Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Évariste Galois - Partie 5 : L'action et sa représentation

Relecture au 05/12/2019:

Cet article montre qu'en l'écrivant, et malgré six semaines d'efforts, je n'avais pas encore compris la démarche de Galois, ni l'essence de sa théorie.

Je laisse cet article à mon usage, pour y revenir et comprendre si possible la nature de mes propres blocages; pour mon auto-analyse !

____________________________________________

- Au fond, qu'est-ce qu'une "action" sur un ensemble d'éléments ?

- Tu nous l'as assez seriné: une action est décrite par un couple de concepts, l'un synchronique définit l'objet (en Ik), l'autre diachronique définit l'action proprement dite (entre Ik et Ik+1), et le résultat est observé/ décrit en Ik+1 par Im en position ex post, avec Ik < Ik+1 < Im.

- Tout à fait, et nous avons également observé qu'il est possible, une fois qu'un objet est identifié en Ik+1, c'est-à-dire après un premier saut Ik/ Ik+1, de réitérer l'action Ik/ Ik+1, sur un objet structuré en Ik+1. Je peux additionner 1 kilo de poires et 1 kilo de pommes cueillies dans mon jardin, sans avoir aucune connaissance particulière concernant la gravitation, ni le jardinage.

Enfin, dans le dernier billet, pour définir le concept de "signature", nous avons été amenés à distinguer au premier niveau Imaginaire I1, deux types d'actions diachroniques, à partir du schéma de base suivant : π

I01 {*} ∅ = { }
1 2
I1 *

1/ Pour aller au fond de l'expérience du Sujet, imagine-le en I1=Im, avec I1=Im<I01<DM alors, le tout premier saut ↑1 ne peut qu'être le morphisme identité * ⟼ {*}, puisque ce n'est qu'une fois en I01, qu'il pourrait considérer { } comme une partie de {*}, en se référant ainsi en I01, à ce concept de vide { }, toujours inaccessible en I0.

La seule expérience qu'il puisse avoir c'est une irruption du Réel dans son Imaginaire, un trauma, et le premier geste qu'il puisse faire, dès qu'il en  prend conscience, est de l'identifier *{*}. Avec une tension, liée à son indétermination quand au codomaine de l'application, tenant à sa position, ex ante, puisque le schéma général, l'objet classifiant {{ };{*}}, lui échappe.

2/ Maintenant, Im s'élève en I01I1=Im<I01<DM => I1<I01=Im<DM. À partir du moment où il a construit l'ensemble classifiant {{ };{*}}, le second saut ↑2 est un "choix" de Im entre { } et {*}, et j'ai qualifié les mouvements :

  • ⟼ {*} de "normal"
  • ⟼ { } de "tordu"

Nous avons vu que ce "choix" entre {*} et { } est même la seule chose que Im puisse faire dans la position I01 = Im , puisqu'il lui manque le recul nécessaire I01<Im pour le justifier. 

- De tout ceci tu nous as déjà parlé, pourquoi donc y revenir avec tant d'insistance?

- Parce que notre Imaginaire conserve la trace de sa genèse, et réutilise les notions et procédures acquises au fil de son histoire. En particulier, cette notion d'identité, très primitive comme nous venons de le voir, va se conserver au fil des répétitions, qu'il s'agisse

  • de la répétition du même, i.e.: itérations entre Ik/ Ik+1,
  • ou d'une succession de sauts : Ik/ Ik+1 => Ik+1/ Ik+2 =>...In-1/ In

Bien entendu, le vocabulaire va s'étoffer d'un discours à l'autre, mais fondamentalement, je pense que la conservation de cette identité primitive, reste une nécessité centrale à chaque niveau de la construction Imaginaire, et cette réflexion va nous servir de fil rouge. D'ailleurs les qualificatifs de "normal" et "tordu" me semblent parler d'eux-mêmes : "normal" renvoie à "régulier", "orthogonal", "fidèle" etc.; quant à "tordu", il appelle "torsion", "rotation", "permutation", "cycle" etc. Nous ferons le tri en chemin !

Maintenant que nous avons un fil rouge auquel se raccrocher, qu'est-ce qu'une "action" pour le mathématicien ? Nous l'avons déjà vu de façon très générale dans la théorie des Catégories, mais on en retrouve l'origine en théorie des groupes où l'on définit "l'action d'un groupe sur un Ensemble" .  Je reprends ici la définition trouvée dans Wikipédia :

"Une action d'un groupe sur un ensemble est une loi de composition externe sur l'ensemble, vérifiant des conditions supplémentaires. Plus précisément, c'est la donnée, pour chaque élément du groupe, d'une permutation de l'ensemble, de telle manière que toutes les bijections se composent de façon compatible avec la loi du groupe."

