Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

À l'ombre de Grothendieck et de Lacan #4 - Psychanalyse et mathématiques

Wolfrang Pauli et Niels Bohr observant une toupie qui se redresse, de façon contre-intuitive

- Dans ce chapitre, il faut saluer le courage des auteurs qui se déboutonnent complètement, et les en remercier car ils nous donnent matière à réflexions, ainsi qu'une furieuse envie d'entrer dans la discussion !

- Pourquoi cette illustration ?

- J'aime beaucoup cette photo qui nous montre deux génies de la physique s'amuser d'une petite toupie qui se redresse... Il y a la jouissance de l'instant dans cette érection !

Et le plus direct est peut-être d'entrer dans ce chapitre foisonnant par les considérations échangées autour du concept de phallus.

"P. G.-L. - En utilisant la logique intuitionnisme, on comprend bien mieux la subtilité du traitement du concept de désir dans l'œuvre de Lacan. Il faut en effet penser avec cette logique-là en tête pour comprendre comment le signifiant phallique Φ, qui est un concept important de sa théorie, ne fait nulle référence à un patriarcat ou un machisme séculaire.
A. C. - Excuse-moi, mais c'est quoi ce Φ ?
P. G.-L. - C'est le signifiant sans signifié autour duquel, entre autres utilités, se règle toute la question de la jouissance.
A. C. - Vaste programme !
P. G.-L. - Lui seul permet de comprendre que le rapport à la jouissance ne dépend pas du sexe anatomique, et l'étude de sa fonction suggère qu'il joue dans chaque topos individuel ce rôle mystérieux de deus Ex Machina, nous proposant ainsi une gamme infinie de nuances subtiles concernant la clinique de la jouissance.
" p. 121

Si j'en reste à l'idée de Grothendieck selon laquelle "le topos est le lit commun du discret et du continu", qui implique, en toute généralité, une dualité dans la façon pour le Sujet d'être attentif à l'objet de son discours (cf. lié à la propriété universelle duale de l'objet initial/ final en théorie des Catégories), que je 𓂀H repère par les postures du Sujet 𓁝𓁜 :

  • Ex post 𓁜;
  • Ex ante 𓁝;

alors, représenter le Sujet 𓁝𓁜 comme un topos, revient à dire que (𓁝⇆𓁜)𓂀H. Mais pour en rester à la linguistique, dans cette expression : 

  • 𓁝 et 𓁜 se réfèrent à des postures identifiables, des concepts synchroniques;
  • Le signe d'équivalence ⇆ quant à lui (au niveau [♲] de mon discours), renvoie à la possibilité d'un passage ou d'une transition de l'un à l'autre (au niveau [⚤] de mon discours): (𓁝𓁜)𓂀, passage indicible et concept diachronique, entaché d'une indétermination fondamentale.
  • Passage dont je peux juste repérer la répétition, ex post en [⚤]𓁜, et qui est le temps logique dont parle Lacan.

- Et le phallus là-dedans ?

- Reviens à Emmy Noether : dans le passage 𓁝𓁜, nous avons déjà identifié:

  • La symétrie entre 𓁝 et 𓁜;
  • L'indétermination de ⇅.

Il nous reste donc à déterminer une quantité conservée dans ce mouvement, c'est là que j'y vois le phallus Φ, la jouissance étant dans le passage lui-même et la perte de notion de temps.

À partir de là, tu peux très facilement retrouver quantité l'interprétations (ou projections) de ce schéma (ou topos) fondamental.

  • Le plus général, est sans doute le symbole Yin/ Yang lui-même, autour duquel tourne notre Sujet: 𓁝☯𓁜; (Note 1)
  • Le plus simple est le jeu sexuel entre deux pôles femelle-𓁝/𓁜-mâle;
  • Il y a encore l'instant d'illumination, le "Euréka" d'Archimède jaillissant de son bain (𓁝[♲]𓁜⏩𓁝[♲]𓁜)𓂀

De ce point de vue, le phallus Φ serait le concept synchronique (l'étiquette identifiable [⚤]𓁜) attachée à l'acte pur, indicible, diachronique du passage 𓁝/𓁜 défini comme "jouissance". Dire qu'il s'agit d'un "signifiant sans signifié" exprimerait alors l'idée qu'il ne s'agit que d'une étiquette.

