Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
24 Janvier 2020
- C'est très curieux de surprendre une idée au moment de son émergence. Elle commence à taper en tous sens pour trouver une sortie, comme un bébé tape du pied dans le ventre maternel, puis, profitant d'un instant de moindre résistance, elle se faufile par le bégaiement d'une pensée pour surgir en pleine conscience.
- Si tu commences comme ça, je m'attends au pire, qu'as-tu encore inventé?
- Laisse-moi préparer le terrain ! Tout commence par l'écriture de mon dernier article sur les quaternions (voir "quaternions, réalité du temps et espace imaginaire"), ou plus précisément lorsque je le prolonge d'une note trois jours après. Je t'en découpe une tranche autour du point qui nous intéresse ici :
"... Mais ton développement s'écroule dès que tu passes au niveau supérieur: en IR, la répétition n'est plus liée à la simple succession, mais à l'orthogonalité...
- Justement! N'est-ce pas au coeur de notre discussion à partir de C et H? N'est-ce pas le signe que l'espace est plus construit que le temps?
Dans C, nous avons vu que la "répétition du même" se traduit par une rotation, et à la différence passé/ futur correspond une différence du sens de rotation.
- Mais dans H une rotation est une opération plus complexe: tu appliques d'abord l'action q1 à q, ensuite tu "reviens sur tes pas" avec q1-1.... Comment faut-il le comprendre ?
- En disant que dans C on "tourne" dans un sens ou dans l'autre, en fait notre vocabulaire oublie tout simplement de représenter le temps sur un axe perpendiculaire au plan imaginaire C, c'est d'ailleurs toute l'ambiguïté du concept de "rotationnel" en physique: la rotation dans le plan nécessite de s'exprimer dans un espace en 3D.
Maintenant, en partant de la définition d'une rotation en H, pour la restreindre à celle que l'on a vue en C, on peut tenter d'y retrouver ce que nous avions dit en I01 des permutations et transpositions à partir d'un jeu de cartes (voir "La chiralité du temps" et "Évariste Galois #4 Symétrie et rotation") :
Pour mémoire:
Une transposition τ élémentaire est un acte "local", quand une permutation γ est un acte "global"; or, cette forme γ kτγ -k me fait irrésistiblement penser à q1.q.q1-1...
Et j'ai dans l'idée que sur S1 (les rotations dans C) un vermisseau unidimensionnel ne pourrait différencier le sens de sa marche (sa rotation) que par une différence "devant/ derrière") et qu'il n'aurait de ce fait qu'une vision "locale" de la rotation, quand en H un être en 4D pourrait définir "globalement" une rotation sur S3.
Alors, ce qui est localement "gauche/droite" en S1, devient en S3 une différence entre le point de vue global du Sujet sur la droite R en -1 (donc le Sujet en Im, ex post) et une vision locale (en I'm, et +1 sur R, ex ante).
- Autrement dit, le Sujet devrait attendre d'être en H, pour développer une "vision topologique" de ce qu'est une "rotation" ?
- C'est une hypothèse, qu'il faudrait vérifier...."
Cette expression "vision topologique" n'a strictement parlant pas été "pensée" comme telle dans l'instant de son écriture: elle m'a échappée dans mon effort pour nettoyer un développement un peu alambiquée: je relisais ce qui précédait pour en faire un résumé, et c'est là que s'est imposée l'idée que ma façon de parler d'une double approche (locale et globale) de la rotation revenait à ce que j'ai identifié comme propre à l'approche topologique des mathématiciens.
Et depuis ce moment, je me dis que cette image d'un vermisseau unidimensionnel se baladant sur S1 est bancale, que je n'ai toujours pas compris ce que pourrait être une description "locale" d'une rotation.
- De fait, je vois mal quel sens on pourrait donner à une "rotation intrinsèque", car il faut bien tourner par rapport à une référence fixe...
- Ah ! Tu mets le doigt dessus ! Imagine un astronaute en scaphandre, perdu dans le vide cosmique, si loin de toute masse que l'on pourrait négliger toute interaction d'ordre gravitationnelle sur lui. Maintenant, il ferme les yeux et perd toute référence par rapport aux étoiles. Question: a-t-il un moyen de savoir s'il est en rotation ou pas?
- La mécanique quantique nous susurre à l'oreille: le spin... Le spin...
- Oui, c'est ce qui se profile à l'horizon évidemment, et nous voici renvoyés à des questionnements en suspend (voir "métaphysique quantique de Dirac")... Sauf que depuis juillet dernier, j'ai quelque peu progressé dans ma représentation des rapports du Sujet à son discours. Laissons donc Dirac un moment, pour ronger notre os du jour: cette idée de "rotation intrinsèque".
Les derniers développements de notre approche nous suggèrent de comprendre ce concept comme la dégénérescence d'une rotation au sens classique, à savoir la rotation d'un objet par rapport à une référentiel donné. Cette régression Imaginaire passe, comme nous l'avons noté (voir "Les groupes d'homologies du Sujet") par une restriction des dimensions accessibles au Sujet, ce qui justifie de passer de S3 à S1 dans l'exercice.
- Bon, tout ça pour en revenir à ton vermisseau.
- La question est: comment un vermisseau de longueur L pourrait-il savoir qu'il se déplace dans un sens ou dans l'autre ?
- Il faut déjà une seconde dimension temporelle orthogonale à ta sphère S1.
- Accordé ! j'en parle déjà dans mon texte. Maintenant, chevauche ce vermisseau comme Paul Atréides un ver des sables. De quelle façon savoir si tu enchaînes les tours (dans le sens positif par exemple) ou si tu reviens sur tes pas? Admettons que tu puisses écrire, en faisant une encoche à chaque passage. Si la "tête" du ver rencontre des encoches, alors il progresse, si sa queue touche les marques en premier, alors, il recule.