L'idée centrale, c'est qu'une action sur un "objet" doit en conserver le nombre d'éléments et la structure. Pour le nombre d'objet pas de problème : il s'agit en l'occurrence du nombre de racines de notre polynôme. Quant à la structure, nous avons vu dans le billet précédent (cf.: "Symétrie et rotation") qu'elle est décrite par une permutation entre les éléments de E notée SE. Pourquoi s'attacher ainsi aux "permutations"? Tout simplement parce que sur un ensemble d'éléments finis, rien ne rentre, rien ne sort, et donc, au final, je ne peux que constater un nouvel arrangement des éléments. Nous en sommes à cette figure : 

IR Éléments de E / corps Ω
Action G parmi EG potentielles
I01 Éléments de  E / corps K

- Mais qu'est-ce que ton Ω ?

- C'est le corps d'arrivée en IR. Par exemple, pour un polynôme sur R comme corps de départ, le théorème fondamental de l'algèbre nous dit que le corps d'arrivée, en IR, c'est C. Son nom d'ailleurs est intéressant : on l'appelle "corps de rupture". On ne pouvait pas choisir meilleur nom !

Par "compatibilité" avec l'action, il faut entendre que les symétries entre les racines, repérées par SE en I01 se retrouvent en IR. À mon sens, cette "identité" de structure lorsque l'on passe de I01 à IR, est de même nature que l'identification élémentaire * ⟼ {*} . En I01, nous ne pouvions constater que l'existence ou non de *, tandis qu'à présent, après avoir défini la structure interne de E grâce à SE, la notion d'identité s'enrichit et concerne également la structure interne de l'objet et donc de SE.

- Soit, mais cette structure comme ce groupe d'action G, tu les as définis en I01, dès lors quelle est la nécessité de ce saut I01/IR ?

- L'hypothèse du continu, dont nous avons déjà parlé ! Elle est explicitée par Cantor, bien après les travaux de Galois, d'où le soin que je porte à différencier le niveau Imaginaire auquel se développent les concepts de structures et d'actions, strictement limités à la logique du premier ordre en I01, et les objets manipulés en particulier dans R ou C, conçus en IR, que l'on approche par des considérations géométriques, telles que les notions de distance, d'angle et de proximité. Toute la problématique de Galois est bel et bien de baliser le passage du corps K à Ω ce qui, pour nous, implique un "saut" de I01 à IR.  

Pour résumer la situation, la réflexion part, comme toujours, de l'expérience la plus sensible, à savoir trouver techniquement les racines d'un polynôme de degré n. Une première difficulté amène à concevoir les nombres imaginaires, comme une extension de la droite des Réels au plan des Complexes. Ensuite on s'aperçoit que les polynômes de degré 5 ou plus n'ont pas toujours de racines algébriques, ce qui pose la question des nombres transcendants, comme π etc. C'est dans un second temps que la réflexion se creuse pour organiser tout ceci, et que l'hypothèse du continu doit être posée explicitement. Nous retrouvons ici ce mouvement de push-pull que nous avions identifié dans notre dernier billet (cf.: "symétrie et rotation").

- Si je te suis bien la création de C à partir de R suit la même logique ?

- C'est la question que je me pose depuis l'été (voir : "etc."). Je fais l'hypothèse que R est créé dans un premier saut I01=>IR, et C par répétition du même saut; un élément z de C étant représentable par un doublet (x;y) d'éléments de R : z=(x;y). Autrement dit R et C sont de même niveau, différant uniquement par leur ordre d'apparition en IR, de la même façon qu'au niveau précédent, la transposition élémentaire τ(1,2)  apparaît après l'identité. Ce qui diffère profondément d'un niveau à l'autre, c'est la nature même du "saut diachronique", que nous avons caractérisé ainsi :

  I1=>I01 I01=>IR
élément manipulé a ∈ E
action  {{ };{*}} GxE=>E
itération 1x, 2x, 3x,... nx G, G2, G3, ... Gn

réification de l'action

succession (virtuel)

rotation (potentiel)

Bien entendu les effets sont cumulatifs : ce qui était déjà imaginé en I01, reste acquis en IR.