- Mais pourquoi parler de logique intuitionnisme ?

- Il y a une façon d'introduire la topologie par les coupures, dont je ne saurais te dire le détail, mais dont je sais juste qu'elle identifie, à côté des deux valeurs intérieur/ extérieur, la frontière ou coupure entre les deux; ce qui donne 3 valeurs de vérité. (Note 2)

Ici, Φ serait la coupure entre les deux postures ou états du Sujet 𓁝 et 𓁜. De cette façon, on peut rattacher l'approche d'Alain Connes, focalisé par le topos classifiant (un topos de Lawvere, en fait), d'une conception plus proche de Grothendieck, basée sur le lien entre discret et continu et plus "topologique"...

- Ceci dit, il y a le rapport de Φ à l'aléa que fait Alain Connes :

"A. C. - ... Mais je voudrais garder la distinction entre ce rapport à la jouissance qui joue un rôle essentiel comme le montre bien Grothendieck dans "Récoltes er semailles" et l'aléa qui est l'essence du topos individuel et par là recouvre, à mes yeux, plus que seulement ce Φ, si je peux m'exprimer ainsi. En conclusion je dirais que le Φ est fonction de l'aléa mais pas l'inverse ! C'est l'aléa qui gère le Φ." p. 122

- D'après ce que nous venons d'en dire, c'est l'évidence ! Φ est l'étiquette posée sur l'entre 𓁝 et 𓁜, mais cette évidence questionne à son tour une autre assertion d'Alain Connes, concernant diverses sortes d'aléas. 

"A. C. - je soutiens la thèse selon laquelle "l'aléa du quantique est le tic-tac de l'horloge divine", Thèse concernant le temps de la physique quantique qui présente un aléa d'une tout autre nature que celui que nous avons évoqué jusqu'ici. Ce nouvel aléa est intimement relié à la découverte pas Heisenberg de la non-commutativité des quantités physique associées à un système microscopique. C'est de cette non-commutativité qu'émerge le temps à partir de la thermodynamique des systèmes quantique. D'où la question qui s'impose au regard de nombreux points communs à nos deux disciplines : existe-t-il des liens entre l'aléa du quantique, un potentiel deus Ex Machina à l'œuvre dans le monde de la physique microscopique, et l'autre deus Ex Machina à l'œuvre dans notre subconscient ?" p. 116

1/ Spécificité quantique :

Je propose déjà de ne pas retenir de spécificité particulière tenant à la taille de l'objet de notre attention.

Les phénomènes quantiques ne sont pas liés à l'observation microscopique, à preuve les effets "macroscopiques" d'un superfluide d'hélium à une température de 2°K :

Le liquide remonte le long de la paroi pour retomber au sol, sous le bocal. Du point de vue énergétique, cette "remontée", qui semble défier les lois de l'entropie, correspond malgré tout à un état final de moindre énergie, puisque le liquide sur le sol est à un niveau d'énergie potentielle moindre que lorsqu'il est contenu dans le vase de départ.

À part cette expérience, les physiciens ne cessent de développer des matériaux de plus en plus "gros" présentant des caractéristiques initialement observées sur des objets microscopiques, par exemple le graphène.

2/ Universalité de l'aléa :

Contrairement à Alain Connes, je propose de soutenir la thèse d'un aléa intrinsèquement lié à la possibilité pour un auteur 𓂀 d'imaginer l'objet de son attention (...)𓂀.

 La forme même, dissymétrique (i.e.: la posture ex post de 𓂀 par rapport à ce qu'il exprime (...)) indique que 𓂀 résulte d'une brisure de symétrie, liée à son intention (ou désir) qui focalise son attention sur l'objet de son discours. Avant cette irruption dans la réalité de l'échange, je, moi qui écris ces lignes 𓂀H , ne peux le comprendre qu'ainsi : (𓁝𓁜𓂀H. Autrement dit, en termes lacaniens, un Imaginaire coincé entre le Réel et le Symbolique R/I/S.

