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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Freud - L'interprétation des rêves - #8 - Mouvements Imaginaires

- Désolé de revenir encore sur le sujet, mais il me faut faire le point sur mes articles (Note 1), pour avoir les idées claires avant de progresser.

- Toujours pas de lecture de "Récoltes et Semailles" à l'horizon ?

- Nous sommes en fin d'année, l'époque des bilans, pour repartir d'un bon pied. Et puis, je pense avoir mieux compris le mécanisme de la pensée mythique (voir "Le mythe et ses logiques"), et pendant que c'est encore frais dans ma tête, j'aimerais voir si ce que nous avons extrait de notre champ de fouilles pouvait se retrouver sur cet autre chantier.

- Tu ne vas pas tout reprendre ?

- Je n'en ai pas le courage, non, je voudrais juste vérifier si notre hypothèse concernant l'utilisation du mythe pour "organiser" les représentations Imaginaires de nos sociétés depuis la nuit des temps, se retrouve déjà chez l'individu.

- Sur quoi fonder cette hypothèse ?

- Sur des raisons économiques : nous avons vu de quelle façon la parole était le moyen le plus économique de "rationaliser", ou de "faire coller" une réalité sociale à l'observation, or, la période de sommeil n'est-elle pas le moment pendant lequel l'être humain clarifie ses représentations mentales? Activité dont les rêves sont la trace évanescente, activité qui, comme toute activité du "vivant" en général, répond à un principe d'entropie, ici au niveau individuel, là au niveau social...

- Soit, mais quel mécanisme recherches-tu précisément ?

- L'activité mentale, du point de vue neurologique, se résume à des synapses, et le cerveau cherche constamment à diminuer l'énergie qu'il emploie en renforçant les circuits les plus simples. Lorsqu'un concept (déjà enregistré dans une cellule du cortex) correspond à un percept (venant de la périphérie du cerveau), il y a baisse de l'agitation, et le circuit établit se renforce dans la répétition.

Ce mécanisme absolument général, qui n'est pas propre à l'homme, doit correspondre à notre façon de "nous arranger" avec notre environnement, pour y survivre...

- Et ce mécanisme serait observable dans la pensée mythique ?

- Il n'y a aucune raison pour qu'une structure aussi universelle dans son expansion géographique, et stable à travers les siècles, échappe à un principe entropique fondamental.

- Bon soit, et comment caractériser cette structure? Par la forme canonique de Lévi-Strauss ?

- Par ses travaux, il a effectivement trouvé le mécanisme, cependant, et ceci grâce à un point de vue emprunté aux maths d'aujourd'hui, nous avons creusé un peu cette forme canonique, pour arriver à quelque chose de plus élémentaire. Pour que notre expérience du monde corresponde à nos schémas mentaux, il faut quelques fois procéder à des réajustements de ces schémas, et c'est ce que nous appellerons un "acte de création".

- OK, et tu fais le lien entre la création mythique et le mécanisme d'ajustement dans le rêve ?

- C'est ce que j'aimerais vérifier.

- D'accord pour le contexte, mais comment décris-tu cet acte de création, et qu'y a-t-il de nouveau par rapport à ce que tu en as déjà dit ?

- Nous y sommes. J'avais bien une idée des niveaux et des modes pour représenter notre Imaginaire, mais je n'avais pas encore pris conscience d'avoir sous les yeux une "surface topologie" au sens mathématique du terme, et que "niveaux" et "modes" en étaient les deux dimensions orthogonales. Par ailleurs, je n'utilisais pas rigoureusement les changements de logiques qui accompagnent les mouvements du Sujet dans cet Imaginaire. Enfin, c'est assez récemment que j'ai caractérisé deux perspectives lorsque l'on se situe sur cette surface, (voir "De la philosophie comme sport de combat"). (Note 3)

   topologie Imaginaire Philosophie Physique
  La voie des choses (𓁝𓁜) Platon Einstein
  La voie des mots (♧𓁝𓁜♡)  Wittgenstein Bohr

- Et si tu abrégeais les préliminaires pour aller à l'essentiel ?