- Pourquoi utiliser le signe multiplicatif dans un cas et la puissance dans l'autre.

- Nous l'avons vu il y a déjà quelque temps en théorie des catégories lorsque nous avons discuté de "l'objet produit" et même bien avant dans le tout premier billet sur les maths.

  • Dans le saut I1/I01, lorsque j'écris 1x* ou 2x*, je repère par un chiffre dans N le nombre d'itérations et donc, les deux chiffres de part et d'autre de x ne sont pas de même nature. Si je dénombre 3 poires, je ne peux pas "poirer" x 3; la multiplication se fait à gauche par convention.
  • Le saut I01/IR s'effectue après que j'aie "réifié" en I01 le concept d'itération, ce qui conduit à construire N. Je suis dans le pur langage, coupé du Réel, et je peux manger un ticket de pain au lieu de pain sans passer pour un fou! En particulier associer un objet à l'indice qui le désigne (i.e.: passer du référé au référent) dans une suite, travailler sur l'indice et revenir à l'objet référé ! Lorsque a et b sont de même nature a.b=b.a, mais, pour la multiplication externe entre éléments de nature différente, par exemple le produit scalaire sur les vecteurs, seule la multiplication à gauche garde un sens.

C'est pourquoi le saut suivant peut se caractériser, soit par la multiplication extérieure comme nous l'avons vu en parlant des espaces vectoriels, soit comme ici par l'action d'un groupe G sur un ensemble E pour donner à l'arrivée un nouvel arrangement des éléments de E: GXE=>E, et lorsque je réitère le saut sur chaque élément xi de E :

  • Premier saut : xi  gi(xi);
  • Second saut : gi(xi gi.gi(xi)= gi2(xi)

Le nombre potentiel des morphismes élémentaires est de EG, et la répétition se traduit comme puissance de l'action de G sur E: G2xE.

- Mais ce n'est quand même pas très clair: d'une part tu me dis que G applique E dans E, et d'autre part que le corps de départ et celui d'arrivée peuvent différer ! 

- C'est tout le noeud du problème, et tout l'intérêt qu'il y a à suivre la démarche de Galois pour le résoudre. Son idée magistrale fut de dire que l'action de G sur E devait préserver les symétries SE que l'on pouvait observer sur le polynôme exprimé en I01.

Nous avons vu dans le dernier billet que les racines d'un polynôme permutent entre elles. Par exemple, les racines d'un polynôme du second degré : P(X)=X2-pX+q sont telles que (X-x1)(X-x2) = X2 - pX +q, ce qui revient à dire :

  • x1+x2=p et
  • x1.x2=q,

À partir de là, tu peux construire un "corps de base" constitué des trois polynômes :

  • Q1(X,Y)= X2-pX+q
  • Q2(X,Y)= X + Y - p
  • Q3(X,Y)= X.Y-q

Et tu vois que la permutation des 2 racines (x1, x2) en (x2, x1) ne change pas nos 3 polynômes. Cette symétrie que je peux voir ici, en I01, écrite avec des coefficients p et q dans Z, Q ou R, par exemple, doit être préservée par les racines x1 et x2 que je sais être en IR, concrètement en C, puisque le théorème fondamental de l'algèbre m'assure de les y trouver. Autrement dit, les automorphismes que je peux faire subir à cette action G me permettant de passer de l'expression de P à celle de ses racines, doit être isomorphe au groupe de symétrie propre au polynôme en question.

C'est dans cette perspective qu'il nous faut introduire les "extensions" L de Galois. L'idée c'est de construire une "chaîne" de Gi pour passer du corps K de départ, permettant l'écriture des polynômes, au corps Ω d'arrivée où se trouvent ses racines, en les caractérisant à l'aide d'une "série" de sauts diachroniques. 

  1   2   ...i...   n
IR L1   L2   ...Li ...   G
 
I01 G1   G2   ...Gi...   Gn-1

Tu vois immédiatement une différence avec les sauts du niveau précédent: ici, après chaque saut (un morphisme), je dois ramener l'objet produit en position de domaine, à l'aide d'un saut rétrograde (un comorphisme).

- Pourquoi cette nécessité ?

