Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
5 Août 2020
Je re-visionne actuellement toute la série de vidéos de NJ Wildberger sur la topologie. Je trouve ce cours d'initiation remarquablement fait: il est concis, structuré, très large, didactique, et il fait naître en moi énormément de réflexions sur ma propre démarche, que je vais noter sur ce blog à la volée. Désolé donc si c'est décousu, mais j'accumule ici un matériau que je reformulerai plus tard, lorsque je l'aurai bien digéré.
est la 20ème d'une série de 40 vidéos, c'est dire qu'elle enchaîne sur des acquis tels, par exemple, qu'une certaine connaissance du nombre d'Euler.
1/ Classification des surfaces 2D:
Attention, il le dit très vite, mais il s'agit ici des surfaces "compactes et connectées" en 2D. C'est dire, en gros qu'elles sont fermées sur elles-mêmes et sans trou.
Il y a déjà là un problème de représentation : le Sujet est-il situé dans l'univers de cet objet, ou en dehors ? Mais dans ce cas, quel espace commun partagent-ils, pour que le Sujet puisse en faire l'expérience ou en parler ?
- Tu n'es pas très clair.
- Écoute-le faire le rapprochement entre tore et géométrie Euclidienne.
Tout d'abord, il représente le tore dans un espace 3D, pour ensuite expliquer que l'on peut également le voir comme un "espace d'orbites" :
Et c'est à partir de cette dernière représentation du tore, qu'il peut faire son rapprochement avec la géométrie Euclidienne.
- Ça m'a paru facile à suivre !
- Oui, bien entendu, mais le changement de point de vue du Sujet, même s'il est bien noté, n'est pas conceptualisé, comme toujours. Note que la restriction de l'espace du plan à la surface bab-1a-1, nous ramène à une discussion que nous avons eue (#1).
- C'est donc à toi de recadrer ceci dans ta démarche.
- Oui. A priori, lorsque je plonge mon tore en 2D dans un espace 3D, j'en ai une vision "globale", (i.e.: I2D<I3D<Im) tandis que lorsqu'il est mis à plat, comme une peau de renard épinglée sur une planche de taxidermiste, j'ai le nez dessus (i.e.:I2D=Im) et la circulation à sa périphérie (bab-1a-1) est une opération "locale". Mais ça reste à approfondir(#1); (voir note du 09/08/20).
- D'accord, mais là tu tournes en rond, car nous en avons déjà parlé.
2/ Courbure et nombre d'Euler :
- Ce qui m'intéresse ici, c'est d'arriver à hiérarchiser les concepts de "courbure", que nous retrouvons dans la courbure de Ricci, et χ le "nombre d'Euler".
- Quel est le problème ?
- Dans une vision globale, géométrique de notre tore, plongé dans un univers 3D, tu vois bien que la courbure autour d'un point n'est pas une constante. Un point situé à l'extérieur du tore, est dans un voisinage à courbure de type sphérique, tandis que sur sa partie interne, tu peux avoir un environnement en forme de selle de cheval, et donc de type hyperbolique, or Wildberger fait le rapprochement de ce tore avec la géométrie Euclidienne, et donc à courbure nulle, en se basant sur la valeur de χ=0 !
- A priori, la notion de courbure est d'un niveau plus élevé que χ, non? Après tout, pour calculer χ, il suffit de savoir compter des points (V pour vertex), les côtés (E pour edge) et les faces (F pour face) d'une figure géométrique : χ=V-E+F, ce qui est élémentaire, alors que tu retrouves la notion de courbure dans la théorie de la relativité !
- Et non... En fait la courbure est intrinsèquement une notion locale, comme nous l'avons déjà vu, alors que χ nous offre une description, certes élémentaire, cependant globale de l'objet. Il faut en effet rapprocher dans une même formule les notions de point et de ligne, comme pour la courbure, mais également de surface ! Nous n'en sommes pas encore à mesurer l'aire de cette surface, néanmoins son existence est prise en considération.