En termes de syntaxe, en mode ♡, je rapporte donc tout Sujet, comme tout objet de mon attention, au triptyque emprunté à Emmy Noether, qui structure toute l'approche quantique :

  • Symétrie;
  • Quantité conservée;
  • Indétermination, ou "aléa" pour reprendre le terme d'Alain Connes

En partant d'aussi haut (en mode ♡), le reste coule de source si l'on est attentif aux ruptures de symétrie. Par exemple :

  • Rupture entre objet/ Sujet
  • Pour le Sujet : rupture entre :
    • Réel 𓁜/𓁝Symbolique;
    • Femelle 𓁝/𓁜 mâle; élève 𓁝/𓁜 maître etc.
    • objet petit a  [⚤]𓁜 / Autre 𓁝[♲]
  • Dans l'approche de l'objet :
    • Local 𓁝[α]/[α]𓁜 global
    • L'observation de l'objet : ⟨α|α⟩ (le bra / ket de Dirac)

À nous de débusquer la quantité conservée dans le passage d'un état à l'autre, mais à chaque transition est associée une indétermination (liée à l'aspect diachronique du passage lui-même).

3/ Le tic-tac de l'horloge divine :

Oui, bien sûr, à condition de le situer correctement : ce tic-tac est l'aléa fondamental ([∃]↑[⚤]𓁜𓂀 identifié par le Sujet en [⚤]𓁜. Ce n'est donc pas un surplus ajouté à une représentation lisse de la mécanique classique, mais le dernier pas avant le choc traumatique du Réel. Une mécanique classique qu'il nous faut revisiter dans cette perspective. (Note 3)

4/ Deus ex machina :

Ce qu'Alain Connes appelle "deus ex machina" me semble être ce que le psychanalyste appelle le Symbolique. Je m'explique : en posture ex ante 𓁝, et ce quel que soit le niveau ou le mode de penser auquel on se place, il y a derrière, quelque chose qui m'échappe.

C'est déjà vrai en géométrie où le "point de vue local" 𓁝 d'un objet ne permet pas de voir "tout l'objet" comme d'un point de vue global 𓁜. Et 𓁝 peut se faire toutes les "collections" de cartes de l'objet qu'il souhaite, il n'arrivera jamais par cette accumulation (principe de répétition) à passer de façon continue de 𓁝 à 𓁜. Il y a d'une posture à l'autre une rupture franche, et une rupture de symétrie entre :

  • 𓁜 qui peut expliquer 𓁝;
  • 𓁝 qui ne peut pas atteindre à la compréhension de 𓁜. 

C'est ce que l'on retrouve dans la posture finale 𓁝[∅] propre à chaque mode de pensée. Et le "deus ex machina", c'est cet état de fait que l'on se représente sous forme de loi : 𓁝[♲][∅]. On peut discuter à l'infini des niveaux que je propose , [∅], [♲], mais l'essentiel tient à la posture ex ante 𓁝 du Sujet.

Maintenant, lorsque l'on est dans une telle posture en mode objectif ♧, et pour "sauter" de la posture soumise 𓁝 à une explication de l'impossible 𓁜, il faut changer de mode de pensée, passer en mode ♢.

- Facile à dire, mais que faire ?

- Ne lâche jamais la main d'Emmy Noether ! Si en mode ♧, l'impensable c'est le passage 𓁝𓁜, alors réifie en mode ♢ le concept diachronique qui t'échappe en mode ♧.

- Autrement dit passons de l'objet final (•) de Ens au monoïde  • de la Catégorie des graphes ?

- Tout juste. Nous avons déjà beaucoup parlé du bouclage, façon ruban de Moebius de l'objet initial en mode ♧ sur l'objet final en mode ♢ :

       
  [∃]𓁜 →   [⚤] 𓂀
     
[♲]   → 𓁝[∅]   𓂀

- Où est la rupture de symétrie ?

- J'y travaille encore, mais j'ai dans l'idée qu'il s'agit du passage d'une conception spatiale des foncteurs adjoints "gauche/droit", au concept de "temps", qui lui, ne coule que dans un sens. Sans être sûr d'y arriver, si ce point de vue tient la route, alors, beaucoup de choses deviennent évidentes ! Nous y reviendrons sans doute au fil du texte (a).