- Dans le saut I1/I01, je n'envisage que l'objet final *, en I1. Tout comorphisme de l'objet classifiant {{ };{*}} ne ramène à lui : c'est une propriété universelle. Par ailleurs, la position du Sujet Im me permet difficilement de "changer de point de vue": 

  • Soit I1< I01Im <DM : je peux compter en I01 les itérations I1=>I01;
  • Soit Im=I1 < I01 <DM : je n'ai plus aucun repère pour "comprendre" ce qui me tombe dessus: je suis en position ex ante.

Je n'ai donc qu'une approche globale, ex post, de ce qui se déroule dans l'espace imaginaire {I1;I01}. De fait il n'y a pas de point de vue "local" en logique.

Ici, la situation a beaucoup évolué. D'une part je m'intéresse à l'élément neutre, qui permet de définir des symétries, ce qui n'avait aucun sens avant, d'autre part  mon recul me permet d'adopter deux postures pour décrire une situation :

  • Approche locale : I01=Im' < IRIm: je dispose des outils de niveau I01;
  • Approche globale : I01 < IR Im. : je "recadre" mon discours en IR.

Pour être cohérent, il faut donc, à chaque itération, vérifier que les deux approches coïncident ou sont équivalentes, ce que je fais concrètement en ramenant toute la discussion à l'observation de l'élément neutre.

- C'est un peu limité, non ?

- Il y a un gros travail préparatoire pour effectivement ramener toute la discussion à cet objet, mais la démarche est équivalente à ce qui fut fait à l'étape précédente, pour ramener tout discours en I01 au morphisme *{*}. Si le travail est technique, il n'éclaire pas notre propos. Retenons qu'au final, on peut ramener la résolution d'un polynôme de degrés n en x (i.e.: P(X) = anXn +an-1Xn-1 +...+a0) au problème irréductible de trouver les n racines distinctes de Q(X) =Xn-1. La solution est immédiate sur C en IR: il s'agit des symétries d'ordre n sur le cercle unité (voir : "symétrie et rotation").

Toute la question se résume donc à passer de 1 en I01 à la racine z=e2iπ/n telle que Zn=1 en IR, après la suite de n "sauts" que nous venons de voir. Ceci nous amène à caractériser nos Gi et Li de la façon suivante, pour obtenir ce résultat :

Soit 1 => Gi => Li => Gi+1 => 1;

  • Dans le morphisme  Gi=>Li; chaque Gi est un sous-groupe normal de Li

"Un sous-groupe H de G est normal (ou "distingué" ou "invariant") s'il est stable par l'action de G sur lui-même par conjugaisons"

Ça paraît compliqué à première vue, mais non : une "action par conjugaisons", c'est tout simplement une action du groupe G sur lui-même (un automorphisme) G=>G tel qu'à tout élément x est associé : x⟼ autg(x) = g.x.g-1. Or ceci n'est que la généralisation de ce que nous avons vu dans le groupe de symétrie (voir "symétrie et rotation")  et que je rappelle dans cette note ci-dessous.

Autrement dit, "l'univers" de notre sous-groupe Gi se limite à Li, et la finitude de Li se traduit par cette invariance de Gi lors d'un simple "changement de repère" dans cet univers clos.

Ceci se traduit par :∀g∈Gi; ∀l∈Li ; l.g.l-1∈Gi et se note GiLi.

  • Dans le co-morphisme Li => Gi+1 ; chaque Gi+1 est le groupe quotient Li/Gi.

C'est dire que Gi+1 est la base de Li. On regroupe sur les éléments de Gi+1  tous les éléments "semblables" de Li; c'est une généralisation du quotient Z/nZ. Dit autrement: on peut étiqueter des partitions de Li à l'aide des éléments de Gi+1. Il y a bien ici la notion de passage du référé au référant, d'un niveau de langage à un niveau supérieur. Cette notation L/K rappelle immédiatement celle de Z/nZ, l'idée est du même ordre que celle développée par Lagrange.

Cette construction en série amène à la définition de "Groupe soluble".

"Un groupe résoluble est un groupe qui peut être construit à partir d'une suite de groupes abéliens (i.e.: commutatifs) par une suite finie d'extensions."

"Un groupe G est résoluble lorsqu'il existe une suite finie G0, G1, G2, ... Gn de sous-groupes de G telle que :  {e}= G0G1G2, ... Gn = G où pour tout i∈[1;n-1], Gi est un sous-groupe normal de Gi+1 et le sous-groupe quotient Gi+1 /Gi est abélien (i.e. {e} est le sous-groupe trivial de G).