- La courbure comme concept local... Par tant que ça. Reporte-toi à la leçon "Rational courbature, winding and turning". Wildberger introduit assez simplement la notion de courbure en géométrie plane à partir des angles d'un triangle :
Je te laisse revoir le cours, pour constater que si localement, en chaque sommet d'un polygone, la courbure est bien liée à la valeur de l'angle au sommet (t1+μ1= 180°, c.-à-d. 1/2 tour), la courbure globale d'une polygone quelconque (en ramenant toutes les courbures vues d'un seul point du plan, vaut 1 (ou 360°), et bien entendu 2 pour un polyèdre :
- Merci pour le rappel. Mais reviens au rapprochement qu'il fait entre courbure total d'un polyèdre et χ. La courbure totale d'un polyèdre est égale à χ.
Ceci dit, je reste toujours avec mon problème de tore !
J'avoue que j'ai du mal à harmoniser entre eux ces différents discours...
En me relisant ce matin, j'ai corrigé ce que j'avais écrit hier d'un premier jet : "Globalement χ=1", et cela vient en contrepoint de réflexions que je me faisais au réveil !
3/ Espace Euclidien et projectif :
- À savoir ?
- Pourquoi dans ses premiers cours Wildberger nous indique-t-il que χ=1 pour un polygone, alors qu'ici il nous caractérise bel et bien la géométrie Euclidienne par χ=0 ?
- χ=1 caractérise le "plan projectif", ou un "cross cap", non ?
- Effectivement. Si tu reviens sur sa construction de la preuve que la courbure totale d'un polygone vaut 1 (#2), tu remarqueras qu'il rapporte l'ensemble des courbures en chaque point dudit polygone en un point particulier du plan, pas nécessairement attaché à la figure qu'il décrit.
Autrement dit, il se place en un point particulier de l'espace, pour décrire globalement sa figure, et c'est implicitement qu'il rend son espace "projectif" (#09/08/20).
- En es-tu sûr ?
- J'aimerais bien en discuter avec lui ! À l'appui de ma thèse, je dirais que dans l'espace plat où il trace son polygone, il n'y a pas d'envers... De même qu'en traçant une figure sur un tableau, tu n'imagines pas pouvoir dessiner au dos de cette surface, ton tableau est implicitement un échantillon très local d'un espace indéfini...
- Tu peux malgré tout dessiner des figures symétriques non superposables: la surface de ton tableau est orientée...
- Localement orientée... L'idée de symétrie est ici liée à l'utilisation d'une droite dans ton plan, et nous en revenons à Wildberger et sa présentation des symétries :
Autrement dit, dans un plan Euclidien, tu peux tracer deux figures chirales l'une de l'autre (# 09/08/20 bis). Je pense qu'il importe de saisir que ce plan n'est pas limité, même si le tableau l'est, de même que N n'est pas limité à la suite de nombres que tu peux y écrire. Ce plan Euclidien est indéfini.
Et c'est cette "non-limite" qui est en fait représentée dans l'espace projectif, par l'existence d'un point à l'infini, dual du point de projection.
La fermeture Imaginaire de l'espace projectif est liée à l'introduction du Sujet dans la scène et se traduit par le fait d'être non orienté, semblable à un "cross cap".
Du coup, le Sujet est rejeté dans un espace 3D pour pouvoir y représenter globalement cet espace 2D...
- Soit, mais tu n'as pas beaucoup avancé avec cette double représentation d'un tore...
- C'est à voir. Reporte-toi à la Fig.2.
Si tu représentes la surface d'un tore par un carré élémentaire "bab-1a-1 " sur ton tableau, c'est avec la convention express que tu peux rabattre l'un sur l'autre les "bords b" de cette surface pour en faire un tube, puis les "bords a", pour recourber ton tube et retrouver ton tore. Autrement dit, cette représentation en 2D ne se justifie que par la certitude de l'existence d'un univers plus large dans lequel il est plongé.