- Et l'approche thermodynamique du temps dont parle Alain Connes ?

- Il faudra voir ce qu'il en dit dans le prochain chapitre, mais d'ors et déjà, on peut noter une dualité des statistiques en mode ♢ qui ne se retrouve pas en mode ♧. (Note 4)


Le 29/ 06/ 2022 :

- Je te propose aujourd'hui de tamiser le texte pour relever les points qui resteraient à discuter, sans nous soucier d'un quelconque ordonnancement.

1/ La psychanalyse comme science :

"P. G.-L. - je voudrais reprendre au niveau où nous en étions dans notre essai de comparer nos deux démarches scientifiques respectives." p. 89

Si seulement... Comme tu le sais, j'assistais à ce colloque sur l'impossible rencontre de Grothendieck et de Lacan, en faisant un détour par Paris, sur mon chemin pour assister au séminaire de Cerisy intitulé "Lacan et après", or sais-tu comment l'un des organisateurs a ouvert le séminaire ?

- Je m'attends au pire...

- En gros, c'était : revenir à Freud... Et nous avons passé 4 jours à gloser sur les écrits de Lacan ou le sens des concepts qu'il avait inventés. (Note 5)

Cette année à Cerisy, l'ambiance était tout autre que l'année dernière lors du colloque sur Piera Aulagnier, plus universitaire, et avec des études de cas d'orateurs plus tournés vers leur expérience du terrain... Le milieu psychanalytique ne me semble donc pas très homogène (les discussions interminables sur "la passe" en témoignent) et si certains sont ouverts aux maths comme ici à Paris, ou aux neurosciences comme l'année dernière à Cerisy, la majorité du "milieu" (s'il en est un) se complaît dans une démarche herméneutique.

C'est un peu comme si l'on rangeait les numérologues au rang des mathématiciens...

- C'était le cas aux temps anciens, ou encore au Moyen Âge lorsque l'on ne dissociait pas encore l'alchimie de la chimie.

- C'est très précisément là où je voulais en venir : si tant est que la psychanalyse puisse devenir une science, elle en reste pour l'heure à ses balbutiements.

2/ Structuralisme :

Les deux auteurs font plusieurs fois référence au "structuralisme.", et à ce sujet, il me semble important de relever ici une critique faite par Derrida lors d'un autre séminaire à Cerisy (j'en discute dans "l'Homme Quantique"). (Note 9)

"Husserl tente donc sans cesse de concilier l’exigence structuraliste qui conduit à la description compréhensive d’une totalité, d’une forme ou d’une fonction organisée selon une légalité interne et dans laquelle les éléments n’ont de sens que dans la solidarité de leur corrélation ou de leur opposition, avec l’exigence génésique, c’est-à-dire la requête d’origine et du fondement de la structure. On pourrait montrer pourtant que le projet phénoménologique lui-même est issu d’un échec de cette tentative." (Derrida, Genèse et structure et la phénoménologie, 1973), p. 233.

Le défi porté au structuralisme est donc de structurer la genèse de la structure, et c'est particulièrement important lorsqu'il s'agit de représenter le vivant...

- Où te situes-tu pour aborder cette discussion ?

- Il s'agit ici de syntaxe, et donc en mode ♡. C'est pourquoi j'insiste tant sur la nécessité de ne jamais lâcher la main d'Emmy Noether : le geste le plus élémentaire, au contact du Réel, doit porter en lui tous les développements futurs de l'Imaginaire du Sujet ([∃]𓁝⇅𓁜[⚤]𓁜𓂀.

- Dans une démarche purement immanente S↑ donc ?

- Et non, puisque imposé par une règle de mode ♡. À cette "loi" Noethérienne, il faut donc ajouter une autre, de J.P. Changeux celle-ci, basée sur l'expérience de terrain : la prise de conscience est la rencontre d'un percept (processus S↑) et d'un concept (processus S↓).

- Tu pinailles...

- Certainement pas, car ce souci est au fondement de mes commentaires.