  • G0, G1, G2, ... Gn est une chaîne normale dont tous les facteurs sont abéliens;
  • La suite G0, G1, G2, ... Gn est dite suite de résolubilité de G si elle est sans répétition (tous les Gi sont différents)."

Désolé pour la lourdeur de cette reprise de Wikipédia, mais tu comprends bien que nous sommes au coeur du problème et qu'il faut procéder avec circonspection. Tu remarqueras comme tout tourne autour de la préservation de l'élément neutre, il est là notre fil rouge ! Et ceci passe par une notion de "normalité" qui tient à la finitude des groupes.

Bien, nous voici avec une série de sous-groupes emboîtés les uns dans les autres, comme une collection de poupées russes. Il y a donc une double limitation : chaque poupée est finie et leur suite l'est également.

Or, la borne inférieure de cette décomposition, la plus petite mamouchka c'est l'élément neutre {e}.

Vois-tu maintenant la similitude avec la construction de I01 à partir de I1 ?

L'équivalent de notre objet classifiant en I01 à partir de l'objet final en I1, après un seul saut I1/I01, ce sera ici la construction en IR des racines successives de l'élément neutre e de I01, au fur et à mesure des itérations I01/IR. Là où j'avais l'ensemble des parties de *, j'aurais l'ensemble des parties de e, et à une "torsion", répond une "rotation".

  • Maintenant, notre extension L doit également être "séparable", c'est-à-dire que le polynôme ne doit pas avoir de racine double, ou encore, que son degré est égal au nombre de ses racines. 

- Quelle est la nécessité de cette "séparation" ?

- C'est assez simple de notre point de vue: le nombre d'itérations du saut I01=>IR est égal au degré de P comme au nombre de ses racines. Chacun des sous-groupes de la chaîne est unique, puisqu'il est lié à une succession de  sauts dénombrables (i.e. n ∈ N). L'indice du saut servant à étiqueter un sous-groupe dans la suite : {e}= G0G1G2, ... Gn = G.

La notion de "séparabilité" en IR répond à celle de "succession" en I01 qui caractérise les sauts I1/I01. Elle est liée au changement de nature du saut diachronique comme vu en introduction. Là encore, tu vois le changement de point de vue: à un concept "logique", se substitue un concept "géométrique", cependant leur similitude se marque par la façon d'indicer flèche ou groupe par n∈N, qui souligne l'aspect essentiellement "quantique" de la construction. D'ailleurs, une conséquence profonde de tout ceci en est que les nombres algébriques sont dénombrables, autrement dit, qu'ils sont noyés dans C dans un océan de nombres transcendants. 

Les nombres algébriques dans le plan complexe (Wikipédia)

Les nombres algébriques dans le plan complexe (Wikipédia)

Mais il y a plus fondamental : pour éviter de retomber sur des groupes Gi semblables, il faut se garder de travailler sur un corps K fermé (sinon, il y aurait potentiellement des cycles dus à la finitude des éléments de K); autrement dit K doit être infini (comme N, Z, Q ou R par exemple), c.-à-d. de caractéristique 0. L'infinitude de N qui se construit en I01,  est ici une donnée de base pour l'étape suivante, qui va "borner" cet infini !

- Tu manies le paradoxe !

- Absolument pas. Regarde ce que fait Cantor: il circonscrit l'ensemble des Réels dans l'interval [0;1], regarde ce que fait Gauss pour prouver le théorème fondamental de l'algèbre, en "ratissant" circulairement autour de son origine, le champ C pour y trouver les racines d'un polynôme, regarde Poincaré "courber" l'espace C (voir note) pour trouver celles des équations différentielles. Nous assistons ici à la première étape d'une démarche, qui commence par un "bornage", puis une courbure, et ensuite une mise en perspective par rapport au Sujet (avec l'espace projectif) qui, en installant petit à petit le Sujet au centre de son observation, conduit à la Relativité générale. Et notre démarche participe de ce mouvement centripète. En ce sens, on pourrait voir la structuration progressive de l'Imaginaire comme un effort pour échapper à une quantification primitive, initiée par la déchirure Réel/ Imaginaire, et se caractérisant par un centrage progressif autour du Sujet. Ce qui offre une autre perspective à la question d'une théorie unitaire, soit dit en passant...

- Je comprends, après ce rapide survol qu'il y a beaucoup de travail à faire pour effectivement suivre la démarche de Galois, tu t'es juste limité ici à la recadrer dans ta perspective, soit, mais il y a malgré tout une question qui reste en suspens : pourquoi les polynômes de degré ≥ 5 ne sont-ils par résolubles par racines ?

