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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Métalepse et narratologie

Bernard Fripiat

- Par le plus grand des hasards, en écoutant Bernard Fripiat proposer une orthographe pour le néologisme "métalleux", je tilte sur le terme "métalepse" que je ne connaissais pas. 

De fil en aiguille, je remonte à la "narratologie", toujours inconnue, et quelques concepts liés qu'il me semble intéressant d'explorer, afin de voir les connexions éventuelles avec ma façon de représenter les postures du Sujet dans son Imaginaire.

- Tu papillonnes comme pas permis ces temps-ci...

- Je fais relâche, et me laisse porter par le cours des choses. Après la séance de lundi dernier (voir ici), c'est nécessaire à ma zénitude.

Et donc, une métalepse est une figure de style dans laquelle l'auteur s'intéresse à la description d'un "saut" entre deux états.

"Une métalepse, pour la narratologie, est un procédé par lequel un ou des éléments d'un récit franchissent le seuil qui le sépare d'un autre qu'il contient ou qui le contient." Wikipédia

- Oui, tu penses immédiatement au saut 𓁝 / 𓁜.

- C'est le tilt en question, et à partir de là, il est intéressant de voir ce que d'autres ont pu en dire. Partons de l'exemple cité :

"L'un des cas les plus cités de métalepse est celui que l'on rencontre dans Continuité des parcs, une nouvelle de l'écrivain argentin Julio Cortázar. Dans cette nouvelle,

  • un personnage lit dans un livre
  • l'histoire d'une femme adultère dont l'amant s'en va tuer le mari,
  • lequel se révèle être, nous le découvrons à la fin de la nouvelle, le personnage qui a justement lu le livre.

Ici, le récit enchâssé surgit sans prévenir, violant la frontière entre diégèse et métadiégèse, dans le récit qui l'enchâsse." Wikipédia

Mettons tout ceci en scène : 

  • Le personnage "P" lit un livre [⚤]𓁜p♧ ;
  • La femme "F", le mari "M" et l'amant "A", sont des éléments du livre, et ne prennent corps aux yeux de 𓁜p, qu'au fil de sa lecture. Mais rien de "concret" dans tout ceci : P tisse des relations avec F, M et A, du domaine du fantasme, et donc en mode ♢ :  𓁝F , 𓁝A , 𓁝M  [⚤]𓁜p ;

- Attention, en mode ♢, nous avons fait une distinction (voir #9) entre l'inclusion et l'appartenance :

  • Au niveau [⚤] la représentation se fait en termes d'appartenance (d'un élément à un ensemble fini);
  • Au niveau [#] la représentation se fait en termes d'inclusion  (d'une part de tarte dans une tarte).

- Exact, autrement dit notre personnage lisant son livre est plutôt en  𓁝F , 𓁝A , 𓁝M  [#]𓁜p.

Maintenant, il faut introduire notre auteur Julio Cortázar 𓂀, c'est lui qui nous présente les deux situations :

     𓁝F , 𓁝𓁝A [#]𓁜p  𓂀
     
  [⚤]𓁜p♧  𓁝F , 𓁝M = 𓁝P[#]𓁜A 𓂀

 - Et comment t'en sors-tu ?

- Oublions un peu les maths pour un temps et revenons à la psychanalyse : notre mode ♢ est celui du rêve et du fantasme.  En [#]𓁜p , notre personnage P est dans l'élaboration d'un fantasme, de même que Freud rêvant de ses collègues dans le rêve d'injection faite à Irma. L'auteur 𓂀 nous dit que P, Sujet du fantasme, devient l'objet de l'amant A, dans un rapport très objectif: A tue P, et tu remarqueras au passage combien cet acte de mort lié à la rupture d'un lien est significatif, après ce que nous avons dit très récemment dans "Statistiques et cannibalisme".

En l'occurrence, dans le "passage à l'acte" ♢♧; il y a :

  • Un mouvement contravariant dans lequel les rôles de A et P sont inversés;
  • Le constat que P prend la place de M au niveau [#].