Prends par exemple le rapport entre "théorie des Ensembles" et "théorie des Catégories".

  1. Si je fonde mes représentations sur la théorie des Ensembles, je n'ai in fine à ma disposition que des "points" (•), concepts synchroniques, et les flèches que j'utilise pour représenter une application d'un ensemble dans un autre, font partie d'un métalangage, étrangères par nature aux "points" des ensembles considérés; non représentables comme les éléments des ensembles en question, et donc des concepts diachroniques. Nous sommes en mode ♧.
  2. Si maintenant je considère la représentation de ces flèches ET les points précédents, je réifie mon concept diachronique pour parler de "morphismes" dans la théorie des Catégories. Ce faisant, j'ai franchi un pas : je suis en mode ♢.

- Tu nous l'as déjà dit...

- Attends la chute ! Maintenant que j'ai franchi ce pas, je suis incapable de revenir à la phase précédente. C'est comme si tu essayais de revivre ton expérience de l'allaitement lorsque tu étais un infant : tu te représentes la situation, mais tu ne peux plus la revivre. Et donc, maintenant pour toi et à jamais, un ensemble fait partie de la catégorie Ens.

- Et alors ?

- Une catégorie en général n'est pas un ensemble avec un "petit plus". Pour avoir une vision cohérente, correspondant au niveau d'évolution où tu te situes, c'est maintenant l'ensemble qui est une catégorie dégénérée.

Autrement dit, et pour respecter la genèse progressive des idées, dès lors que tu prends conscience d'une logique autre (en [⚤]𓁜) que la logique binaire, avec le tiers exclu (en [⚤]𓁜), tu ne peux pas parler d'une logique élémentaire "avec une subtilité en plus", due à un quelconque "paramètre", mais voir, résolument, la logique binaire comme une dégénérescence, un cas archaïque de la "logique" définie à partir d'un objet classifiant en théorie des Catégories.

3/ Désir, jouissance, envie :

Désir : Le "désir", comme la "pulsion unaire" du Sujet tourné 𓁝 vers le Symbolique, est représentable sur notre schéma de l'Imaginaire par ces parcours fléchés :

[∃] [⚤] [#] [♲] [∅]
[∃] →[⚤] [#] [♲] [∅]
[∃] [⚤] [#] [♲] [∅]
[∃] [⚤] [#] [♲] [∅] 

Jouissance : nous en avons parlé hier, il est dans le mouvement 𓁝/𓁜.

Envie : là, j'ai moins d'idée, et il faudrait en discuter directement avec les auteurs. A priori, je pense à l'envie de "quelque chose", ce qui demanderait que l'on précise l'objet du désir, et donc le niveau [α] et le mode β où le Sujet se situe : 𓁝[α]β.

- Patrick Gauthier-Lafaye parle du désir spécifique de l'analyste...

"P. G.-L. - C'est un désir spécifique. Il est désir "d'obtenir la différence absolue", ce qui le met à part des autres désirs, centrés autour d'un objet a (variable) dont il est la cause.
Le Psychanalyste n'est souvent qu'un objet ballotté par le flux des mots de son patient, position qui n'est pas aussi facile à tenir, comme beaucoup le croient, parmi les non-structuralismes, pour le dire gentiment.
" p. 89

- Pour dire quelque chose de pertinent, il me faudrait en avoir l'expérience. Je m'interroge sur cette "différence absolue", il faudrait en parler avec l'auteur.

4/ La création :

J'avais critiqué une assertion d'Alain Connes (voir au paragraphe "de la création" dans l'article #1) présentant le processus créatif comme une condensation de l'expérience, or, là, parlant de son expérience personnelle, il dit bien (dans les pas de Grothendieck) que l'acte créatif est une rupture :

"A. C. - ... et puis, bien entendu très rarement, celle-ci [la solution] apparaît d'un coup, venant d'on ne sait où. Elle éclaire soudain d'un jour entièrement nouveau tout un paysage...

