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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

L'art de la guerre

- Et si, après le goupillon, nous passions au sabre ?

- Tu nous amuses là!

- Écoute, je ne peux pas prétendre développer des outils nouveaux s'ils n'ont aucune application; et puis, j'ai commencé ce blog en 2006 par un premier billet sur Sun Tzu, il serait peut-être temps d'y revenir, non ?

- Avoue qu'en fait, ton dernier billet (voir "pourquoi les religions du livre n'aiment pas le sexe") a eu plus de succès que d'ordinaire, et que tu tentes de renouveler le coup auprès d'un autre public. Tu fais du racolage!

- J'avoue, mais laisse-moi au moins tenter l'exercice !

- Soit, mais qu'aurais-tu de pertinent à avancer ?

- Pour me remettre en mémoire l'ouvrage de Maître Sun, j'ai visionné cette courte vidéo, qui fait le lien avec la philosophie de Lao Tseu; or je ne cesse comme lui de tourner autour du vide. J'en parlais déjà dans un billet de 2008 (voir "Tao Te King et Dharma") et m'interrogeais sur cette pensée :

"On pétrit de la terre glaise pour faire des vases.
C'est de son vide que dépend l'usage des vases.
On perce des portes et des fenêtres pour faire une maison.
C'est de leur vide que dépend l'usage de la maison.
C'est pourquoi l'utilité vient de l'être, l'usage naît du non-être."

À la lumière de nos dernières investigations en mathématiques, il est possible de reformuler cette idée en termes plus modernes:

  • Le vide ou le non-être, c'est bien entendu notre objet initial ( ) en I0 qui a en lui toutes les potentialités; avec I0< S;
  • L'être nous renvoie à l'objet final (*) en I1, au plus proche du Réel, avec R< I1.

Quand à l'opposition "utilité/ usage", j'avais déjà en 2008 l'idée que l'un renvoie au Réel, quand l'autre se rapporte au Sujet. Nous pouvons maintenant préciser d'avantage:

  • L'usage d'un vase (vu en Ivase), c'est ce qu'il permet de faire. Ce peut être d'y conserver du vin, ou de transporter de l'eau, ou du miel. Toujours est-il que la source de cet usage (vu en Iusage) que j'en ai, provient du vide qu'il délimite. Nous sommes ici dans une pensée tournée vers notre objet initial, vide ( ) en I0. Or, nous avons déjà vu que je ne peux pas m'imaginer, moi le sujet du discours (en Im), au-delà de ce vide (en I0), source de tout morphisme.  Autrement dit : R< Ivase< Iusage <Im=I0. En ce sens, l'usage est rapporté à un Sujet omnipotent dans la mesure où il est vide, comme le vase, un non-être pur, d'où tout procède.
  • L'utilité du vase (vue en Iutilité) est un jugement que je porte sur le lien qui m'y rattache. Or, nous savons déjà que dans ce cas, notre référé est l'objet initial ( ), et donc dans une approche topologique. C'est dire que le Sujet qui porte un jugement global, en Im, en position ex post, peut se représenter localement en I'm dans son rapport au vase. Ce qui donne :

R< Ivase = I1 <Iutilité <I'm < Iusage < Im=I0.

- C'est compliqué !

- Pas plus que le texte lui-même, qui ouvre la voie à bien des méditations, je t'en propose ici une interprétation possible qui me semble faire sens.

- Et cela te mène à quoi ?

- Disons que Im est le politique qui décide de l'usage des armées, quand I'm est son armée sur le terrain. le "vase" en question, ce sont les données matérielles qui limitent, déterminent son action, et filtrent ses contacts avec le Réel. Bien entendu, cette organisation est fractale : à chaque niveau de la hiérarchie, le même schéma se reproduit.

- D'accord : l'armée doit partager des "valeurs" communes, ou accepter celles de l'échelon supérieur et d'autre part bien connaître le terrain, mais il n'y a là rien de nouveau.

- Je voudrais attirer ton attention sur ceci: le mode de penser du niveau politique est nécessairement d'ordre topologique, quand celui du militaire doit à un moment ou un autre, régresser en procédures à appliquer sur le terrain, autrement dire assumer le passage topologique => logique.

À la limite, dans le feu de l'action, s'il faut s'y résoudre, la pensée régresse jusqu'à n'être plus que "mouvement".

Et je pense que cette façon nouvelle de décrire l'action offre une autre perspective sur l'art de la guerre de Sun Tzu.