- Pour aborder la question, il faut revenir sur la "normalité" des groupes utilisés dans notre construction. Nous avons parfaitement justifié cette nécessité, du fait que G est un sous-groupe d'une extension L finie. Par ailleurs, nous avons vu que les permutations de G concernant un polynôme d'ordre 5 doit appartenir à S5. Or, on peut montrer (voir note) que le sous-groupe A5 des permutations alternées de S5 est "simple", c'est-à-dire qu'il n'admet d'autre sous-groupe que lui-même ou l'élément neutre. Autrement dit, tu es arrêté dans ta régression vers l'élément neutre initial e; il y a un hiatus !

- Est-ce à dire qu'il te faut identifier ici un nouveau niveau Imaginaire, attaché à la prise en compte d'un concept radicalement nouveau , au choix d'un axiome ?

- Je ne le pense pas: seule la démarche pour calculer les racines de P à l'aide des 4 opérations et la racine sont en cause, mais rien n'est ajouté à la construction de R ou de C. C'est du même ordre que les 3 problèmes de l'antiquité : la trisection de l'angle, la quadrature du cercle ou la bijection du cube à l'aide de la règle et du compas. Nous savons que la méthode n'existe pas, mais nous avons néanmoins l'intuition des objets en question, et trouvé d'autres outils pour réaliser ces opérations.

- Si ton approche a quelque utilité, il serait peut-être intéressant de "comprendre" la nature du problème, sans te limiter au constat d'une impossibilité, non ?

- Il faudra que j'y réfléchisse, mais l'idée qui me vient pour l'instant est la suivante: J'ai utilisé le théorème de Lagrange, établi de façon additive, avec le vide comme élément neutre, pour prouver une impossibilité sur une loi multiplicative avec l'unité comme élément neutre. Par ailleurs, le groupe de symétrie A5 agit sur un groupe qui lui-même défini une action. En ce sens, on peut dire que le théorème de Lagrange est typiquement "synchronique", qu'il s'agisse des niveaux I01 ou IR : c'est un théorème de géométrie, tandis que A5 est originellement d'essence "diachronique". Peut-être faut-il décomposer plus précisément notre façon de construire l'action et le langage qui en parle. Au début, leurs progressions seraient congruentes, et passé un certain seuil le langage se fixerait  quand l'objet continuerait  d'évoluer ? C'est une piste à suivre.

En résumé:

Il m'a fallu beaucoup de temps pour arriver à survoler ce qui se laisse lire sur le web, mais si mon approche reste extrêmement lacunaire, je pense néanmoins ne pas avoir tordu le sens de la démarche de Galois et de ses successeurs. Je vais m'appliquer à faire relire tout ceci par des gens plus compétents que moi, pour me rassurer sur ce point.

Sous réserve donc d'une telle vérification, le plus important dans l'exercice, ce fut de faire un parallèle entre les domaines  {I1;I01} et {I01;IR} de l'Imaginaire pour comprendre qu'en passant d'un champ de conscience à l'autre notre façon de penser évolue. J'en ai déjà parlé comme d'une différence entre rationalité logique/ topologique (voir "la mécanique de l'Imaginaire"), mais là, à cette charnière I01/IR nous voyons in vivo de quelle façon l'esprit se dégage pas à pas de la logique pure pour s'absorber dans la topologie. 

Bonne méditation !

Hari.

Note du 19/11/2018

Maintenant que j'ai trouvé le site de Gilles Bailly Maitre, je m'y réfère abondamment, en particulier :

Note du 22/11/2018

Nous avons déjà abordé le sujet dans l'article "l'observable et l'objet". Voir en particulier, dans cette vidéo sur une conférence de Rhys lors d'un hommage à Poincaré à 52" "Les maths ne sont qu'une affaire de groupes".