- Lévi-Strauss insiste sur notre façon de définir nos concepts de manière dichotomique : jour/ nuit, blanc/ noir, haut/ bas etc. On peut en déduire que "naturellement", nous donnons sens aux choses en suivant une logique du 1er ordre (Note 2). Par ailleurs, dans notre rapport au monde, et en nous référant cette fois à Lacan, nous avons développé une représentation duale des postures du Sujet 𓁝𓁜 plongé dans son Imaginaire :

  • 𓁜 en posture ex post ou globale, orienté vers le Réel, qu'il peut dénoter;
  • 𓁝 en posture ex ante, ou locale, orienté vers le Symbolique qu'il peut seulement connoter.

Ces deux postures se traduisant en langage mathématique par la propriété universelle attachée aux objets initial et final. C'est pourquoi j'ai considéré que nous avions là les "bords" extrêmes de notre Imaginaire en écrivant [∃]𓁝𓁜[∅].

- Abrège, ne nous refait pas ta leçon...

- Soit, et donc, pour parler en [⚤], dans une attitude essentiellement tournée vers ce qui le conditionne, soit physiquement, soit psychiquement, il est assez naturel d'utiliser encore cette logique du 1er ordre.

- En résumé : logique du 1er ordre en [⚤] et [⚤]?

- Ça me semble raisonnable, en tout cas, c'est de là qu'est parti notre discours philosophique depuis qu'Aristote a théorisé le principe du tiers exclu et celui de non-contradiction (Note 2).

Maintenant, nous en arrivons au mode syntaxique ♢ médian, entre la sémantique en ♡ et les signifiants en ♧.

C'est dire que du coup, notre intention porte sur le langage et notre attention est dirigée selon l'axe (♧𓁝𓁜♡)...

- Tout comme celle du conteur récitant un mythe ?

- Exactement. Et donc, si l'on en revient à l'objet du rêve, il faut prendre en compte ce changement de perspective pour le caractériser comme un travail de mise en adéquation en ♢ entre le sens que nous donnons à nos expériences du Réel en ♡, et ce qui en remonte depuis ♧.

- En profitant d'un relâchement dans les logiques qui s'y déploient ? (voir "Le mythe et ses logiques")

  • (P∨¬P) : Principe du tiers exclu
  • (¬¬P=P) : Principe de non-contradiction 
  • L1 : Le respect de ces deux principes définit la logique du 1er ordre.
  [⚤] [#]
L1 (P∨¬P)
(¬¬P=P) (P∨¬P)
L1 (P∨¬P)

- Voilà, le terrain est balisé, maintenant, nous pouvons revenir au rêve de l'injection faite à Irma, qui selon Freud, marque la naissance de la psychanalyse.

Tu remarqueras tout d'abord que pour Freud, ce rêve répond à son désir de se disculper des souffrances infligées à Irma, et que cette scène onirique est un plaidoyer pour son innocence. Il utilise le rêve pour se décharger de la culpabilité associée à l’état d’Irma, qui souffre de divers maux.

- Si j'ai bien compris, Freud souffre d'un décalage entre ses valeurs, ce qu'il pense être en ♡ et ce qu'il a produit concrètement sur Irma en ♧.

- Voilà, d'où tension, agitation, et besoin de "faire baisser la pression". Tu remarqueras qu'il n'est pas question de "réparer" les conséquences de ses actes en ♧, ni de revenir sur ce qu'il pense de lui en ♡, mais d'un "bricolage" nocturne, le cerveau pratiquement coupé des percepts, engageant le minimum d'énergie soit physique en ♧, soit de contrôle en ♡.

- Oui, nous sommes donc en plein mode ♢ entre ♧ & ♡ où il médiatise son rapport à Irma, en passant par des tiers : "c'est pas moi, c'est l'Autre". Mais où est le mécanisme mythique là-dedans ?

