Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
29 Avril 2019
J'ai ruminé mon dernier article (voir "l'insoutenable légèreté de l'être") tout au long du trajet de retour vers Saintes, et dans mon semi-sommeil ce matin, je m'amusais encore à l'idée d'un Sujet représentable par un "topos vide", jusqu'à ce qu'un vendeur me sonne au téléphone.
- Tu ne vas pas remettre ça, occupe-toi déjà de comprendre de quoi tu parles.
- Oui, oui, mais j'aime bien bousculer un peu les idées neuves qui me trottent dans la tête, comme on roule un choupa chups sous la langue jusqu'à sucer le bâton.
Je n'ai trouvé aucune référence à un "topos vide", mais imaginons que la catégorie en soit l'objet vide, et la topologie associée n'importe laquelle; la seule condition étant que le Sujet puisse en imaginer une, et donc ait franchi le stade du miroir lui permettant de se "représenter", autrement dit adopter un point de vue local ou global sur lui-même; en bref apte à imaginer une "topologie".
Comment avons-nous démarré "L'Homme quantique" ? Par l'idée de dichotomie de Lévi-Strauss: tout concept se présente par paire d'opposés, ce qui implique le tiers exclu.
Avec ce que nous avons appris depuis, tu vois tout de suite qu'il s'agit là d'un Imaginaire très élémentaire, qui peut se développer entre I1 et I01. Et en ce sens très profond de notre entendement, la logique telle que nous la tenons des Grecs, et avant eux des peuplades dites "froides" au sens de Lévi-Strauss, d'avant même la période historique, peut être vue comme fondamentalement primitive.
Et donc, cette simple opposition élémentaire, nous apparaît maintenant comme un désir de symétrie. Or, si la dichotomie s'installe comme une opposition dialectique, c'est-à-dire un concept synchronique, la symétrie, qui appelle la dissymétrie, installe une dynamique par essence diachronique:
Tu peux comprendre :
Tu vois donc de quelle façon nous prolongeons l'approche de Lévi-Strauss en définissant un nouveau paradigme, en rupture avec une logique du premier ordre, vue comme une régression au stade de la pensée primitive.
- Pas sûr que toute notre élite dirigeante si férue de logique soit enthousiaste à l'idée d'être réduite à la pensée primitive....
- Peu importe, mais regarde au plus près du Symbolique.
Nous retrouvons évidemment tout ce que nous avons déjà présenté à partir de Lacan et du Sujet résultant de la décohérence d'un référé Symbolique qui serait Sujet ∪ Autre (voir le schéma en L); mais nous pouvons préciser le mouvement en parlant d'une rupture de symétrie entre Sujet/ Autre, qui s'initie précisément au stade du miroir...
Maintenant, avec cette idée d'un Sujet qui serait une simple projection, tu vois que nous avons tout loisir d'imaginer ce complément de symétrie au Sujet !
- Tu en reviens à Aristophane expliquant au cour du Banquet que l'homme originel a été coupé en deux.
- Oui, bien sûr, et la dynamique de cette recherche perpétuelle de l'Autre pour satisfaire son désir dépend bel et bien de l'acte initial des Dieux, qui est la rupture de symétrie en elle-même, et toute l'histoire gagne en clarté à être vue de ce point de vue quantique.
Si j'avais l'esprit religieux, je pourrais également enrichir toute théologie que tu me présenterais en adoptant ce point de vue.
Si j'étais idéologue, je pourrais construire le rapport "peuple" / "citoyen" selon le même schéma.
Si j'étais Jungien, je reconstruirais selon le même schéma le concept d'archétype;
- En bref, tu peux dire tout et n'importe quoi !
- Bien entendu, puisque étant ce topos vide, je peux définir ma propre topologie pour y inscrire un objet vide qui m'échappe.
- Ton topos nous ramène juste au stade du miroir, il n'y a là rien de neuf.
- Mais puisque je te dis que je m'amuse de cette idée, comme d'un bonbon dans la bouche !
Il n'empêche que tous mes délires gardent la même structure tripartie d'Emmy Noether: concept/ symétrie/ indétermination.
...
- Réflexion faite, l'intérêt de l'approche, c'est que toute théorie émise par le Sujet gardant la forme d'un topos, la seule question qui vaille, c'est de s'assurer de la cohérence entre la logique propre au discours et celle du Sujet.
- Je ne te suis pas.
- Souviens-toi de cette scène du film "Ridicule", au cours de laquelle un petit prêtre (joué par Bernard Girardeau) fait le beau devant le roi, en développant une thèse prouvant l'existence de Dieu, au grand plaisir du monarque. Puis, voulant faire le bel esprit, il déclare qu'il pourrait tout autant démontrer l'inverse, à la fureur du roi, ce qui lui vaut immédiatement sa déchéance.
- Oui, une très belle scène d'anthologie, et ?
- Eh bien ce prêtre est faux.
- Mais c'est évident !
- Certes, mais nous avons d'autres mots, plus profonds, pour le dire: la logique qu'il utilise dans son argumentaire ne colle pas à la logique qu'il est sensé incarner dans son rapport à Dieu. Fausseté qui n'échappe pas au roi.
L'élégance de la pensée tient à sa simplicité et sa congruence, quelque soit l'échelle de l'observation, que l'objet du discours soit petit ou élevé.
- En bref la beauté d'un homme serait analogue à celle d'un chou de Mandelbrot ?
- En quelque sorte, ce qui donne une autre image que Gainsbourg, de l'homme à tête de chou !
Sur ce, bonne rumination !
Hari