Mais dès lors que tu envisages cette découpe dans la surface, avec ces "bords", cela crée un recto et un verso ! La surface de ton tore est orientée, avec un intérieur et un extérieur, qui n'existent pas dans le plan que tu es censé ramener à ce tore.
- La bouteille de Klein "baba-1" n'a pas ce problème: la surface reste orientée localement mais non-orientée globalement.
- Oui, mais il faut monter en 4D pour la représenter correctement (c'est-à-dire sans que le col ne coupe le corps de la bouteille).
4/ Dualité 0 et ∞ :
L'intuition que j'ai à ce moment de ma lecture, c'est que ces questions de symétries prennent un tour nouveau, avec une idée de "dualité" propre au niveau I# de l'Imaginaire.
- À quoi penses-tu ?
- À la dualité qui renvoie le point origine du plan projectif à l'infini et réciproquement, avec la notion de "points conjugués", les points à l'extérieur du cercle unité étant renvoyés à l'intérieur et vice-versa.
- Ça me rappelle les deux infinis de Pascal.
- C'est bien ce qu'il me semble : l'intérieur, ramené au Sujet est semblable à l'extérieur, qui le dépasse infiniment. En l'occurrence, l'enveloppe visible du Sujet serait ramenée à ce cercle unité, son être propre échappant à la description (donc à son Imaginaire) serait le point origine, et la clôture de cet Imaginaire représentée par le point à l'infini, les deux se répondant comme l'homme est à l'image de Dieu dans l'imaginaire de toute religion...
Et cette dualité n'est pas du même ordre que celle à laquelle nous nous sommes attachés jusqu'à présent, à savoir la focalisation du Sujet, soit sur l'objet initial en I1<Im, ou sur l'objet final en I'm<I0, avec I'm<Im.
Comme cette discussion se développe autour de la géométrie hyperbolique, avec la nécessité d'introduire le "produit" de deux distance pour exprimer que deux points sont conjugués, et d'une façon implicite à la notion de "mesure", pour tout dire, nous sommes pleinement au niveau I# de notre Imaginaire, tel que j'en ai parlé jusqu'à présent. Et c'est lié également à une pensée qui se développe en 4D...
- Tu penses aux groupes d'homologie de l'Imaginaire ? (#3)
- Oui, je pense que pour avancer dans cette direction, il faut faire évoluer ma propre compréhension de ce qu'est une symétrie.
5/ Questions de symétrie :
J'ai beaucoup insisté jusqu'à présent sur le stade du miroir dans le développement de la pensée de chacun d'entre nous. J'y ai rattaché l'idée d'une double approche locale/ globale, et à partir de là une approche topologique, comme une évolution par rapport à une rationalité logique, cartésienne... Mais le développement de l'enfant n'en reste pas là. Il en arrive, vers 8 à 10 ans à comprendre qu'en transvasant un verre d'eau dans un bol, le volume d'eau se conserve. Autrement dit, il accède à une compréhension plus complexe de la "symétrie". D'une certaine façon, il est possible de considérer une application entre l'eau du verre et l'eau du bol qui "conserve" son volume.
À ce niveau Imaginaire I#, nous sommes très proche du questionnement proprement philosophique auquel nous conduisent Fermat, Maupertuis et Noether, à savoir la conservation de l'objet au fil de ses transformations.
- Tout ceci est certainement très profond, mais concrètement ?
- Je pense qu'il y a un saut Imaginaire entre les symétries telles que celles que développe Wildberger en fig.5, et les considérations qu'il développe ensuite autour de la géométrie hyperbolique, et du plan complexe C.
Qu'il le veuille ou non, il lui faut bien utiliser un "produit" de longueurs pour définir une inversion (ou une dualité entre deux points), et donc comprendre à ce stade Imaginaire le concept de mesure de l'aire d'une surface, avec en embuscade Pythagore et son théorème (#4).
Ceci dit, ce qu'il développe me fascine.