- Tu viens de mettre le doigt dessus : "c'est pas moi, c'est l'Autre". Oui, tellement immémorial qu'il s'est glissé sous ta plume sans que tu t'en rendes compte. La Fontaine l'exprimait fort bien dans la fable du loup et de l'Agneau.

  • Loup : « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère. »
  • Agneau : « Je n’en ai point. »
  • Loup : « C’est donc quelqu’un des tiens ; Car vous ne m’épargnez guère… »

Pour établir une symétrie, il y a toujours une place vide qui s'invite, et qu'il s'agira de combler ensuite. Dans la fable, c'est "quelqu'un des tiens", chez Freud, c'est son confrère Otto, et chez les Jivaros, c'est Engoulevent-1.

- Il faut donc comprendre Otto comme Freud-1 et "l'un des tiens" comme Angneau-1 ? Mais il n'y a pas là de sacrifice.

- Le mécanisme de symétrisation est la base implicite à partir d'où construire le mythe, mais de portée plus générale, et là, tu es vraiment au fond de la mine à attaquer le dur. 

- Je ne comprends pas : tu avais déjà reconnu l'universalité de notre façon de classer les concepts par dichotomie ?

- Dans une approche (𓁝𓁜), la logique en [⚤] est binaire, mais dans le rêve, comme dans les contes, nous sommes dans une perspective (♧𓁝𓁜♡), en [⚤], et cette symétrie recherchée a une structure de groupe, avec un élément neutre qui vient s'intercaler entre les deux termes de ta dichotomie. Et ce jeu entre les mots, permet de s'arranger un peu avec la représentation de la réalité sans toucher au sens qu'on veut lui garder.

- Ce n'est pas propre au rêve, je pense aux Sophistes, à la casuistique, et tout l'art de la diplomatie.

- Je te l'ai dit : le mécanisme est absolument général, mais restons-en au rêve et à l'inconscient. Quand je parle d'une recherche de symétrie, je pense bien évidemment à Emmy Noether et son triptyque (i.e.: indétermination/ symétries/ quantité conservée").

Pour ce qui nous occupe ici, l'indétermination renvoie à la liberté de choix du Sujet pour meubler cette place en attente, quant à la quantité conservée, c'est la substance même de son être, persistant au-delà des projections (symétriques) qu'il en donne. Avec toutes les discussions que tu sais autour de cette "substance".

- Je croyais que tu associais les symétries au niveau des formes [#], géométriques en [#] ou topologiques en [#]♢ ?

- Merci pour la transition. Platon les situait en [♻] avec ses solides, d'où ils ont ensuite migré vers la géométrie en [#], pour envahir [⚤] avec Grothendieck (derrière Galois)...

- Tu prépares le terrain pour une description du Sujet par un topos en [♻], représentable par des schémas [⚤]←[#]♢ ?

- Bien entendu. Disons que la perspective est tracée, mais tu as raison : le rêve mêle représentations spatiale et discursive (avec la formule de la triméthylamine dans le cas du rêve de l'injection faite à Irma) ayant chacune sa logique propre, et ce n'est pas anodin.

- OK, et si après avoir délimité le champ opératoire et affûté ton bistouri, tu t'attaquais enfin à ce rêve ?


Le 13/ 12/ 2024 :

- En relisant mon article initial sur ce rêve ("L'injection faite à Irma"), je me rends compte tout de suite de l'insuffisance de mes outils pour aborder le texte.

- Tu fais ton autocritique où tu parles du rêve ?

- J'hésite.

- Écoute, aussi utile que puisse être le suivi de ta propre évolution, ça n'a d'intérêt que pour toi, et ça rallongerait le texte jusqu'à fatiguer. Reprends tout à zéro et fait court : c'est la meilleure façon de montrer l'efficacité de ton approche.

- D'accord : je repars donc de ces trois vidéos de M. Serafino Malaguarnera :

  • La première rappelle la structure du rêve rapportée par Freud (bien que le contexte qu'évoque Lugrin y soit singulièrement absent !)
  • La deuxième parle de l'interprétation de Lacan.
  • La dernière parle du désir et de la culpabilité.