Note du 25/ 11/ 2018

Rappel sur les conséquences de la finitude de l'ensemble E et de mes actions. Je reviens encore, au risque de la lourdeur, sur ce distinguo fondamental entre :

  • une action "virtuellement infinie", lorsque le Sujet est en position ex ante : I1=Im<I01<DM, se réduisant à
  • une action "potentiellement déterminée", lorsqu'il en rend compte ex post : I1<I01=Im<DM

Nous avons remarqué (voir billet précédent "Symétrie et rotation") que cette fermeture implique que toute permutation peut être générée par deux permutations élémentaires sur un Ensemble, fini lui aussi, de n éléments:

  • La transposition élémentaire τ(1,2);
  • Le cycle γ(n) = (1,2,3,.....n);

et remarqué qu'une transposition entre deux éléments k et k+1 pouvait toujours s'écrire τ=(k,k-1)= γk τ(1,2) γ-k, ce que nous avons vu comme de passer les  k dernières cartes d'un jeu au dessus de la pile, pour effectuer la permutation sur les cartes devenues accessibles, sous le paquet, puis, par un mouvement inverse, de ramener les k cartes déjà manipulées à leur place initiale, pour en quelque sorte faire "sauter la coupe" (à cette transposition près). Les deux mouvements conjoints γk et γ-k  étant un "changements de base". Ceci revient à dire qu'un tel changement de base ne modifie pas la nature de l'objet "transposition", ou que les deux sont semblables : τ(1,2)∼τ(k,k+1).

Nous avons donc, à cause de cette finitude, enrichit le concept très primitif l'identité, par celui d'équivalence, comme conséquence de la finitude de l'objet en I01.

Une autre conséquence assez élémentaire de la finitude d'un ensemble, porte non plus sur l'action, mais sur la représentation de sa présentation en I01 cette fois-ci, c'est le théorème de Lagrange (voir note).

"Soit H un sous-groupe de G, alors le cardinal de H est un diviseur du cardinal de G."

Autrement dit, si G est composé de 25 éléments, un sous-groupe H de G possède soit 1, soit 5, soit 25 éléments. Le sous-groupe H est donc composé soit de l'élément neutre seul, soit de leur ensemble et c'est G lui-même, ou bien, en dehors de ces cas (dits "triviaux), de 5 éléments.

D'un strict point de vue anthropomorphe, c'est une conséquence assez remarquable de la finitude de mon action ! Pour t'en convaincre, repassons-nous encore une fois le film de cette genèse.

  • Premier saut I1=>I01 : je créé l'identité  * ⟼ {*};
  • Itération du même ad nauseam :
    • Je crée N;
    • Je conçois { } comme partie de {*} et l'objet classifiant {{ }; {*}}
    • Je conçois la symétrie entre deux termes (1;2); c'est en quelque sorte la classification dichotomique qui nous est familière et nous renvoie à Lévi-Strauss;
    • En prenant du recul par rapport à I01, je crée, par symétrie Z à partir de N autour de 0 en I01;
  • Par symétrie et après un recul I01= Im => I01<Im :
    • localement : je conçois τ(1,2) à partir de (1;2), c'est ce que nous venons de voir;
    • globalement : je conçois la "succession" de mes actes, comme bouclée sur elle-même : je prends conscience de l'automatisme de répétition de Freud;
  • Théorème de Lagrange :
    • cette finitude globale se répercute sur ma façon de fractionner un Ensemble, d'où une cascade de conséquences global => local.
    • cette limite se traduit dans Z, ou plus précisément dans Z/nZ.

- Tu ne l'as pas encore établi !

- Je ne vais pas reprendre en détail ce que tu peux suivre très facilement dans cette vidéo, mais je voulais te faire partager mon étonnement en constatant que la finitude de mon action enrichit mon Imaginaire au lieu de l'appauvrir ! Comme si, pour pallier mon incapacité à suturer une plaie initiale entre le Réel et l'Imaginaire j'étais condamné, d'une part à la panser couche après couche, et d'autre part, à structurer mon vocabulaire pour y penser (i.e.: Z/nZ). En somme, l'action et la façon d'en parler se structurent de conserve.

Note du 25/ 11/ 2018

A5 est simple :Voir "obstruction du 5ème degré"

A5 est composé de 60 éléments, répartis en 4 paquets:

  • 1 élément neutre;
  • 15 involutions avec un point fixe;
  • 20 tricycles;
  • 24 cycles de longueur 5

Or, pour "partitionner" A5 en  sous-groupes homogènes, il faudrait qu'ils soient de 1+15 ou 1+10 ou 1+24 éléments, qui ne sont pas des diviseurs de 60. Or, le théorème de Lagrange  (voir ci-dessus) nous démontre que c'est impossible, et donc que A5 est simple, avec les seuls sous-groupes triviaux : l'élément neutre et A5 lui-même.