- OK, mais d'où vient le malaise ?

- Dans le retournement final de la narration
(([⚤]𓁝P⇅𓁜[#])⏩([⚤]𓁝⇅P𓁜[#])) 𓂀,
où P se retrouve simultanément et en un seul endroit sous deux états incompatibles (principe d'exclusion): dans et hors du livre, ce qui est impossible avec la logique narrative du 1er ordre au niveau [⚤].

- Avoue que tu t'amuses !

- Oui, car je n'étais pas sûr d'y arriver et j'ai gagné mon pari. Ceci dit, nous avons réussi à situer où ce trouve l'incongruité, et il est peut-être utile de poursuivre :

"... violant la frontière entre diégèse et métadiégèse, dans le récit qui l'enchâsse."

Là encore je découvre les termes de diégèse et de métadiégèse.

"La diégèse (du grec ancien διήγησις / diếgêsis) a deux acceptions.

  • Premièrement, dans les mécanismes de narration, la diégèse est le fait de raconter les choses, et s'oppose au principe de mimesis qui consiste à montrer les choses.
  • Ensuite, c'est également l'univers d'une œuvre, le monde qu'elle évoque et dont elle représente une partie." Wikipédia

Dans notre jargon, j'associe la diégèse au discours de l'auteur : (...)𓂀,

- Voilà un mot savant qui pourra t'être utile dans les dîners.

- C'est sans doute plus intéressant que tu le crois. Continuons :

"Dans une œuvre, on peut souvent distinguer plusieurs niveaux diégétiques.

  1. Le niveau extradiégétique est le niveau du narrateur lorsque celui-ci ne fait pas partie de la fiction (par exemple narrateur omniscient), cela désigne tout ce qui est extérieur à la fiction.
  2. Le niveau diégétique proprement dit ou intradiégétique est le niveau des personnages, de leurs pensées, de leurs actions.
  3. Le niveau métadiégétique ou hypodiégétique est celui où la diégèse contient elle-même une diégèse, par exemple un personnage-narrateur ; le cas typique est Shéhérazade dans les Mille et une nuits, ou encore les nombreuses digressions de Jacques dans Jacques le fataliste et son maître de Denis Diderot. Également, au niveau métadiégétique,
    • lorsque le personnage-narrateur prend lui-même part aux éléments du récit qu'il raconte,il est dit « homodiégétique » ;
    • lorsqu'il raconte des histoires dont il est absent, il est dit « hétérodiégétique ». Les scènes de rêve ou d'hallucination, en tant qu'histoire dans l'histoire, sont aussi qualifiées de « métadiégèses »" Wikipédia

Essayons de rapprocher nos concepts de ce vocabulaire :

  1. Extradiégétique : c'est le monde de 𓂀, coincé entre son Réel et son Symbolique : 𓂀;
  2. Diégétique : c'est le discours de 𓂀, soit de façon générique (...)𓂀 , la narration proprement dite étant de niveau [⚤] en mode ♧, soit  (...)𓂀;
  3. Métadiégétique : le personnage-narrateur est notre Sujet 𓁝/𓁜.

Par principe, puisque nos glyphes sont destinés à préciser la place qu'un Sujet-auteur 𓂀 s'assigne à lui-même 𓁝/𓁜 dans son propre Imaginaire pour s'exprimer, cette représentation est toujours homodiégétique.

Jusque-là, tout va bien, par contre, nos réflexions sur le rêve ou l'hallucination me semblent beaucoup plus riches que cette simple étiquette de hétérodiégétique le laisse supposer : nous ne sommes pas dans une simple taxinomie, mais sur une surface topologique (selon deux axes : niveaux⊥modes) permettant une description plus fine (voir "Représentation de 4 modes Imaginaires").

- Bon, soit, mais es-tu rassuré ?

