5 Novembre 2025
Le 05/ 11/ 2025 :
- Mon article précédent (#18) commençait à s'étirer, et le point d'Alain de Libera sur les structures platoniciennes risquait de s'y perdre. C'eût été dommage car c'est un point essentiel à notre entendement.
- Si important ?
- Alain de Libera résume en deux points ce qui fut transmis en Occident de la philosophie de Platon. Et c'est exactement ce qui nous importe, comme "préquel" à la saga des Mots et des Choses.
Pour mémoire : nous abordons ici le troisième point du programme suivant :
Référence :
La querelle des Universaux - Notes de lecture # 7 du 15/ 11/ 2021
Liste de mes commentaires en note 1)
Alain de Libera :
"Avant d’entamer la longue geste de l’universel, qui correspond à la longue marche de la philosophie d’Orient en Occident, il nous faut préciser davantage les trois phénomènes fondamentaux qui déterminent tout le processus :
- À ma très grande honte, j'avoue avoir complètement zappé de ma mémoire ce passage qui me semble essentiel.
1/ La structure argumentation de Socrate dans le Menon :
"De la non-différence à la participation ou la violence faite à Menon"
"Notre propos est de montrer ici que «le» problème des universaux est la trace et l’effet restant d’une violence, d’une violence faite à Ménon."
- Nous voici prévenus !
- Oui, et donc, soyons attentifs à la démonstration. De Libera part du dialogue entre Socrate et Ménon :
"Dans le Ménon, 72b, Socrate suppose qu’ayant demandé à Ménon
"Q1 : «ce qu’est essentiellement une abeille» (Canto : «dans sa réalité»),
"R1 : qu’«il en est de toutes sortes».
"Q2 : «Quand tu déclares qu’il y a des quantités d’abeilles de toutes sortes et différentes les unes des autres, veux-tu dire qu’elles sont différentes en tant qu’abeilles, ou bien, ce qui les distingue, n’est-ce pas autre chose que cela, par exemple la beauté, la taille et certains caractères du même genre ?»
"R2 : «en tant qu’abeilles, elles ne diffèrent pas les unes des autres» ou, dans la version Canto, qu’«en tant qu’elles sont des abeilles, il n’y a aucune différence entre deux d’entre elles».
La thèse selon laquelle il n’y a pas de différence entre les abeilles en tant qu’elles sont des abeilles en appelle immédiatement une autre, que Socrate formule de manière hypothétique
"Q3 : «Si je te disais ensuite : Voyons, Ménon, cette chose par laquelle elles se ressemblent et qui est identique chez toutes, quelle est-elle ? Tu aurais sans doute une réponse toute prête ?» (trad. Croiset). «Or, si je te demandais ensuite : “Eh bien, Ménon, dis-moi quelle est cette propriété qui, sans créer la moindre différence entre ces abeilles, fait qu’elles sont toutes la même chose. D’après toi, qu’est-ce que c’est ?” À coup sûr, tu saurais me le dire ! » (trad. Canto).
"R3 qu’il saurait répondre à la question de Socrate s’il la lui posait, Socrate formule pour lui la réponse qu’il n’aurait pas manqué de donner et l’applique au problème de la vertu R3’ .
Eh bien, la question est la même à propos des vertus : quelque nombreuses et diverses qu’elles soient, elles ont en commun un certain caractère général qui fait qu’elles sont des vertus. C’est ce caractère général qu’il faut avoir en vue pour que la réponse à la question soit correcte et laisse saisir en quoi consiste la vertu (trad. Croiset, p. 237).
Eh bien, c’est pareil aussi pour les vertus ! Même s’il y en a beaucoup et de toutes sortes, elles possèdent du moins une seule forme caractéristique identique chez toutes sans exception, qui fait d’elles des vertus. Une telle forme caractéristique est ce qu’il faut bien avoir en vue pour répondre à qui demande de montrer en quoi consiste la vertu (trad. Canto, p. 129).
Le «caractère général», que les vertus ont en commun, la «forme caractéristique unique et identique», que toutes «possèdent sans exception», c’est l’εἶδος." p.63
A: identité-idempotence :
En relisant mon commentaire de l'époque (#7), mon argument tient à la posture des Sujets.