- C'est-à-dire ?
- La géométrie naturelle du niveau Imaginaire I# est hyperbolique !
- Mais tu l'avais déjà vu avec la relativité restreinte, non ?
- À ceci près que cette nécessité semble répondre à une disposition naturelle de notre entendement avant de s'imposer par l'expérience. C'est sans doute pour cela que Poincaré avait mis le doigt dessus, en dehors de toute considération physique. Et Wildberger nous offre une très belle illustration de la flexibilité de cette géométrie que je te laisse regarder dans la vidéo suivante :
- D'accord, mais pour en revenir à la dualité 0 et ∞ ?
- Il faut que j'y réfléchisse encore, mais d'ors et déjà, je vois bien l'infini comme une nécessité liée à l'introduction du Sujet dans la perspective...
Nous y reviendrons sans aucun doute !
Hari
Note 1 Voir:
Note 2 :
Wildberger mesure un "angle" par un nombre rationnel, en le rapportant à la valeur d'un tour complet autour d'un point, soit 1 au lieu de 2 π, présentation très intéressante, qui demanderait que l'on s'y arrête en détail.
Je peux déjà noter que cette façon de faire est tout à fait cohérente avec l'idée d'approche topologique que je développe ici, à savoir avec le Sujet I'm localement tourné vers l'objet final : I'm<I0.
Note 3 :
J'ai dans l'idée que les niveaux Imaginaires que j'ai identifiés jusqu'à présent (I1<I01<IR<I#<I0) peuvent être rapprochés de la hiérarchisation entre les "groupes d'homologie". Voir :
Note 4 :
C'est pour cette raison qu'il a tort à mon sens de rejeter l'hypothèse du continu. Non pas pour des questions de calcul, car après tout un ordinateur peut approcher n'importe quel nombre, tel que π, d'aussi près que voulu, mais pour une nécessité d'ordre épistémologique, ou philosophique, lié à la posture du Sujet.
Pour rapporter une mesure à une totalité, comme de rapporter un angle à une fraction de tour complet autour d'un point, certes, il n'est pas explicitement nécessaire de se référer au rayon d'un cercle et de rapporter la mesure d'un arc à celle de son rayon, pour définir un angle, et l'on peut très bien écrire 1/2 pour π; mais la nécessité de la continuité n'est pas à ce niveau.
Elle tient à ce que l'on parte d'un "tout" que l'on coupe en parties, sans référence aux éléments constitutifs de ce tout. Tout simplement parce que dans cette opération, le Sujet occupe une position ex ante par rapport au "tout" qui lui échappe (I'm<I0), tandis qu'en faisant le compte des éléments de l'ensemble, il occupe une position ex post, rationnelle logique (I1<I01<Im). Wildberger raisonne fondamentalement en informaticien...
Commentaire du 14/08/2020 : À propos de la notion d'infini
Dans la vidéo #25 sur les fondamentaux de l'algèbre, en présentant les anneaux (rings) et les corps (fields), Wildberger revient sur son refus de la notion "d'ensemble infini"
Son commentaire mérite que l'on s'y arrête:
Il refuse de considérer un "ensemble infini". Pour lui, dire que "x est un nombre rationnel", revient à dire qu'il est "de type rationnel", autrement dit qu'il possède certaines propriétés qui définissent un corps, et non pas qu'il appartiendrait à un "ensemble possédant un nombre infini d'éléments".
Si l'on accepte mon idée selon laquelle la notion d'infini répond à l'introduction de I'm dans le discours, et donc, à une posture topologique du Sujet, avec I'm focalisée vers l'objet initial ( ) au niveau I0 de son Imaginaire : I'm<I0, cet infini n'a de sens que comme "point à l'infini" sur la droite R ou point de convergence de deux droites parallèles dans le plan. Nous sommes là dans un univers où "le tout" est conçu sans être complètement cerné, un "tout" que le discours connote sans pouvoir pleinement le dénoter, et en particulier, qu'on est discerne les parties, sans pouvoir en dénombrer les éléments.