- Hé oui, car, comme toujours, en abordant une dimension inconnue de l'Imaginaire, j'ai peur que ma représentation soit insuffisante ou complètement erronée. Apparemment, ce n'est pas le cas ici.

- Tu auras au moins appris l'existence de la narratologie et de Gérard Genette qui s'y consacra.


Le 15/ 07/ 2023 :

- Ce matin, repensant à cet article dans les brumes de l'éveil, me sont venus les images d'Alice traversant le miroir et de Chouang Tzu ne sachant plus s'il était Chouang Tzu ou le papillon dont il rêvait.

- J'ai l'impression que tu es obnubilé par les papillons ces temps-ci. Tu te dépeignais dernièrement comme sortant d'une chrysalide dans ton article '"Le préquel"...

- Besoin de m'évader sans doute... Mais laissons là mon analyse pour celle de ce rêve si léger de Chuang Tzu. Je repensais à la vieille difficulté à laquelle s'était heurté Platon, à savoir, contre l'avis de Parménide, la possibilité de dire ce qui n'est pas.

- Mais tu sais très bien qu'il s'agit de la logique du 1er ordre : une chose est ou n'est pas, et cette logique est parfaitement explicite au niveau [⚤] du discours. En désignant un vase noir, je peux énoncer qu'il est blanc, et le spectateur dira que mon avis sur le vase est faux.

- Oui, oui, mais avec cette figure de métalepse, nous sommes dans autre chose. Il n'est plus question d'argumenter, comme un sophiste devant l'agora, mais d'être soi-même troublé par la situation que l'on cherche à décrire.

Et figure-toi qu'en relisant mon article sur l'éveil de Chuang Tzu écrit en 2018, donc bien avant d'avoir pensé à différencier niveaux et modes de penser, j'utilisais pour décrire ce texte les connecteurs ET et OU !

(a) Après ce que nous venons de voir dans "Réflexions #9" et repris dans "Statistiques et cannibalisme", il me semble opportun de revisiter ce que j'en disais alors, à partir de ce schéma de l'Imaginaire :

  𓁝[⚤]𓁜  ←  𓁝[#]𓁜 𓂀
  ↓      ↓  
[∃] [⚤]𓁜  ←  𓁝[#]𓁜 𓂀
  • En [#] : Le rêveur se situe dans un "espace" Chouang Tzu  Papillon;
  • En [⚤] : En termes de contraintes exprimées par l'appartenance : le rêve exprime Chouang Tzu ⋂ Papillon;

Ce "Chouang Tzu ⋂ Papillon" est possible parce que la logique en oeuvre à ce niveau est intuitionniste, non limitée par le tiers exclu.

Par ailleurs, les deux affirmations (Chouang Tzu  Papillon) et (Chouang Tzu ⋂ Papillon) sont contemporaines, ou plus exactement "hors temps".

- Autrement dit il n'y a pas dans le passage de l'une à l'autre de "décohérence", comme tu l'écrivais alors ?

- Non, elle est dans le passage ♢♧, dont je n'avais pas conscience à l'époque, et c'est de cela qu'il faut parler en détail.

In fine, la posture rationnelle du Sujet est clairement [∃][⚤]𓁜, face au Réel, ex post, armé de la logique du 1er ordre, avec la notion d'ordre et d'un temps séquentiel.

- J'ai compris : il y a deux façons d'y arriver soit

  • Une descente covariante :  𓁜↓ 𓁜♧ ;
  • Une descente contravariante :  𓁝↓𓁜.

Ce qui nous revoie aux 4 discours (voir ici).

- Exactement, mais restons-en à notre rêveur. Son hésitation n'est plus entre le vrai et le faux, mais dans sa posture de départ en mode ♢. Et elle est là la décohérence lors de l'éveil.

  • En mode  ♢ les deux états Chouang Tzu / Papillon sont intriqués;
  • En mode ♧, seul l'un des deux états est possible.

- C'est bien beau, mais tout le monde constatera que seul Chuang Tzu émerge de son rêve, non ?