- Effectivement, Socrate, en posture 𓁝Socrate[α] peut "connoter" le concept en [α] sans avoir à l'identifier en [α]𓁜Socrate. C'est à rapprocher de la pensée mythique, ou encore de la différence en mathématiques entre "identité et idempotence". Mais le reste de tes commentaires tombe à l'eau faute d'avoir identifié les 2 voies des mots et des choses.
- Gardons malgré tout cette approche liée aux postures :
B: ambivalence de la maïeutique :
- OK, je vois le mécanisme, mais que pourrais-tu ajouter aujourd'hui, après avoir identifié le parcours de Platon sur R←?
- Que Socrate est dans un processus transcendent R←(il a la réponse), mais qu'il tente d'induire un processus immanent chez Ménon, dans le passage 𓁝Ménon[εἶδος]→[εἶδος]𓁜Ménon.
- D'où la violence faite à Ménon ?
- N'est-ce pas le propre de la maïeutique, ou de manière générale celui de tout enseignement ?
- Tout dépend de l'intention du Maître conduisant l'élève ! Ce qui justifie la manoeuvre de Socrate, à ses yeux comme à ceux de Platon, c'est la réminiscence. (Note 3)
Mais, avant de relire mes commentaires, j'étais parti ce matin dans une autre direction: la logique à l'oeuvre dans ce processus n'est pas limité au 1er ordre (non-contradiction et tiers exclu), et me revoyait à ce que nous avons vu du carré sémiotique...
- Encore un chantier laissé en plan !
- Oui, décidément, ce projet est sans fin. Mais pour resserrer le propos et revenir à notre distinction entre les deux positions potentielles des catégories (i.e.: [#] contravariant / ♢ covariant), je dirais que:
C: Place du tiers exclu en logique :
Et l'on peut avancer encore d'un pas, en considérant la logique à l'oeuvre dans la maïeutique socratique. Nous faisons l'hypothèse (bien étayée jusqu'à présent) que la logique du premier ordre est de niveau [⚤]♧, et se retrouve également en [⚤]♡ (un choix a toujours quelque chose de binaire : il y a ce que l'on actualise, et le reste). Mais, en [⚤]♢, nous avons vu que la logique à l'oeuvre ne respecte plus le tiers exclu (i.e.: dans un groupe, l'élément neutre est ce tiers non exclu). Ici, on peut dire que la logique à l'oeuvre est du même ordre : le "concept" peut être commun à plusieurs choses d'ordre différents comme dans cet exemple plus loin dans le texte :
"Si chaque réalité avait un nom unique qui lui fût propre, chacune se rangerait sous une seule et unique catégorie. Mais, puisqu’un même nom peut s’appliquer à plusieurs réalités qui, de plus, diffèrent par l’essence, une distinction s’imposait : tantôt il est clair que les réalités se rangent sous la même catégorie, tantôt ce n’est pas le cas. Ainsi on appelle «animal» l’homme et le cheval, et par ailleurs on appelle aussi «animal» Socrate et le portrait de Socrate, qui n’est qu’un ensemble de couleurs auxquelles on a donné une forme." p. 74 (Catégories, 1, 1a1, Simplicius)
Bien avant les notions de "groupe" et "sous-groupes normaux" nous pourrions dire que "animal" est le tiers non exclu d'une disjonction entre de qui est substantiel (Socrate), et sa représentation (la peinture).
- Et tu en tires quoi ?
- Que pour articuler le concept ♡⚤ aux mots ♧⚤, il faut bien une "grammaire" en ♢⚤, caractérisée par une logique plus souple que celle des mots : l'émergence d'un "concept" nécessite de mettre de côté le tiers exclu.
- Mais dans la voie des choses, quid du niveau [#] ?
- Par symétrie, je suis tenté de voir la même logique à l'oeuvre. Lorsque par exemple, tu dis que "deux droites non parallèles se coupent en un point", il faut bien envisager "en même temps" le point et les droites, bien que le "point" ne soit ni l'une ni l'autre droite...
- OK, nous aurions donc deux critères à notre disposition :
- Gardons-le comme hypothèse à tester, et retournons au texte de Libera.