Mais tu vois bien que cette image n'est pas correcte, car la rotation est encore celle d'un élément relativement à son environnement: un être unidimensionnel garde un sens par rapport à un repère extérieur, comme un vecteur. (note 2)
Non, pour avoir l'idée d'une "rotation intrinsèque", il faudrait envisager le déplacement d'un point de dimension nulle sur S1. Or, c'est une discussion que nous avons déjà eu, rappelle-toi, lorsque nous avons discuté de la distinction entre I'm et Im en I01, au stade du miroir (voir "De la propriété universelle en théorie des catégories").
Je n'y avais pas prêté attention à l'époque, mais l'opposition des sens de rotation du Sujet en Im et de son double en I'm s'introduit avant que le décalage I'm<Im initie pleinement l'approche topologique. La rotation s'imagine d'abord en référence au Sujet lui-même, avant qu'il la rapporte à un référentiel extérieur à lui.
Autrement dit cette opposition nette, qui a toutes les caractéristiques d'un spin (i.e.: sans référence à un repérage extérieur) vient à l'articulation entre une pensée strictement limitée à la logique en I01 et cette amorce de différenciation I'm/Im qui conduira à la pensée topologique en IR. (note 1)
C'est donc encore "observable" au sens de la mécanique quantique, bien qu'au-delà de la stricte logique des mathématiciens (i.e.: avec le concept d'objet classifiant de la catégorie des ensembles, voire des graphes en I01) et en-deçà de la topologie...
- Soit, mais quel rapport avec le temps ?
- Garde en mémoire que la différence de regard entre Im et I'm est également d'ordre causal et temporel (voir "La chiralité du temps" et "Représentation du temps et de la causalité") et revenons à notre être sans dimension sur S1.
Dire qu'il évolue vers le futur revient à dire qu'il tourne dans le sens positif sur S1, et régresse dans le sens négatif, et dans ce discours, nous avons une approche géométrique (ou topologique) de la définition d'une rotation. Maintenant, cet être sans dimension, s'il est "Sujet" d'un discours, sait s'il décrit son expérience depuis le point de vue de I'm ou de Im, et peut donc rapporter une "rotation intrinsèque" ou spin propre, à un sens de rotation sur S1, dans un discours tenu en Im.
Par convention, cet Im pourra dire qu'il évolue vers le futur si son spin est +1/2 (ou -1/2) et vers le passé s'il est de valeur opposée.
- Mais enfin, c'est du n'importe quoi ton histoire ! Cette idée de spin n'a rien à voir avec le sens de l'écoulement du temps!
- Oui, je le sais, mais cette idée a tellement insisté pour se jeter ainsi sous mon clavier qu'il me fallait bien lui laisser sa chance! Maintenant qu'elle est là, prenons le temps de tourner autour.
- Soit, faisons-lui de la respiration artificielle. Dans ces conditions qu'est-ce qu'un spin de valeur 0, 1 ou 2 ?
- Tu m'embarques plus loin que je ne sais. Le plus élémentaire serait peut-être d'en revenir à la distinction concernant la statistique des éléments:
Je n'en retrouve plus la trace, mais il me semble bien avoir quelque part émis l'idée que le boson était plutôt un concept "diachronique" (i.e.: un intercesseur) quand le fermion est plutôt "synchronique".
Si je m'en tiens à cette intuition, alors, le boson ne peut être décrit que de façon ex post, une fois qu'il a achevé sa médiation entre fermions, et donc, par Im, d'un point de vue global, alors qu'il est licite de parler du fermion soit d'un point de vue global (en Im), soit local (en I'm)... Je pense qu'il ne doit pas y avoir de difficulté à poursuivre le raisonnement à partir de cette différence.
Mais revenons à cette connexion spin/ temporalité qui semble un peu surréaliste à première vue.
L'intuition que j'en ai c'est qu'un spin demi-entier correspondrait à une vision partielle de l'histoire: je décris le fermion dans sa course vers le futur, quand son double (le non-dit) s'échapperait vers le passé.
Pour être plus précis : le Sujet discourant (en Im ou I'm) et l'objet de son discours fileraient de concert vers un futur commun (vu de Im ou I'm), ce qui expliquerait la "permanence" de l'objet, quand le fantôme de cet objet , ou plus exactement ce que le Sujet omet d'en dire (i.e.: I'm si Im parle et vice versa), s'évanouirait vers le passé...
- C'est un peu confus...
- Je t'offre la métaphore suivante : pour connaître le sens de lecture d'un texte hiéroglyphique, il faut regarder vers où se tourne le regard des personnages stylisés. Si les hiéroglyphes regardent vers la droite, alors la lecture se fait de gauche à droite.
Dans mon hypothèse, ce serait du même ordre: le regard du Sujet déterminerait le sens de l'écoulement du temps (celui du discours), et donc la pérennité de l'objet dans ce discours :
- Ces jeux de miroirs entre spin et temps me font penser aux symétries CPT...
- Il faudra y revenir en détail, mais je voulais rester au plus près de cette intuition qu'il y a une relation entre rotation et flèche du temps, bien avant toute considération thermodynamique...
Je sens que je vais avoir encore des nuits pleines de rêves, pour décanter tout ceci...
Hari
Je me rends compte que j'ai déjà abordé la question du rapport entre concept de spin et approche logique: voir:
Preuve sans doute que mes idées tournent longtemps dans ma tête avant d'arriver à maturité !
À la réflexion, cet argument me semble aller contre la théorie des cordes... Il faudra développer à l'occasion, mais je retrouve ici une raison aux réticences d'Alain Connes, ce qui, somme toute, me laisse en excellente compagnie !