- Oui, sans doute : mais le trouble, lors de l'éveil, témoigne d'un passage de mode ♢↓♧ indicible.

- Tu en reviens à la différence synchronie / diachronie que tu établissais à l'origine entre niveaux ?

- Il faut voir nos modes et niveaux comme des points de capiton d'un Imaginaire vu comme une surface topologique dont le groupe fondamental Ω (p, a, b) serait (Sujet; niveaux, modes). Le passage d'un point à l'autre est un "saut" qui ne peut être décrit qu'une fois effectué, comme passage entre deux états stables ou "synchroniques".

Tout ça pour dire que le rêve de Chouang Tzu pose un problème qui n'est pas abordé par la pensée occidentale que nous avons héritée de Platon.

- Cependant, tu n'as toujours pas répondu à ma remarque concernant le fait qu'au final, Chuang Tzu est physiquement celui qui a rêvé.

- Tu as raison. Revenons à nos "points de capiton", dans lesquels tu auras bien entendu reconnu une référence à Lacan, en tant qu'agrafe entre signifié et signifiant. Puisque j'ai la prétention d'avoir représenté l'Imaginaire du Sujet par un espace topologique, je te propose de poursuivre dans cette voie et de comprendre nos "points de capiton" au sens où Brouwer définit comme point singulier celui que le Sujet pointe sur la carte, correspondant à l'endroit précis où il se trouve, physiquement (voir "Lacan au risque de la topologie".)

- Comme la flèche sur la carte GPS représente la position de la voiture ?

- Exactement, et Chuang Tzu, lors de son éveil, fait un saut ♢↓♧ à ce point de correspondance [⚤] entre les deux modes ♢ et ♧;  ce qui pourrait s'exprimer de cette façon :

  • En [⚤]𓁜, Chuang Tzu, bien éveillé tient une carte en mains sur laquelle il pointe son rêve de papillon,
  • En  𓁝[⚤]𓁜, Chuang Tzu, peut papillonner d'une posture à l'autre.

En déplaçant ton doigt sur la carte, tu n'es limité par aucune contrainte physique ou logique, par contre, pour déplacer ta carte dans le monde physique, ce n'est pas la même affaire !

Le point de capiton, ou point de Brouwer, ou instant de décohérence, est celui de la prise de conscience, lorsqu'il devient évident pour Chuang Tzu qu'il n'est pas un papillon, puisqu'il en parle !

- Ça me fait penser au phénomène d'adhérence au théâtre, de l'ami Yannick Bressan.

- C'est vieux ! Il faudrait reprendre toute mon analyse, puisqu'à l'époque je n'avais pas distingué les niveaux des modes de penser....


Le 16/ 07/ 2023 :

- Mon explication d'hier, à partir de ma reprise du "point de capiton" de Lacan est bancale. En voulant me raccrocher à la figure d'un maître par facilité intellectuelle, je me suis planté.

- Explique ?

- Repartons de la représentation de l'Imaginaire par une surface topologique, avec pour groupe fondamental Ω : (Sujet; modes (a); niveaux (b)), voir "représentation des 4 modes de penser". 

Niveaux/modes Topologie 𓂀
[∃][⚤][#][♲][∅]
𓁜
𓁜
𓁜
𓁜

L'idée du "point de capiton" se rapporte à un repliage des deux modes ♧ & ♢ l'un sur l'autre, le niveau [⚤] s'appliquant sur le niveau [⚤] or, la bonne façon de procéder est de rabouter 𓁝[∅] à [∃]𓁜, ce qui nous donne un ruban de Moébius (la 2e figure du tableau), collant du même coup [⚤] au revers de [♲] et [#]au revers de [#]. Ce qui me fait dire que cette image d'un point de capiton est bancale au niveau [⚤] car limitée au seul niveau [#].

- Mais ça donne quoi ton histoire de point de Brouwer ? J'aimais bien le rapprochement de la carte et du territoire.