Vidéos passionnantes, qui me replongent dans mes lectures de Lacan d'il y a quelques années déjà, mais je ne veux pas me laisser porter par mon enthousiasme et commenter des commentaires, en allant au plus immédiat, au texte de Freud :

"Un grand hall - beaucoup d’invités, nous recevons. - Parmi ces invités, Irma, que je prends tout de suite à part, pour lui reprocher, en réponse à sa lettre, de ne pas avoir encore accepté ma «solution». Je lui dis: «Si tu as encore des douleurs, c’est réellement de ta faute.» - Elle répond: «Si tu savais comme j’ai mal à la gorge, à l’estomac et au ventre, cela m’étrangle.» - Je prends peur et je la regarde. Elle a un air pâle et bouffi, je me dis: n’ai-je pas laissé échapper quelque symptôme organique ? Je l’amène près de la fenêtre et j’examine sa gorge. Elle manifeste une certaine résistance comme les femmes qui portent un dentier. Je me dis: pourtant elle n’en a pas besoin. -Alors elle ouvre bien la bouche, et je constate, à droite, une grande tache blanche, et d’autre part j’aperçois d’extraordinaires formations contournées qui ont l’apparence des cornets du nez, et sur elles de larges eschares blanc grisâtre. - J’appelle aussitôt le Dr M..., qui à son tour examine la malade et confirme... Le Dr M... n’est pas comme d’habitude, il est très pâle, il boite, il n’a pas de barbe.. . Mon ami Otto est également là, à côté d’elle, et mon ami Léopold la percute par-dessus le corset; il dit: «Elle a une matité à la base gauche», et il indique aussi une région infiltrée de la peau au niveau de l’épaule gauche (fait que je constate comme lui, malgré les vêtements)... M... dit: «Il n’y a pas de doute, c’est une infection, mais ça ne fait rien; il va s’y ajouter de la dysenterie et le poison va s’éliminer.» Nous savons également, d’une manière directe, d’où vient l’infection. Mon ami Otto lui a fait récemment, un jour où elle s’était sentie souffrante, une injection avec une préparation de propyle, propylène... acide propionique... triméthylamine (dont je vois la formule devant mes yeux, imprimée en caractères gras)... Ces injections ne sont pas faciles à faire... il est probable aussi que la seringue n’était pas propre."

- Ce n'est pas suffisant : il faut encore lire les propres commentaires de Freud...

- J'ai trouvé ce texte sur internet, que je ne vais pas reprendre ici. On peut dire que M. Serafino Malaguarnera en fait une bonne présentation dans sa première vidéo. Je vais me contenter de reproduire son schéma : (vidéo à 6'59")

Rêve de Freud - Malaguarnera

En place centrale du rêve, il y a bien entendu cette tâche occupant le vide de la bouche ouverte, et une bascule entre le Moi de Freud, présent dans la première partie, absent dans la troisième.

- Où tu retrouves immédiatement ton "c'est pas moi, c'est les autres" ?

- Oui, et maintenant que nous savons ce que nous cherchons, n'est-ce pas évident ?

- Ceci dit, tu n'as pas construit un topos pour te contenter de si peu, non ?

- Il y a cette structure ternaire qui insiste ici, en particulier dans la lecture de Lacan, sur laquelle je m'étais déjà pas mal appesanti dans mes premiers commentaires, et qui nous renvoie à beaucoup d'autres réflexions sur ce thème. (Note 4)

- Soit, mais il convient aujourd'hui d'arriver à des évidences.

- Je parle du "Sujet comme topos", mais en fait, il conviendrait mieux d'écrire "le Moi comme topos", tout simplement parce que nous sommes dans la syntaxe, en mode ♢, en train d'expliciter le Sujet par ses relations.  Ceci précisé, le passage d'Irma à ses projections ou du Moi de Freud dans le trio Otto, M. et Léopold, a tout du passage de la substance (le volume) en [♻] à sa frontière (la surface) en [#].