P. G.-L. - Ce qui m'intéresse dans ce que tu viens de dire, ce sont ces idées qui viennent "d'on ne sait où". C'est sûrement plus difficile de répondre à cette question pour le mathématicien que pour le Psychanalyste qui a inventé le concept de grand autre." p. 90

Il faudrait discuter de cet acte créatif au regard  ce que nous avons dit dernièrement de la forme canonique des mythes de Lévi-Strauss. (Note 6)

a/ Le mythe fait entrer une observation dans la structure de l'Imaginaire collectif :

"Ce qui m'intéresse ici, c'est que le rapprochement totémique, de l'ordre de la loi chez les Jivaros en [♲]𓁜, n'est pas remis en cause par l'observation et une démarche immanente, vois sur le schéma :

  Fpotière [∃]𓁜  𓁝[♲]𓁜 Fjalousie 𓁝[∅] 𓂀
   
  𓁝[] S↑   𓁝[♲]𓁜   S↓ 𓁝[∅] 𓂀

Et donc, ce qui va régler la parole n'est pas une remise en cause de l'ordre social (le totem de la femme reste l'engoulevent), mais du rapport du totem au Réel et à l'objet; d'où la double inversion de Lévi-Strauss: la mort d'Engoulevent qui en retombant sur Terre donne la terre à poterie."

b/ J'avance l'hypothèse de travail suivante : si le mythe tente de faire entrer l'observable dans une théorie non remise en cause, (S↓) la création scientifique consisterait, à l'inverse, à changer de théorie pour qu'elle s'accorde avec l'observation (S↑).

Mais le champ de la discussion reste le même : il s'agit toujours d'un changement de posture 𓁝/𓁜 autour du niveau [♲].

Et pour m'en tenir à ma précédente remarque concernant le structuralisme, il faudrait partir de la possibilité en mode ♢ d'un choix entre pensée mythique/ pensée scientifique, pour voir en mode ♧, la soumission d'une thèse scientifique à l'épreuve du Réel ("la réalité "archaïque" des mathématiques" p. 91), comme la dégénérescence d'une pensée primitivement en mode ♢.

- Dieu avant la science ?

- N'en a-t-il pas toujours été ainsi, avant que Galilée rue dans les brancards? Nous y reviendrons sans doute, lorsque les auteurs aborderont le chapitre sur "mythes, fantasmes et topos classifiants".

c/ L'entendement de 3e espèce selon Spinoza serait, bien entendu l'accord entre les deux approches précédentes, se traduisant en termes de transformation naturelle dans le passage du mode ♢ au mode ♧. (Note 7)

5/ Penser l'infini :

"P. G.-L. - ... Les mathématiques naissent donc à partir d'une affaire de nombres. En même temps que la représentation des grands nombres naît sans doute la pensée.
[...]
A. C. - Une des singularités de l'âme humaine est cet accès direct à l'infini. Il représente effectivement un avantage considérable au niveau de la sélection naturelle, mais seulement à très long terme !
" p. 92

Je serais plus réservé sur la question. Il me semble au contraire que le concept d'infini est très tardif. Voir la discussion au point b/ de l'article #1.

6/ La réminiscence :

"A. C. - Pour nous, ce qu'on déchiffre c'est du "déja là" qui était inconnu. Ce désir de déchiffrement permettant d'aller vers plus de vérité est la condition nécessaire pour pouvoir faire une découverte réelle, disruptive par rapport aux connaissances passées qui définissaient le champ de référence habituel d'études et de réflexions, c'est évident.
P. G.-L. - C'est parce que la psychanalyse a pu affirmer du sujet qu'il était plus parlé que parlant que l'exercice mathématique est si intéressant pour nous. Il nous semble s'inscrire dans un "essentialisme" qui ne peut que nous fasciner."
p. 94

Il me semble assister ici à un très ancien dialogue entre Socrate et Menon ! (Note 8)

J'ai dans l'idée, pour l'heure (ça reste à discuter) qu'il n'y a pas "quelque chose de déjà là", mais une "façon d'appréhender les choses de déjà là". La problématique ne serait pas dans la chose en soi, mais dans ce que l'on peut dire de la chose...

7/ La pulsion de mort :

Patrick Gauthier-Lafaye l'évoque à propos de l'autoanalyse que Grothendieck représente dans "Récoltes et semailles", et c'est un concept qui me semble superflu. Je ne le note ici que dans la perspective d'en discuter directement avec lui.