D: retour au texte :
"Ces quelques lignes fournissent la trame platonicienne de la problématique des universaux. La question Q1 introduit la notion d’ ούσία. Socrate demande ce qu’est l’abeille . Selon Monique Canto1, le terme a plusieurs significations chez Platon, puisqu’il désigne
En traduisant περὶ ούσίας par «dans sa réalité», Monique Canto considère que Socrate se réfère au sens a et b1 du terme. Car, comme le montre R3’ , ce qu’une abeille est dans sa réalité, c’est «l’élément réel en fonction duquel toutes les abeilles sont des abeilles et se trouvent être, en tant que telles, identiques». Ainsi, définir ce qu’une abeille est dans sa réalité, c’est aussi définir une espèce animale, l’«élément de référence que doit considérer toute tentative de définition» en ce domaine étant l’εἶδος, «cette forme dont Socrate affirme qu’elle est unique et identique chez toutes les abeilles, une fois reconnue leur identité spécifique»."
Il y a pour nous, une différence très marquée entre :
| concepts | ♡⚤ | ♡♻ | ||
| [⚤]♡ | νοήματα | B | [♻]♡ | |
| ↑♢⚤ | ||||
| [⚤]♧ | φωναί | → [#]⚤ |
ὂντα | [♻]♧ |
| mots | ♧⚤ | ♧♻ | choses |
- La question la plus immédiate est de savoir si l'on peut voir une filiation entre cette représentation moderne et ce qu'il en était pour les anciens ?
- Notre thèse est que nous ne faisons que réinterpréter, bricoler, des concepts anciens, je m'attends donc à les trouver au moins en amorce dans cette présentation. Revenons à notre hypothèse de lecture, i.e. : Platon évolue dans la voie des choses, à partir d'un principe unitaire en [♻]♡ (nota: la "causalité éponymique" qui suit nous confortera dans cette hypothèse.) :
| concepts | ||||
| b2 | [⚤]♡ | ← | [♻]♡ | |
| a | [⚤]♧ | ← | [♻]♧ | b1 |
| mots | choses |
- L'auteur parle de la chose en a et non des mots ?
- Certes, mais n'est-ce pas en l'identifiant par son nom que l'on prend conscience de la chose? (cf. la prise de conscience, selon J-P Changeux etc.) Il n'y a donc trop à s'étonner d'une telle proximité. Nous retrouvons ta remarque (2).
- Soit, et qu'en est-il de la forme, l’εἶδος ?
- Ah ! C'est l'important : tout ce que nous avons vu jusqu'à présent nous prépare à situer les formes au niveau [#], que j'avais forclos sans doute un peu vite de ma représentation de l'Imaginaire platonicien. C'est le moment de vérifier si j'ai eu raison ou non :
"Le terme εἶδος a plusieurs significations, puisqu’il désigne soit
Dans le texte du Ménon, c’est le sens 1b qui est allégué par Platon : «En effet, ni la conception selon laquelle l’εἶδος serait doté d’une forme de réalité supérieure à celle de l’être sensible, ni celle qui donnerait à l'εἶδος une forme d’existence séparée ne sont envisagées».
Autrement dit, R3’ est une réponse adéquate à la problématique ouverte en Q1 : le sens 1b d’εἶδος correspondant parfaitement au sens b1 d’ούσία.
Tu remarqueras que positionner en [♻] les étants ὂντα (les choses) et la substance ούσία fait encore sens aujourd'hui à nos yeux, en comprenant le terme "substance" au sens de "mesurable" ou mieux "d'observable" : l'étant est l'objet pour l'observateur.
- Platon est tout sauf relativiste !
- Je disais juste que ce schéma platonicien pouvait encore se distinguer en arrière-plan de nos représentations modernes, et c'est bien le sens de notre démarche archéologique.
Maintenant la question porte sur la "forme" εἶδος.
Pour être sûr de bien situer ce qu'Alain de Libera entend par "être sensible", j'ai scanné son texte à l'aide de perplexiy : (suivre lien)
— 🤖 : "En résumé, dans le cadre de ce livre, «être sensible» désigne les choses matérielles et particulières, objets de perception sensorielle, par opposition aux essences, universaux ou formes qui appartiennent à l’ordre intellectuel et abstrait."
- Autrement dit, ces expériences que le Sujet peut avoir de ces "êtres sensibles" seraient plutôt à rechercher en [⚤]♧ ? Mais qu'en est-il de son dual, l'"être intelligible" ?