- En résumé une projection : [#]←[♻], mais là rien de neuf.

- Certes, mais le 3 suggère le dernier pas : [⚤]←[#]←[♻], avec un bouclage direct [⚤]←[♻] (la mesure de [♻] est exprimable en [⚤], lieu de l'objet discriminant).

- Où tu retrouverais ton topos en [♻] comme "lit du discret [⚤]♢ et du continu [#]", et [⚤][#] comme schéma dudit topos.

- Mais est-ce bien implicite dans ce rêve ? Et qu'exprime la "parole vraie" de Freud en [⚤]?

- C'est la formule de la triméthylamine qui présente une structure ternaire bien caractéristique: (à 19'27" de la deuxième vidéo)

Lacan et l'injection - Malaguarnera

Et, là, nous glissons d'un discours sur le Moi, dans la "voie des choses" (le rêve de Freud) à un autre discours dans la "voie des mots" (l'interprétation de Lacan), que je n'aurais pas pu identifier il y a seulement quelques mois.

- Toute la question est de savoir si ce commentaire de Lacan a du sens pour Freud, autrement dit cette formule est l'expression "vraie" de l'inconscient de Freud ?

- Freud lui-même n'aurait sans doute pas pu l'exprimer consciemment, si tant ai que ce soit le cas.

- Difficile de le lui demander...

- Sauf si la structure en question est de nature "universelle" dans le sens qu'on lui donne en théorie des catégories.

- Tu en reviens à ton hypothèse d'une recherche de symétrie en [⚤], qui s'exprimerait a minima par une structure de groupe comprenant un élément a et un élément neutre (a, a-1,e) ? 

- Exactement. Il faudrait donc identifier a, a-1 et e dans la structure qui nous est présentée.

- Facile, à partir de cette idée que "c'est pas moi, c'est l'autre" tu peux comprendre l'élément "les docteurs" comme ce qui n'est pas Freud, avec Freud-1 = (Otto, M., Léopold).

- Exact, et l'élément neutre, c'est cette béance dans la bouche d'Irma, autour de laquelle pivote le récit.

- Tout ceci est assez élémentaire, mon cher Watson...

- Oui, mais nous n'avons pas expliqué ce qu'en dit Lacan et auquel je reviens sans cesse depuis "L'Homme Quantique" : (repris d'ici) :

« C’est le spectacle d’horreur par excellence ! C’est la chair qu’on ne voit jamais : le fond des choses, l’envers de la face, du visage, les sécrétas par excellence, la chair en tant qu’en sort tout ce qui en sort, au plus profond même du mystère, la chair en tant qu’elle est souffrante, qu’elle est informe, que sa forme par soi-même est quelque chose qui provoque l’angoisse. C’est de cela qu’il s’agit dans cette vision d’angoisse, avec tout ce que comporte aussi d’identification d’angoisse, dernière révélation le “tu es ceci”, “tu es ce qui est le plus loin de toi, tu es ce qui est le plus informe, le plus impossible à révéler.” C’est devant cette révélation du type Mane, thecel, fares que Freud arrive au sommet de son besoin de voir, de savoir, de chercher dans ce dialogue, au niveau strict du dialogue de l’ego avec l’objet. Voilà où nous arrivons. »

Le "tu es ceci", comme la locution latine employée par Lacan "Mane, thecel, fares" ou encore la façon de "tourner autour" de ce "point d'ombilic" qui provoque l’angoisse, font plutôt penser à une angoisse existentielle du Sujet, face au vide [∅] au-delà même de toute loi qui l'écraserait [♲], en position de recherche 𓁝 (besoin de voir, de savoir), plutôt qu'un dialogue avec "l'objet" au sens de [∃].