Lorsque, par exemple, Sun Tzu parle des forces "ordinaire et extraordinaire", on peut comprendre que le déploiement d'un corps d'armée (la force ordinaire) réponde d'avance à une situation potentielle, envisageable, mais non actuelle : le général déplace des pions sur une carte militaire. Il encercle un ennemi absent, et fonctionne typiquement dans une pensée topologique.

Maintenant, pour le déstabiliser dans ses plans, rien de plus efficace que de faire jouer la "force extraordinaire", c'est-à-dire de procéder à des piqûres d'insectes, qui vont lui faire éprouver le trauma du Réel. Pour y répondre, il doit retomber dans la logique au plus vite et faire face, ce qui me laisse le temps, à moi son adversaire, de développer une pensée globale, topologique quand il en est réduit à la logique.

Même chose lorsque Sun Tzu dit qu'il faut avant tout "s'attaquer aux plans de l'ennemi", d'où l'importance des espions, du renseignement, ou de la tromperie.

Il y a dans toute action, une pliure topologie/ logique à laquelle il est de première importance de s'intéresser.

- C'est déjà très connu: tout le monde a en tête la catastrophe que fut la ligne Maginot submergée lors de la blitskrieg; ou le retard à l'allumage de Staline pour répondre à l'Opération Barbarossa.

- Oui, certes, mais notre approche attire l'attention sur l'importance du changement de mode de pensée. Lorsque l'action s'incarne, en passant de la décision politique à l'action sur le terrain, il ne s'agit pas seulement d'un changement d'échelle, mais d'assumer à un certain niveau, un changement de mode de pensée.

Et la question ne porte pas uniquement sur la guerre, mais de façon générale sur la gestion des actions complexes. Je pense en particulier au choc culturel que j'ai ressenti en  travaillant "à l'américaine" sur un grand projet.

- Qu'entends-tu par "à l'américaine" ?

- Une pensée exclusivement balisée par des "procédures" formellement explicitées dans des plans qualités, autrement dit réduites à la seule logique. J'y vois une faille.

- D'accord, mais je pense que si tu t'embarques dans cette voie, tu n'iras jamais au bout de ton programme. Je propose que nous fermions ici cette parenthèse.

- Oui, finie la récré !

Hari.

Note du 03/ 04/ 2019

En écoutant aujourd'hui "la tête au carré" traitant du phénomène des "fakes news", je fais le lien avec ce dont je parlais dans ce billet, à savoir la manipulation.

Pas de quoi en faire un nouveau billet, car trop court, mais enfin, c'est évident :

Un Sujet est d'autant plus sensible aux "fakes news" qu'il répugne à passer d'une pensée topologique à une pensée logique.

Tout ceci est lié à ce que nous avons déjà vu concernant le phénomène des sectes, ou dernièrement le rapport au sexe.

D'où vient ce confinement intellectuel ? À notre répugnance naturelle: 

  • à nous frotter au Réel (d'où une pensée purement topologique c.-à-d., en l'occurrence, dans laquelle on approche d'un objet en le "cernant", par des "on-dit");
  • à l'idée de mort (assimilée au vide de soi) en espérant (en position ex ante) un principe unificateur, donnant sens à nos croyances (d'où le complotisme, qui va de conserve avec le sectarisme, le repli sur la tribu etc.).

Note du 11/04/2019

La définition du foncteur (voir "Du morphisme au foncteur") m'a conduit à approfondir ma propre réflexion concernant le choix d'une logique (voir la note 8 de l'article.
Pour passer d'une logique élémentaire, avec le principe du tiers exclu, à une autre, plus complexe, (avec "presque" ou "pas encore"), toutes deux exprimables en I01, il faut que le Sujet s'élève au minimum en IR, autrement dit: il doit passer par un mode de penser topologique.

Pour faire raccord avec le sujet du présent billet, tourné vers l'action, la conséquence en est la suivante: pour choisir une logique attachée à une action que l'on veut mener, il faut impérativement procéder à une appréhension en mode topologique de la situation.

Exemple concret: la logique d'engagement au combat n'est pas définissable au niveau de l'armée, mais au niveau du politique.

Sun Tzu en donne un exemple assez parlant:

Un prince (ou l'équivalent) envoie son conseiller en stratégie pour discuter d'une trêve chez son adversaire. Ce dernier tue l'ambassadeur, en contravention totale avec les règles communément admises. Pour justifier cette décision Sun Tzu explique: "il est de la plus grande importance de s'attaquer aux plans de l'ennemi". "

Vous voyez ici :

  • L'ennemi dans une logique commune; "chevaleresque";
  • Sun Tzu juge la situation et élargit les potentialités qui s'offrent à lui (mode topologie);
  • Sun Tzu bascule et applique une nouvelle logique pour définir son action.
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