Avec ceci en tête, il est clair que la notion d'un "nombre infini d'éléments", lorsque l'on est dans la position I1<Im, le Sujet étant dans une approche rationnelle logique, n'a pas de sens...
J'amende mon jugement précédent: par "point de vue d'informaticien", il faut comprendre que Wildberger est en position I1<Im, et dans ce cas, effectivement, il a raison de rejeter le concept de "nombre infini d'éléments".
Ce qui pose un problème absolument fondamental sur la validité de la théorie des Ensembles...
La notion "d'ensemble infini" n'est pas cohérente avec la posture rationnelle logique I1<Im que le Sujet adopte pour l'exprimer en I01.
- Pourtant l'ensemble N des entiers naturels a bien un nombre infini d'éléments ?
- Non, évite d'employer ce terme "d'infini" hors contexte ! Tu peux juste dire que le nombre de ses éléments est "dénombrable"...
- C'est une tautologie !
- Effectivement. Mais disant ceci, tu renvoies juste à l'opération élémentaire consistant à dire :
∀x∈N, ∃x'=x+1 : x'∈N
Autrement dit, le successeur de x appartient également à N. Et c'est précisément dans la posture limite I1<I01≤Im, que tu peux concevoir cette opération. Ça ne sert pas à grand chose parlant de N, mais cette notion de "dénombrablilité", te permets de qualifier d'autres ensembles, par exemple, ceux dont tu repéres les éléments par un indice i, avec i∈N.
- Soit, mais pour R ?
- Pour R, tu es déjà dans une approche topologique, reporte-toi à la note ci-dessous.
Ce passage n'était pas très clair dans ma tête lorsque je l'ai écrit, reprenons.
Lorsque Wildberger nous montre ce tore comme un donut sur son tableau, il se situe en dehors de l'histoire, de même que moi, en écrivant ceci, je me tiens en dehors de la page que j'écris. J'ai déjà parlé de cette position comme de celle du DM (le Démon de Maxell) qui n'interagit pas physiquement avec l'expérience dont il est témoin. Voir :
Physiquement, c'est même assez parlant: il est devant son tableau, dans une position orthogonale au récit qu'il y trace. Cette orthogonalité physiquement palpable fait qu'il (DM) peut s'introduire dans son discours en se représentant par Im (i.e.: I2D<I3D<Im), c'est ce que j'ai écrit dans mon texte, ou prendre du recul par rapport à lui-même, comme nous le faisons ici en commentant sa vidéo: I2D<I3D<Im<DM. Objectivement, ça ne change rien à l'affaire, que ce soit Im ou DM, les deux sont en position ex post par rapport à l'objet dont on parle, à savoir ce tore.
Maintenant considérons les deux présentations suivantes, toujours au tableau :
1/ Discussion du tore vu comme restriction du plan Euclidien à un domaine fondamental (Fig. 2).
Il reste dans la position précédente : totalement hors de son discours, même s'il n'a plus, fondamentalement, la nécessité d'utiliser la 3D : I2D<Im<DM.
2/ Calcul de la courbure totale (Fig. 3)
Comme nous l'avons vu ("Retour sur le point de capiton"), la notion de courbure est un concept local: pas besoin de plonger une surface 2D dans un Univers 3D pour savoir si elle est courbe ou non, un être en 2D parcourant sa surface pourrait en faire la mesure. Nous avons donc, avec I'm<Im, un discours du type : I2D=I'm<DM (1). Notre vermisseau 2D est en l'occurrence un avatar de I'm dans le discours, la position du Sujet lui-même en Im étant éludée.
Pour calculer la courbure de la figure, Wildberger considère l'ensemble des courbures en chacun de ses sommets. C'est donc bien un point de vue global qu'il nous propose. Mais pour qu'il puisse passer de I'm à Im, il faut qu'il précise sa place, puisque d'une certaine manière, en explicitant son point de vue, il prend place dans son discours ! Et c'est ce qu'il fait en précisant un point du plan auquel il rapporte l'ensemble des courbures en chaque sommet du polygone.
