point de vue local, ex ante.

Autrement dit, la symétrie élémentaire que je voyais comme une sorte d'aller-retour indéfini I1<=>I01, se généralise en un aller-retour local<=>global, avec un redoublement de la notion de symétrie : définie globalement dans la théorie des groupes en I01, la mécanique quantique, avec les théories de jauge, met l'accent sur l'importance des symétries locales.

Je crois que c'est de cette façon que le Sujet enrichit la notion de symétrie, et qu'il faut réfléchir à partir de cette perspective.

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- J'ai écrit ce texte tard dans la nuit avant de me coucher, puis au matin, dans cet état relâché d'avant l'éveil que je prolonge à loisir, s'insinue l'idée que je n'ai pas pressé tout le jus du sujet, de n'avoir fait que la moitié du chemin.

- Quelle moitié ?

- Je n'ai traité que de la mutation du saut diachronique qui de "vibration" entre I1/I01 devient groupe de symétrie, puis rotation entre I01/IR, lorsque du mouvement (le morphisme) je passe au mouvement de mouvement (le foncteur) et enfin au mouvement de mouvement de mouvement (la transformation naturelle).

Mais je n'ai pas caractérisé la transformation de l'objet, le concept synchronique de mon diptyque.

- Tu voyais le topos élémentaire de Lawvere en I01 et celui de Grothendieck, "le lit du discret et du continu", en IR, non?

- Oui, mais je n'ai pas caractérisé leur symétrie. Or, de l'un à l'autre, il y a changement de pied, si je puis dire: dans une vision globalisante, primitive, le Sujet, déterminé par sa culture, voit des objets partout, et son référé ultime c'est l'objet final (*); mais ensuite, après que Descartes eût tué dieu comme nous venons de le voir, son regard se tourne vers lui sans peur d'être ébloui, et se voyant limité localement par son entourage, il ose se référer au vide, à l'objet initial ( ). 

- C'est un peu comme la fusée de Tintin, qui fait une rotation entre Terre et Lune avant d'alunir. 

- Si tu veux; or donc, après avoir rapporté la sémantique du monde aux idées qu'il en avait, le Sujet s'enfonce dans son Imaginaire, en rapportant des idées en construction, à la syntaxe qu'il a pu définir en I01.

- Je ne te suis pas.

- Mais si, souviens-toi d'Évariste Galois: pour résoudre une équation polynomiale, il va transformer un problème insoluble en une discussion sur les symétries qu'il peut voir entre des racines qu'il ne connait pas. Et c'est toujours le même procédé depuis ce moment-là. Je te renvoie à la définition d'un "foncteur représentable" (note 2), et ça donne en mécanique quantique l'utilisation des groupes de Lie dans une théorie de jauge. L'objet se présente comme un "observable", de quelque chose qui respecte une certaine "symétrie locale". Le passage de Galois aux modernes, tient simplement au passage du global au local, qui se remarque déjà avec la différence d'approche entre "produit" et "coproduit" en I01, comme nous venons tout juste de le voir (note 6).

En fait, nous avons déjà tout pour sous la main pour prolonger notre réflexion: l'objet s'efface devant sa topologie.

- Comment ça "il s'efface"?

- Mais oui: sa chair disparaît derrière les symétries à partir desquelles nous en prenons conscience, pour ne voir en lui que replis, ou points singuliers d'un tissu géométrique, ou mieux tient : la trace d'un escalier de Cantor. Souviens-toi des recherches de René Thom caractérisant les "catastrophes" par des formes de courbes. Ceci nous paraît peut-être aujourd'hui marginal, mais le fond de la démarche est là. Et bien, dans un topos de Grothendieck T, qui à une catégorie C associe une topologie J, i.e.: T=(C,J), le membre qui fait s'envoler l'esprit, c'est J, et C finalement n'est qu'une projection dont nous pouvons caractériser les symétries.

- Nous sommes complètement dans la caverne de Platon, selon ce que j'en comprends: figés dans notre posture face au mur sur lequel défilent des ombres.

- Oui, absolument.

- Mais pourquoi vouloir effacer l'objet ?

- Tu te souviens d'Alain Connes expliquant le boson de Higgs avec une feuille de papier? (note 4)

- Oui, ce boson de Higgs, vu comme l'épaisseur de cette feuille et qui de plus est un scalaire, te faisait penser au saut diachronique élémentaire I1/I01, et alors ?

- Le problème, c'est qu'une structure plus fine de la matière s'exprime avec des quarks.

- Et ?

- Et bien ces quarks vont par 3 !

- Quelle importance?

- Notre contact le plus primitif au Réel s'exprime par une symétrie élémentaire, duale: existe/ existe pas, c'est ce à quoi je suis arrivé. Mais ce quark, présente une symétrie plus complexe, alors qu'il se pose en principe plus élémentaire, vois-tu la contradiction ?

- Et comment t'en sors-tu?

- En le situant au minimum au niveau I01, ce qui permet d'y développer une géométrie très rustique, dès que j'ai 3 éléments et la possibilité d'exprimer d'inégalité de Chasles à l'aide d'une métrique aussi élémentaire soit-elle, puisque je peux construire une tribu (et donc une métrique) à partir de ce trinôme en I01.

Je peux donc surmonter le problème en disant que le concept de quark est d'ordre géométrique, ce qui expliquerait simplement l'impossibilité d'observer effectivement un  seul ou deux de ses trois constituants.

En résumé, si je veux être rigoureux dans une démarche posant le triptyque d'Emmy Noether comme l'essence même de la différence que j'instaure entre principes diachroniques et synchroniques, qui me servent aussi bien à décrire le Sujet que l'Objet de son attention, alors, le boson de Higgs (entre I1/I01) réifié en I01 (c'est son caractère scalaire) serait le plus élémentaire des observables, or il renvoie à la gravitation, qui est un phénomène global, non renormalisable, quand la matière elle-même décrite au-dessus de I01, par des lois de symétries et de conservation locales, s'y projetterait en dernier ressort en quarks.

- Tu soulignes une différence d'approche qui rappelle celle que tu as vue entre produit et coproduit...

- Oui, et sous la forme la plus basique qui soit, entre multiplication et addition.  Mais j'espère que tu vois, avec cette histoire de quarks, de quelle façon notre regard moderne sur l'objet en fait un être purement géométrique. Il y a déjà un bon demi-siècle que Tintin a retourné sa fusée.

Je te laisse méditer là-dessus, car je dois encore tondre une pelouse qui m'arrive aux genoux avant le retour de V., et me préparer pour me rendre à La Rochelle ce soir.

Hari. 

Note 1

J'en parle pour illustrer e saut diachronique entre I1 et I01 dans "présentation au groupe de travail "logique catégorique"".

Note 2

Voir le commentaire sous la figure 4 dans  "Présentation au groupe de travail - Foncteur".

Note 3

Voir à ce sujet mes commentaires de "l'épistémologie génétique de Piaget".

Note 4

Voir "Après la représentation du temps, celle de l'espace".

Note 5

Voir toute la démarche que nous avons suivie à partir de l'article "Évariste Galois derrière le miroir", jusqu'à "Évariste Galois - partie 5 - l'action et sa représentation".

Note 6

Voir "produit et coproduit".

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