8/ De la nécessité d'échanger :

J'en suis intimement persuadé et c'est dans cette perspective que j'écris ces articles, dans l'espoir d'en discuter avec les auteurs !

- Amen, et je crois qu'il est temps pour toi d'arrêter cet article car je constate à la brièveté des commentaires que tu commences à fatiguer.

- Oui, je pense avoir vu l'essentiel des points qui pouvaient faire débat, la suite est plutôt du domaine de la discussion orale, plus vive et moins formelle, moins arrêtée.

Hari

La suite ici #5

Note 1 :

Voir :

Note 2 :

C'est équivalent au topos classifiant Ω du monoïde •, qui lui aussi a 3 valeurs de vérité. C'est assez simple à voir sur ce schéma : les valeurs de vérités correspondent aux 3 possibilités d'identifier, ou "retrouver l'image" de l'objet final (ici •) dans l'objet classifiant (ici Ω):

Conceptual Mathematics - Lawvere et Schanuel p. 345

Je dois remercier ici J.J. R. pour m'avoir indiqué ce rapprochement de façon très sibylline (comme toujours de sa part), lors d'une 3e mi-temps de l'atelier CLE, au bar Le Trac...

Note 3 :

Voir les articles 5 articles qui développent ma proposition, dont le premier est ici :

Note 4 :

Je fais référence ici aux statistiques de

  • Boltzmann (avec le principe d'exclusion de Pauli propre aux fermions)
  • Bose-Einstein (sans principe d'exclusion, s'appliquant aux bosons).

À rapprocher d'un traitement différencié entre points (•) (principe d'exclusion) et flèches ↑ vues comme "relations" entre points (•) et toujours potentielles (sans exclusion).

De ce point de vue, la statistique de Boltzmann résulte d'une rupture de symétrie dans le couple des deux statistiques possibles. Et c'est (à vérifier) à partir de la statistique de Boltzmann que l'on définit l'entropie et la flèche du temps, donc, toujours en [⚤]𓁜, comme le temps logique...

Note 5 :

Ce fut un concours d'érudition entre adeptes, au sein desquels les quelques privilégiés à avoir assisté à son Séminaire se remémoraient en aparté leurs souvenirs de jeunesse... Je me souviens, le dernier jour, d'avoir dit à table que, malheureusement pour moi, je ne pouvais pas discuter du transfert, faute d'avoir fait une analyse, et j'ai senti certaines alentour parcourues d'un frisson de commisération, du style "le pauvre: il est encore puceau, et n'a pas ressenti l'amour qu'inspire le maître". Impression qui me renvoyait à quelques allusions sur la propension de Lacan à se tenir au courant de qui couche avec qui dans ledit Séminaire, et tout d'un coup, j'ai vu ces vieilles adeptes d'un autre oeil, les imaginant dans l'ambiance soixante-huitarde de leur jeunesse (qui fut la mienne) et je retrouvais dans leur regard, la nostalgie de ce bon vieux temps de liberté sexuelle... 

Je ne dis pas que la psychanalyse ne peut pas être une science (double négation...), mais mes quelques incursions dans ce milieu m'incitent à penser que l'on y est plus enclin à commenter les textes sacrés qu'a les tester scientifiquement.

Note 6 :

Voir :

Note 7 :

Voir en particulier :

À propos du deus ex machina dont parlent les auteurs, il y a un rapprochement à faire avec la "causa sui" de Spinoza...

Note 8 :

J'avis abordé le sujet il y a longtemps, pour le retrouver ensuite dans la querelle des universaux voir ici :

Note 9 :

Par curiosité, j'ai recherché le séminaire en question. Il s'agissant de "Genèse et structures"  de 1959, dirigée par Maurice de Gandillac, Lucien Goldmann, Jean Piaget. Y participaient également Desanti, aux côtés de Derrida, que du beau monde !

L'intervention de Derrida s'intitulait "genèse et structure" et la phénoménologie.

Je pense que les actes du colloque doivent être intéressants.

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article