Note du 26/ 11/ 2018

Il m'a fallu 6 semaines pour éditer ce dernier billet, en partant de mes premières remarques sur Galois (voir "Évariste Galois derrière le miroir") que je boucle par une relecture de l'état de lieux fait alors, avant mon excursion. Je suis rassuré de retomber sur mes pattes !

Qu'ai-je appris en cours de route ?

Le point essentiel, c'est l'introduction des allers-retours entre deux niveaux, inaugurés par l'idée d'extension galoisienne:

  • Dans l'espace Imaginaire {I1;I01}, je pouvais me contenter de sauts I1=>I01; étant entendu que tout saut rétrograde ne pouvait que me conduire à l'objet final, avec la difficulté pour Im d'en vivre l'expérience;
  • Dans l'espace {I01;IR}, nous venons de voir que le saut se modifie dans l'itération.  Le premier permet de conceptualiser R, le second R2, ou C ce qui revient au même, etc. ce qui nécessite à chacun d'eux d'expliciter le comorphisme IR => I01.

Nous avons vu que le concept d'extension de Galois répond précisément à cette nécessité, qui se retrouvera ensuite dans les faisceaux puis les topos et enfin les "ponts" entre topoï d'Olivia Caramello. D'où sans doute le respect que Grothendieck porte à Galois.

Il faudra y revenir en détail, mais la construction des suites résolubles à partir des extension répond me semble-t-il à deux critères très fondamentaux :

  1. Tout d'abord la finitude de mes concepts (même s'il s'agit du concept infini) en Ik+1 m'impose de dire que l'objet observé en Ik ne doit pas être modifié par un changement de point de vue en Ik+1. Ç'est ce que traduit la notion de "normalité";
  2. Ensuite, les concepts définis en Ik+1 me permettent de regrouper sous une même étiquette certains objets en Ik

Lorsque je ne peux plus étiqueter convenablement les objets grâce à mes critères; c'est ce qui se passe entre les polynômes de degré ≥ 5 et leurs racines, alors c'est le signe d'une différence diachronique irréductible entre Ik et Ik+1

De ce point de vue la question qu'il me reste à voir en détail n'est plus "pourquoi n'y a-t-il pas de résolution par radicaux au-delà de 5", mais "pourquoi existe-t-il des nombres algébriques dans C" ! 

Dernière leçon, et pas des moindres, plus nous montons, plus l'aspect relatif de l'Imaginaire par rapport au sujet s'impose comme une conséquence de notre effort pour effacer l'aspect quantique de nos représentations. Ce n'est pas un hasard si l'hypothèse du continu s'impose dès lors que le sujet, en se décentrant par rapport à lui-même (i.e.: Im'<Im) initie du même coup une double approche locale/ globale en topologie, qui était inconnue en logique.

Note du 30/10/2019

Après une longue digression pour caractériser le saut IR/I#, en délaissant quelque peu mon exploration de la théorie des catégories avec des considérations relevant de la physique, je reviens à Galois pour reprendre le saut I01/IR et donc à sa théorie.

Et je me rends compte que je n'ai toujours pas "compris" à ce jour l'essence de ses travaux.

Je butais dessus depuis une semaine, croulant sous une avalanche de concepts et de vocabulaire lorsqu'enfin, je tombe sur ces deux vidéos qui vont au fond des choses !

Tu ne seras pas étonné qu'il faille encore une fois trouver un Australien (NJ Wildberger) pour démêler ce que les français s'acharnent à rendre compliqué, on se demande bien pourquoi !

Il faudra revenir en détail sur le parallèle qu'il fait entre groupes de symétrie et chaîne d'extensions: nous avons là, me semble-t-il l'essence même de la raison pour laquelle nous échafaudons notre Imaginaire en strates hiérarchisées !

Note du 07/11/2019

J'ai également retrouvé ces vidéo de Henri Paul de Saint-Gervais:

Le plus étonnant, c'est que le graphisme qu'il utilise pour s'exprimer recoupe assez précisément celui que nous utilisons pour exprimer la place du Sujet dans son discours: il parle de X "au dessus de B", et ensuite d'une fonction p de X vers B et de la nécessité de penser "à l'envers".

Par ailleurs qu'est-ce à dire que distinguer un "point particulier" de B ou de X, sinon déterminer un certain "point de vue" porté sur ces ensembles...

J'ai là tout ce dont j'ai besoin, et recoupe assez trivialement l'approche catégorique...

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article