- C'est tout l'ambiguïté du raboutage [⚤]♡/[♻]♧ , qui se retrouve dans la classification de l'auteur.
Comme tu le vois, je reste extrêmement prudent dans mon positionnement.
- Ça donne malgré tout quelque chose de représentable sur notre topologie de l'Imaginaire :
| 1a | [⚤]♡ | ← | [♻]♡ | |
| 2⇗ | ||||
| être sensible | [⚤]♧ | ← | [♻]♧ | 1b |
- Tu ne retrouves ni mode ♢ ni niveau [#] ?
- Effectivement, mais Il y a malgré tout cette série d'espèces qui pourrait annoncer un lien "grammatical" en [#]♧ entre le genre en [♻]♧ et les éléments en [⚤]♧ ? La suite nous guidera.
"C’est la même «forme caractéristique», le même περὶ ούσίας, qui sert à définir ce qu’est un individu et l’espèce à laquelle il appartient; cette forme est présentée :
Il y a donc chez Platon lui-même de quoi distinguer entre trois types d’ εἶδος:
- Avoue qu'il y a de quoi s'y perdre, non ?
- Il faut y aller à pas comptés.
| Forme séparée περὶ ούσίας |
[⚤]♡ | ← | [♻]♡ | |
| ⇘ | ||||
| être sensible | [⚤]♧ | ← | [♻]♧ | essence forme immanente |
- Mais toujours pas de "forme" au sens moderne en [#]?
- Rien qui rappelle l'idée d'un rapport de contenant/ contenu ou de surface/ volume, voire d'orthogonalité, sans parler de "bord", bien entendu ! Continuons notre lecture.
"À l’ambiguïté des termes ούσία et εἶδος s’ajoute une difficulté liée à celle de la fonction discursive de l’εἶδος, qui sert à la fois :
Tu retrouves ici (heureusement !)
Ensuite, de Libera développe un point que j'avais sans doute mal cerné, dans mes commentaires A/ B/ et C/ précédents : le passage de la non-différence à la ressemblance.
- N'est-ce pas lié à la différence identité/ idempotence ?
- Sans doute, mais le point de vue me semble différent. Suivons l'auteur.
"Comment Socrate s’y prend- il ? En faisant dire à Ménon que les «abeilles ne diffèrent pas les unes des autres en tant qu’abeilles»,
[...]
Si l’on s’attache plus spécialement à la formulation de Q2 - R2 , on voit alors que Ménon reconnaît moins l’identité spécifique des abeilles que le simple fait que rien ne distingue une abeille en tant qu’abeille d’une autre abeille en tant qu’abeille." p. 65
On peut revenir à ce que nous avons dit de la "prise de conscience" qui nécessite de se raccrocher à une identification pour "voir" ce qui est devant nos yeux...
- Oui, et tu retrouves :
- Tout ceci est déjà dans le passage de l'idempotence à l'indemnité...
- Oui, mais c'est l'approche de Platon qui est ici intéressante :
"Ménon reconnaît moins l’identité spécifique des abeilles que le simple fait que rien ne distingue une abeille en tant qu’abeille d’une autre abeille en tant qu’abeille."
[...]
C’est sur la saisie d’une non-différence entre individus que l’on dira, précisément pour cette raison, appartenir à une même espèce, non sur la reconnaissance d’une identité spécifique, que Socrate fonde le mouvement d’argumentation qui lui permet de conduire explicitement Ménon à la reconnaissance du « caractère général » possédé en commun par tous les individus dits spécifiquement identiques."
En ce sens, on peut dire que Ménon reste coincé entre ♧⚤𓁜↑𓁝Ménon♡⚤ et qu'il n'y a pas identification de la base où il projette toutes ses observations d'abeilles.
Là où il y a "forçage" de la part de Socrate, c'est lorsque des abeilles, il passe à la vertu qui —elle— est formellement définie en ♡⚤𓁜Socrate.
D'où cette conclusion d'Alain de Libera, qui doit nous servir de guide par la suite :
"Le passage de la non-différence à la ressemblance est la matrice de la problématique des universaux et le ressort du réalisme.
[...]