Tu remarqueras que ce faisant, la démonstration est évidente. L'introduction de ce point produit une prise de conscience quasi immédiate du fait que la valeur de cette courbure globale ne peut être que 1 sur une surface plane !
Maintenant, en précisant la place du Sujet Im sur ce tableau qui est un avatar de notre plan 2D, Wildberger prend du recul par rapport à lui-même. Il reste bien évidemment le DM au bout de la craie qui défini sa place, devant le tableau, orthogonalement à lui, et sort de l'histoire, comme Tom Baxter sort du film "La rose Pourpre du Caire" pour s'adresser à Cécilia ! Ce qui complète le point de vue local décrit en (1) de la façon suivante : I'm≤I2D≤Im<DM.
- Si I'm et Im sont sur I2D , pourquoi ne pas écrire I'm=I2D=Im<DM ?
- Pour garder en mémoire qu'implicitement nous avons Im focalisé sur l'objet final (*) en I1 (i.e.: I1<Im) et I'm focalisé sur l'objet initial ( ) en I0, (i.e.: I'm<I0) c'est ce que nous avons vu en détail (voir #1).
Ceci étant dit, il me semble, et ça reste un point de discussion ouvert, il me semble donc, qu'en précisant sa place dans le plan, Wildberger rend ce plan projectif, car sa démonstration est intrinsèquement relative à un point distingué dans le plan. Ceci permet peut-être de mieux comprendre que la courbure globale d'un polygone en 2D vaille 1, et donc χ=1; quand pour le plan Euclidien χ=0.
Il faut reconnaître que cet argument est foireux, la note précédente est bien meilleure à cet égard. Cependant, j'en garde la trace, pour y revenir et comprendre de quoi c'est le symptôme !
Je parle, dans la note précédente d'orthogonalité du DM par rapport à ce qu'il écrit ou trace au tableau. C'est-à-dire qu'il n'est pas dans l'économie, dans la physique de son discours : il ne s'y met pas en scène.
Cependant, remplace le tableau par un miroir, imagine un miroir idéal, sans défaut, comme dans ce conte du calife de Bagdad de Michel Tournier. S'il est parfait, la seule façon de noter sa présence, c'est de comparer ce qui est devant et ce qu'il reflète, avec une chiralité dont nous avons maintes fois parlée entre les deux.
- Tu restes toujours bloqué sur "Las Meninas" de Velasquez, commenté par Foucault dans "Les mots et les choses" mon pauvre vieux...
- Tu ne peux pas parler de relativité par rapport au Sujet, sans penser aux peintres, dont le regard a toujours précédé celui du chercheur. Piero della Franscesca a peint "La flagellation" en 1453, quand le "dialogue sur les deux grands systèmes du Monde" est publié par Galilée en 1632 !
Mais revenons à nos moutons ! Ce miroir, qui permet à l'enfant de se voir comme objet au regard de l'Autre, devient à son tour objet de discours lorsque je cherche à définir cette "réflexion", ou chiralité entre le Sujet et son reflet, entre Im et I'm. Pour en parler, je peux très bien me contenter de dessiner sur un tableau, et définir ainsi la symétrie par rapport à une droite (je fais une coupe à 90° de la scène, passant par I'm et Im, avec cette droite comme trace du tableau); c'est ce que fait ici Wildberger dans la Fig. 5, et c'est ce dont je parle dans mon texte.
Maintenant quel est le rapport entre ce miroir et un tableau ?
- Je ne comprends pas le sens de ta question...