- Si je parcours le territoire à pied, j'en prends conscience en mode objectif, et j'en rapporte l'expérience en [⚤]𓁜, mais j'utilise la carte [#]𓁜 pour me faire une idée de ma situation 𓁝 sur le terrain, ce que l'on exprime par 𓁝[#]... De toute façon, sur deux modes, la question n'est pas réductible au niveau [⚤] et donc, la réponse n'étant pas observable, une représentation sur deux modes ♧ & ♢ n'est pas appropriée.

- Comment vas-tu t'en sortir ?

(c)- Par le haut, comme toujours. J'ai en tête les idées d'intrication en mode ♢ et de décohérence lors du passage en mode ♧, autrement dit, je fais implicitement un parallèle avec la méca Q, nécessitant 3 modes de penser ♧ ♢ ♡ (voir "Le discours du physicien").

 

(b)- En résumé, la syntaxe du passage ♢↓♧ ne pourrait se concevoir qu'en mode ♡ ?

- Exactement. La façon la plus élégance de représenter l'ensemble est sans doute de faire une coupe de notre tore au niveau [⚤] :

Moebius 3 bandes Coupe

Revenons donc à notre bon maître Chuang Tzu. La question pertinente est de se demander quelle est sa posture lorsqu'il se pose la question de savoir s'il est Chuang Tzu rêvant qu'il est un papillon ou un papillon rêvant qu'il est Chuang Tzu, et appelons ce Sujet en recherche d'identité 𓁝/𓁜.

  1. En mode ♡ : Que 𓁝/𓁜 se pose la question indique peu ou prou la prise de conscience d'un tel passage intrication / décohérence, et donc qu'il est en [⚤]𓁜;
  2. En mode ♢: Le rêve intrique 2 états :
    • Chuang Tzu (CT) rêve d'un papillon (P)  : 𓁝P[⚤]𓁜CT; avec P∈CT
    • Le papillon rêve de Chuang Tzu : 𓁝CT[⚤]𓁜P; avec CT∈P
  3. En mode ♧ : il n'existe qu'un Sujet à l'état de veille, objectif [⚤]𓁜CT.

Avec cette mise en perspective, le rêveur peut s'enfoncer dans son Imaginaire jusqu'à s'interroger en mode ♡ sur son identité : suis-je Chuang Tzu ou papillon ?

Mais il suffit d'une pichenette du Réel pour qu'il retrouve son identité en [∃][⚤]𓁜, par un passage immédiat 𓁝[⚤][⚤]𓁜.

- Ça me rappelle le rêve rapporté par Lacan "Père ne vois-tu pas que je brûle" : le père s'éveille lorsque la chandelle tombe et met le feu au rideau.

- L'article date de 2014 ! Il faudrait le reprendre complètement dans la perspective que j'indique ici...

Mais ce qui m'intéresse au premier chef, c'est de vérifier que ma représentation de l'Imaginaire résiste à toutes les situations, même les plus alambiquées, que nous puissions imaginer.


Le 19/ 07/ 2023 :

- Excuse-moi, mais en relisant ton article, je crois que tu as glissé un peu trop rapidement à mon goût sur un enchaînement en écrivant : "De toute façon, sur deux modes, la question n'est pas réductible au niveau [⚤] ". Ça mériterait un peu plus d'huile dans les nuages, non ?

- Oui, effectivement c'est un peu rapide pour un lecteur qui débarquerait à l'improviste. Je me réfère implicitement à ce que nous avons discuté de l'aventure Galoisienne (voir 7/ de l'article #8 au sujet de Form & Function). La démonstration de Galois, concernant la résolution des équations de degré 5 ou supérieur, est qu'il n'est pas possible de trouver une formule algébrique générale permettant de résoudre le problème.

Sur le schéma Imaginaire (a), cela signifie que le passage de mode ♢♧, avec un point de chute en [⚤]𓁜, n'est pas toujours possible.