D’une formule : l’εἶδος est ce par quoi, du point de vue de l’ούσία , des choses sont non différentes les unes des autres. C’est cette doctrine que l’on retrouve au Moyen Âge dans la théorie de l’«indifferentia»." p. 66 - 67
Où tu retrouves le raboutage εἶδος—[⚤]♡/[♻]♧—ούσία.
2/ la théorie platonicienne des idées et causalité éponymique des Formes :
"Le réalisme platonicien des Formes séparées est présenté dans le Phédon. La thèse centrale est exposée en 102b : «Les Formes existent et sont des choses déterminées. Les autres choses reçoivent leur dénomination de leur participation à ces Formes.» Outre la séparation des Formes considérées comme des choses déterminées et la participation, il faut noter le thème de la causalité éponymique qui déploie ontologiquement la participation. Les Formes sont non seulement causes des choses, mais causes éponymes." p. 67
C'est sans doute le plus exotique à mes yeux : l'abstraction totale de toute référence topologique en [#] comme de toute articulation syntaxique en ♢ pour "coller" véritablement les mots aux choses.
- Sois content: tu as le moment philosophique, le point de départ de notre saga des mots et des choses !
- En ce sens, oui, nous pouvons planter là un jalon important dans notre démarche. Maintenant, le plus difficile est de ce tenir à cette "forclusion", et faire "comme si"...
- Il suffit de t'en tenir au texte, rien qu'au texte., et à superposer les transparents de ton synopsis.
| Forme séparée | [⚤]♡ | ← | [♻]♡ | UN |
| ⇘ | ||||
| φωναί | [⚤]♧ | ← | [♻]♧ | ούσία |
- Tu es sûr du sens de parcours R← ?
- C'est précisément cette causalité éponymique qui nous l'assure : le lien entre la chose et son nom est contravariante, indépendante des choix du Sujet ! Et c'est cohérent avec la démarche de Platon, qui veut absolument se démarquer des Sophistes, en partant d'un principe Unitaire, garant de la cohérence et de la résilience d'un circuit que tu peux parcourir indéfiniment.
La causalité éponymique et le problème des «causes d’imposition»
L'auteur met l'accent sur le rôle d'Abélard (1079—1142) vu comme révolutionnaire :
"Dans sa Logica Nostrorum petitioni (ou Gloses de Lunel), Abélard a poussé à fond la réflexion sur les universaux à partir du geste inaugural de la datio nominis ou «institution des noms» (éd. B. Geyer, p. 522). C’est l’initiative onomastique du logothète, de l’homme entendu comme premier instituteur du langage, qui assume le rôle de centre problématisateur de la question de l’universel. Le point d’application de la problématique des universaux n’est fourni ni par les choses en soi ni par les mots considérés dans leur simple réalité matérielle, mais par les sermones, les mots pris dans la dimension sémantique de l’intention de signifier, du « vouloir dire » originel qui préside à leur emploi effectif dans un discours." p. 69
- Vois-tu l'aspect révolutionnaire du projet?
- Oui, en remettant le choix du Sujet, son intention, au coeur du système, il passe immédiatement de R← à R↓. La cohérence du circuit étant toujours assurée par le raboutage ♧⚤/♡♻ .
| Sermones | UN | |||
| ♡⚤ | ♡♻ | |||
| ↓ | ⇗ | ↓ | ||
| ♧⚤ | ♧♻ | |||
| Voces | res | |||
Un platonisme de contrebande :
paronymie et éponymie
- Le texte de Libera est extrêmement dense, et pour me l'approprier commodément, je dois avancer une thèse à vérifier sur pièce. Je propose de partir de ceci :
| Aristote | Platon | |||||
| ♡⚤ | ♡♻ | [⚤]♡ | ← | [♻]♡ | ||
| ↑♢⚤ | ↑ | => | ||||
| ♧⚤ | ♧♻ | [⚤]♧ | [#]♧← | [♻]♧ | ||
A/ Retour sur les catégories d'Aristote :
"Les Catégories d’Aristote contiennent un système ontologique exposé par bribes, dont la cohérence n’apparaît qu’à relier entre elles quatre séquences textuelles :
i.e. :
grâce à une notion nouvelle: l’attribution essentielle ou «synonymique» (συνωνύμως, univoce), issue du développement des éléments mis en place au chapitre 1 ;
Le chapitre 1 des Catégories contient la seule introduction qu’Aristote lui-même ait jugé bon de donner à son texte. Quelques lignes, où les homonymes sont présentés comme des choses qui ont communauté de nom, mais pas communauté de λόγος (c’est-à-dire : qui n’ont pas même «énoncé de l’essence», λόγος τῆς οὺσιας), et les synonymes comme des choses qui ont à la fois communauté de nom et de λόγος. C’est ce balancement harmonieux que vient brutalement interrompre la définition des paronymes." p. 72
- Un petit schéma aiderait à comprendre cette avalanche...