- J'ai dit dans mon texte que je ne pouvais pas écrire au dos du tableau: je ne peux pas y accéder sans le traverser, puisqu'il est indéfini et coupe irrémédiablement l'espace en deux parties étrangères l'une à l'autre. Le plan Euclidien est la seule face visible du tableau, orienté donc, puisque je ne peux pas superposer deux figures symétriques l'une de l'autre par un mouvement continu composé de translations et rotations en 2D; par exemple un "F" et son image par rapport à un axe vertical (que je note "F*" par commodité).
Si maintenant, je remplace ce tableau par une baudruche, transparente, je peux "passer" d'un côté (Im) à l'autre (I'm), pour passer de "F" à son reflet "F*", comme Alice passe de l'autre côté du miroir pour voir tout inversé.
- Oui, mais dans ce cas, il n'y a pas déplacement continu dans le plan, mais un saut Imaginaire diachronique I'm⇅Im !
- Ah ! C'est toute la question ! Ne puis-je pas Imaginer qu'en passant par le point à l'infini (∞), je puisse "faire le tour" du plan Euclidien, pour revenir au point zéro (0) qui marque ma position initiale sur le plan, face à "F" ?
- Autrement dit, passer d'un plan Euclidien à un plan projectif, ou un "cross cap" ?
- Exactement. Et pour "représenter" ce plan projectif en 2D, je dois me situer en un point d'un univers en 3D. C'est le point projectif, qui permet de ramener la description du plan projectif à la sphère S2 (sauf le point projectif), rebouclée en cross cap.
- En somme, tu "courbes l'espace" autour de toi, comme le premier navigateur venu de la Guilde dans Dune ?
- C'est un peu ça, comme en témoigne le passage de χ=0 pour le plan Euclidien à χ=1 pour le plan projectif.
Il n'y a pas à tortiller : lorsque je "recule" dans mon Imaginaire, pour mieux "comprendre" le Réel, je me coupe de lui, pour m'enfermer dans mon Imaginaire. Tout se replie autour de moi. Ça se traduit ici, explicitement, par la réification d'un point à l'infini (∞) dès que je me situe dans mon discours au point projectif (0).
Je transcende mon impossibilité à aller au bout d'une démarche indéfinie en représentant son horizon par ∞.
- D'accord, ceci dit, tu transcendes un saut diachronique I'm⇅Im par un mouvement continu...
- Oui, reste à savoir si cette réification (i.e.: le passage d'un concept diachronique à sa représentation synchronique) se fait en IR ou I#.
- A priori, dès que tu complètes la droite R par le point à l'infini, c'est-à-dire en IR...
- Il faut être plus précis et retracer la génèse comme la dégénérescence des concepts (i.e.: leur évolution/involution diachronique⇅synchronique)... En note #4 ci-dessus, je récuse le rejet par Wildberger de la notion de "continuité", qu'il trouve superflue pour parler de géométrie. Mon argument est que cette notion tient à la position locale du Sujet (i.e.: I'm<I0) dès qu'il a appris à se distancier de lui-même, après avoir fait l'expérience du miroir. Initiation qui se déroule très primitivement dès I01.
Mais alors, notre jeu de miroir est indéfini dès qu'amorcé, et la distanciation I'm<Im, se décline à l'infini, jusqu'à la limite rationnellement imaginable : Im<DM.
Autrement dit, en me focalisant sur le discours mathématique, j'ai certainement inversé l'enchaînement des causes à conséquences. L'expérience primitive, c'est de se présenter comme objet en Im, ensuite de dédoubler cet objet en le représentant en I'm. La séquence serait donc :
Dans cette optique :
Et nous en revenons toujours à mon point de bloquage: comment caractériser formellement le passage de IR à I# ?
- Ne l'as-tu pas déjà dit : en passant à une conception plus "large" du concept de symétrie que tu abordes au point 5/ de ton article ?
- Oui, la boucle est bouclée : nous sommes dans la répétition... Je me demande s'il n'est pas temps de s'intéresser de près au principe de dualité de Jean-Victor Poncelet pour y voir, peut-être, une extension de la dualité élémentaire I'm/Im qui nous a tant occupé jusqu'à présent ?