Mais puisque tu me pousses dans mes retranchements, avançons d'un pas, en revenant à notre section (b): s'il est impossible de faire le chemin ♢♧, en prenant du recul en mode ♡, il peut s'avérer plus simple de passer directement de ♡♧, en shuntant l'étape ♢.

- Tu pourrais être un peu plus simple dans tes explications ?

- Prends le père qui s'éveille alors qu'il rêvait de son fils mort l'interpellant ("Père ne vois-tu pas que je brûle"). Le père, en plein rêve est en mode ♢, mais il y a un point de connexion entre :

  • Le lien père/ fils en mode ♢;
  • la situation réelle du père, face à un début d'incendie en mode ♧.

Le chemin le plus court, pour le cerveau du père, est alors de passer par le rêve pour s'éveiller, et dans ce cas, le point de contact entre les deux modes, c'est le "feu". D'une certaine manière, cela correspond au cas où, en maths, on peut résoudre une équation par une méthode algébrique : il y a une transformation naturelle assurant la commutation de modes.

Dans le rêve de Chouang Tzu, la question qu'il se pose sur son rêve (i.e.: je peux être soit Chouang ttzu soit papillon) est purement syntaxique et déconnectée de son éveil. Le passage ♢♧ qui aboutirait à ce que le Sujet se considère objectivement♧ comme un papillon en [⚤], "n'en pas observable", de même que je suis incapable de passer du concept de racines d'équation de degré 5 en [#] à leur calcul purement algébrique en [⚤]𓁜. Elle est là, la leçon de Galois, d'une portée bien plus vaste que les seules mathématiques.

- C'est ce que tu appelles s'échapper par le haut ?

- Oui, et il faudrait comprendre la bascule entre ♢♧ et ♡♧ en termes d'économie énergétique pour le cerveau. Le passage  est comme la foudre s'abattant sur un paratonnerre : tu as l'impression que l'éclair   trace sa route jusqu'au sol à partir du nuage, alors qu'en réalité c'est la surface au sol qui détermine le point d'impact — en l'occurrence l'éveil du Sujet en ♧. Le point de départ ♢ ou ♡ doit répondre à un principe de moindre action pour atteindre le but assigné. Si le passage ♢♧ s'avère difficile, voire impossible, la voie ♡♧ s'impose.


Le 20/ 07/ 2023

- Au moment de clore, j'entrevois un développement possible : les explications que je donne des mouvements Imaginaires de Chouang Tzu ou du père de ce rêve funèbre, ne sont que le produit de mon propre Imaginaire, et en aucun cas celui des Sujets concernés.

- Et alors, nous le savons tous : c'est bien pourquoi tu prends la précaution d'enchâsser tout discours entre parenthèses  (...)𓂀.

- Oui, bien entendu, cependant, j'utilise pour préciser les postures des Sujets des schémas qui ne sont pas forcément les leurs. En particulier, après être arrivé à la conclusion que depuis la Renaissance, jusqu'à Galois, notre Imaginaire moderne décante progressivement le niveau [#], et par contrecoup le mode ♢, j'utilise cette représentation moderne pour exprimer le questionnement de Chouang Tzu qui est d'un univers culturel bien différent. En ai-je le droit ?

- Il faudrait savoir ! Tu concluais l'article "Statistiques et cannibalisme" par :

"Notre cerveau n'a pratiquement pas changé, malgré notre évolution culturelle. Nous continuons de sentir, voir, entendre, comme nous le faisions alors et nos différences culturelles sont infimes comparées au socle commun de notre humanité."

Et donc, si Chouang Tzu, par exemple, n'était pas à même, à son époque et dans sa culture, de fournir une explication que nous appellerions "rationnelle", c'est-à-dire un discours de type [⚤]𓁜 de son expérience, cela n'empêche en aucune façon son cerveau de fonctionner selon les mécanismes que tu décris. Les gens n'ont pas attendu de comprendre la circulation sanguine pour que leur coeur se mette à battre, ou la chimie de l'oxygène pour respirer.