- Pas facile. (Note 4)
- Tu avais déjà tenté d'identifier les positions relatives des substances première et seconde (voir (a) dans l'article #17) : première—♧♻/ ♡⚤—seconde. Vérifie cette hypothèse.
- Tu as raison : la substance seconde n'est pas dans le sujet (donc mode sémantique ♡) mais se réfère au sujet (donc niveau discret de la parole [⚤]), ça semble se tenir.
- Et que faut-il entendre par "être dans un sujet" et "être dit d'un sujet" ?
- Nous avions déjà brièvement abordé le sujet (voir ici dans l'article #17) :
Avec la montée finale des choses vers le principe Unitaire en [♻]♡, qui permet de boucler la boucle. Ce que nous pouvons tenter de schématiser de la sorte :
| de subiecto | in subiecto | ||
| catégories | UN | ||
| ♡⚤ | ♡♻ | ||
| prédicables | ♢⚤ | ||
| ♧⚤ | ♧♻ | ||
| sujet sensible | substance première | ||
| multiple |
En revenant à l'intention initiale de Porphyre (Note 2), je propose de voir le 5 catégories "prédicables" comme des outils en ♢⚤ permettant l'articulation entre les catégories (comme universaux), attribuées à une multitude de sujets sensibles.
- Si tu les places en ♢⚤ ça devrait e présenter un peu comme un "objet discriminant", ou un "graphe", non ?
- Tentons ceci :
- Tu en as déjà 4/ 5 à placer.
| espèce genre propre différence |
♡⚤ | ♡♻ | |
| ♢⚤ | |||
| ♧⚤ | ♧♻ |
Et la 5è ?
- Ces "accidents" font toujours partie des catégories, au même rang que les substances de seconde espèce, permettant deux types de prédicats portant soit :
| accident ♡⚤ |
♡♻ | |
| ↓ particulier |
⇘ universel |
|
| ♧⚤ | ♧♻ |
- OK, mais reviens au texte. Quid du trio homonyme/ synonyme/ paronyme ? (Note 2)
- J'ai eu besoin d'aide ! :
— 🤖 : En résumé : homonymes, synonymes et paronymes chez Aristote et Porphyre servent de présupposés linguistiques pour comprendre comment les cinq prédicables s’appliquent aux sujets ; ils permettent d’analyser la nature des universaux et la structure logique du discours" (voir lien)
Mais j'avoue que c'est insuffisant, et j'ai l'impression que de Libéra accélère sur la fin de ce chapitre...
- J'ai compris : tu fatigues et nous comprendrons sans doute mieux au fil des chapitres suivants.
- Exactement.
- Amen
Hari
Note 1 :
Repris dans notes de lecture #17 du 31/ 10/ 2025 :
Repris dans notes de lecture # 18 du 03/ 11/ 2025 :
Repris dans le présent article # 19 :
À suivre
Note 2 :
- J'ai un mal de chien à concevoir l'univers mental d'Aristote ou Porphyre, et je suis obligé de revenir sans cesse à l'article #17, pour m'assurer de ne pas avoir dit de bêtises.
J'en reste pour l'instant à ces définitions :
En lisant Perplexity, je m'aperçois qu'ici (εἶδος) est traduit par espèce, quand de Libera nous parle plus volontiers de "forme"
- Plus précisément :
Il y a donc chez Platon lui-même de quoi distinguer entre trois types d’ εἶδος:
- Il y aurait donc un glissement de sens de Platon à Aristote ?
- À vérifier, mais continue avec Perplexity.
Mon trouble vient peut-être du fait qu'il n'y a pas de distance entre langage et méta-langage : les catégories servent à structurer les catégories.
🤖 : Porphyre définit comme «prédicables» (quintuple voix, quinque voces) les cinq notions qui expriment les différentes manières dont un prédicat peut se rapporter à un sujet dans une proposition : genre, espèce, différence, propre et accident.
Ce qui permet à Porphyre d’ériger ces cinq notions en «prédicables», c’est leur capacité à rendre compte de toutes les modalités par lesquelles on peut signifier quelque chose d’un sujet :
Chez Porphyre, ce choix se justifie par un souci de clarification logique préalable : il sélectionne ces cinq prédicables comme les seules manières fondamentales de prédication — c’est-à-dire, les types possibles de rapport entre le prédicat et le sujet d’un énoncé, tels qu’ils sont rencontrés dans la logique et la classification aristotélicienne, en particulier pour la substance. Les prédicables sont donc définis par leur rôle structurel dans l’architecture du discours : ils organisent ce que l’on peut «dire de» ou «prédiquer» à un sujet. (voir lien)
Reste à faire le joint avec les homonymes, synonymes et paronymes : (voir lien)
🤖 : Chez Aristote et dans l’Isagoge de Porphyre, les notions d’homonymie, de synonymie et de paronymie jouent un rôle conceptuel dans la façon de comprendre les rapports de prédication : elles précisent comment un mot (ou un prédicat) peut s’appliquer à différents sujets, ce qui prépare à la distinction des cinq prédicables.
La distinction entre ces trois types de rapports linguistiques est fondamentale, car elle éclaire la manière dont les cinq prédicables peuvent être appliqués :
En résumé : homonymes, synonymes et paronymes chez Aristote et Porphyre servent de présupposés linguistiques pour comprendre comment les cinq prédicables s’appliquent aux sujets ; ils permettent d’analyser la nature des universaux et la structure logique du discours
Note 3 :
Il y a contradiction entre :
Pour lever cette distorsion, Platon a besoin de 2 axiomes :
Ainsi Socrate ne fait que dévoiler à Ménon un concept qui est nécessairement en lui, et partagé par Socrate. Il n'y a donc pas, pour Platon, manipulation mais guidage. Lorsque Socrate fait remarquer à Ménon, qu'il sont dans la même posture 𓁝[εἶδος], ils ont tous deux le regard dirigé vers une vérité [1] commune, et donc, Socrate, en se retournant 𓁝Ménon[εἶδος]𓁜Socrate[1] n'occulte pas le principe [1] mais ouvre la voie à Ménon, vers ce [1] commun.
J'ai en tête l'idée d'une cochaine en cohomologie. Le raisonnement est du style : ils y a de multiples pistes de ski au départ sur le domaine skiable, mais leur enchaînement est limité par la dénivelée entre les stations de départ et d'arrivée.
Dans cette métaphore :
Note 4 :
J'étais parti dans une autre direction, mais qui me semble pour l'heure un cul de sac... à reprendre peut-être ultérieurement.
- Tu avais déjà tenté d'identifier les positions relatives des substances première et seconde (voir (a) dans l'article #17) : première—♧♻/ ♡⚤—seconde. Vérifie cette hypothèse.
- Tu as raison : la substance seconde n'est pas dans le sujet (mode sémantique) mais dit du sujet (niveau discret de la parole), ça semble se tenir. Maintenant où introduire cette notion de synonymie?
- Avec ses deux compères homonyme et paronyme, comme désignant un rapport entre ♧ et ♡, c.-à-d. les éléments d'une syntaxe en ♢, et au niveau [⚤] puisque l'on s'intéresse à la parole.
- Il y a un déplacement de la paronymie platonicienne...
- Sans doute, puisqu'il s'agit ici d'articuler ce qui n'avait pas à l'être quand les mots collaient aux choses chez Platon.
- Autrement dit il faut déconstruire la paronymie ?
- Tentons ceci, à partir de la dichotomie élémentaire Un / multiple très platonicienne :
| signifiant | |||
| un | multiple | ||
| signifié | un | paronymie | synonymie |
| multiple | homonymie | ||
- Reste à rapprocher le couple signifiant/ signifié des concepts d'époque...
- Le rapport Un/ multiple me semble un bon guide.