Non, ton interrogation ne peut porter que sur le discours philosophique lui-même.

(α) Lorsque tu réduis la pensée platonicienne à ce schéma :

[1] [⚤] [♲] [1] 𓂀
[1] [⚤] [♲] [1]  𓂀

Là, oui, il serait intéressant d'examiner plus en détail comment ce schéma va se glisser dans une structure plus large.

- Ou, plus exactement, de quelle façon notre façon plus développée de schématiser l'Imaginaire a pu naître  de ce schéma millénaire. De même que nos mécanismes de lecture se sont développés à partir d'une zone du cortex dédié à la vision.

- Es-tu sûr de pouvoir y arriver ?

- Nous avons déjà un lien direct entre la pensée mythique et une pensée moderne capable d'exprimer relativité et méca Q. La voie platonicienne, qui caractérise la culture occidentale avec le 𓁝[1], étant entre les deux, doit nécessairement se trouver sur le chemin.

- C'est un peu comme les racines d'un polynôme : on sait qu'elles existent, mais leur calcul n'est pas forcément explicite.

- Il est là le développement à faire.

- Mais pourquoi y penser maintenant ?

- À cause de cette réflexion incidente concernant le passage du Ruban de Moebius au tore, cf. (c) :

"... La surface en question est alors la 3e de mon tableau, celle du tore (avec passage d'un mode à l'autre sans intervertir les niveaux [⚤] et [♲])."

Qui m'amène à revoir le schéma précédent : la pensée platonicienne, sur deux modes doit se boucler comme un ruban de Moebius, et une meilleure représentation "à plat" de ce ruban, respectant les sauts d'un mode à l'autre ♡♧ devrait plutôt s'écrire ainsi :

[1] [♲] [⚤] [1] 𓂀
[1] [⚤] [♲] [1]  𓂀

- Je te connais, tu as quelque chose en tête.

- Je repense à ce que Foucault disais des signatures à l'Âge Classique. Souviens-toi (cf (a) de "Retour à Michel Foucault"):

- Et comment lire ces signatures ?

- Elles sont liées entre elles par les mêmes similitudes que les choses elles-mêmes, c'est dire que les signatures et les objets sont de même nature,  de même qu'en maths modernes un "objet" comme "l'indice" qui le désigne dans une série forment tous deux des "Catégories". La disposition d'esprit est la même, au point que les implications sont identiques: il n'y a pas plus de distinction de "nature" entre un indice et la catégorie qu'il désigne, qu'au XVIè siècle entre un "objet référé" et son référent, le "signe" qui le marque. Là comme ici, les mots comme les choses participent d'un même langage.

(a)À une torsion près : la similitude entre deux objets est d'un type autre que la similitude qui se lit entre les signes que nous en distinguons. Foucault en dresse le tableau suivant :

similitude entre objets   similitude entre signatures
convenientia => sympathie
aemulatio => analogie/ convenientia
analogie => sympathie/ aemulatio
sympathie/ antipathie => analogie

À l'époque où j'écrivais ce texte, je voyais le passage de l'objet à son indice comme un saut d'un niveau à l'autre (de [♲] à [⚤]). Si tu y reviens maintenant, avec ce concept de "mode de penser", qui m'échappait à l'époque, tu dois voir immédiatement que :

  • La similitude entre objets renvoie au mode ♧ ;
  • La similitude entre signatures —comprises comme liens à l'objet cette fois-ci— renvoie au mode ♡ (en l'absence de mode ♢)

Et donc, la torsion entre similitudes que Foucault pointe dans "Les mots et les choses" se retrouve dans notre ruban de Moebius. J'y vois comme un caillou blanc semé sur son chemin par le Petit Poucet... Cela valait la peine d'être relevé, non ?

- OK, mais si tu es suffisamment rassuré quant à la résilience de ta représentation de l'Imaginaire, je pense qu'il est temps de revenir à tes amours, Jacques !

- Amen

Hari

(α)

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