Voilà ce que je te propose :

  1. Dans la présentation d'Irma, Freud est en posture [⚤]𓁜; avec le Réel en point de mire, c'est l'élément "a" de notre structure de groupe;
  2. Dans la contemplation de cette bouche ouverte, il passe en 𓁝[⚤]; ouvert sur le Symbolique, et cette bouche est notre élément neutre "e";
  3. Dans la dernière phase du rêve, il passe à a-1, autrement dit les docteurs en retrouvant sa posture [⚤]𓁜.

- Tu n'expliques rien du texte de Lacan.

- Laisse-moi y venir : notre "élément neutre" est l'expression algébrique [⚤] de ce qui est un "bord" en [#]. Or, reviens à la construction homologique à partir de l'aphorisme "un bord n'a pas de bord". À l'étape ∆n de la construction, un bord d'un objet en ∆n+1, est une circulation autour d'un vide (i.e.: en attente d'être rempli à l'étape suivante). Et par ce "vide" vu 𓁝[#], tu es en attente de voir "quelque chose", de niveau [♻].

- J'ai compris : cette ouverture 𓁝[⚤], c'est comme le terrier du Lapin Blanc d'Alice, et ton horizon s'élargit d'un niveau à l'autre 𓁝[⚤]→𓁝[#]→𓁝[♻]→𓁝[∅], jusqu'à la porte vide, l'"objet initial", débouchant sur le Symbolique 𓁝[∅]. C'était déjà dans tes commentaires d'alors...

- Sans doute, mais nous y revenons aujourd'hui en collant au plus près à notre topos. Lorsque Lacan écrit "C’est devant cette révélation du type Mane, thecel, fares que Freud arrive au sommet de son besoin de voir", nous avons déjà relevé un parallèle entre ce triptyque et nos trois niveaux [⚤][#][♻] (voir la Note 1 de "L'Imaginaire fractal #2") :

Mané Fares Thécel
[⚤] [#] [♻]

Tu vois de quelle manière nous précisons ce "besoin de voir", qui n'est plus dès lors celui de Freud, mais relève bel et bien de l'universel.

Maintenant regarde les grandes manoeuvres auxquelles Freud se livre dans son rêve autour de cet objet "neutre" qui est en l'occurrence la bouche d'Irma. Il s'agit de changer de voie, en passant de :

  • la voie des choses [⚤][#][♻][∅] (avec cette horreur au bout du tunnel) à
  • la "voie des mots" (et je pense sur le coup à nos mots sont nos maux) à partir de cette échappatoire absolument universelle : "c'est pas moi, c'est les autres", par quoi il substitue Freud-1 à Freud, d'autant plus facilement qu'il s'agit "juste" de remplacer le Moi par son image dans le miroir (l'élément neutre).

- C'est comme une valse ! Un, deux, trois, un, deux, trois...

- Oui, et la "parole vraie" de Freud pourrait bien être la prise de conscience de ce tempo universel.

- Bon, soit, mais quid de la mauvaise conscience et du désir ?- Là-dessus, je laisserai volontiers la parole aux psychanalystes, car ce n'est pas à proprement parler mon sujet, et ce que je pourrais en dire serait inconsistant.

- Amen

Hari

Note 1 :

Je fais référence à :

Note 2 :

Pour mémoire la logique du 1er ordre respecte :

  • Le principe du tiers exclu
    stipulant qu'une proposition est soit vraie, soit fausse, sans possibilité d'un état intermédiaire. En d'autres termes, pour toute proposition P, il doit être vrai que P ou ¬P, ce qui se résume par la formule latine "Tertium non datur" (le tiers n'est pas donné) : noté (P∨¬P)
  • Le principe de non contradiction :
    stipulant qu'il est impossible qu'une même proposition soit à la fois vraie et fausse. En d'autres termes, si une affirmation est vraie, sa négation doit être fausse. Pour toute proposition P, il ne peut pas être vrai que P et ¬P soient toutes deux vraies en même temps. Un système logique qui respecte le principe de non-contradiction est dit consistant, (i.e. : il ne contient pas d'antinomies). Cela garantit que les conclusions tirées au sein de ce système sont valides. En particulier ¬¬P=P.

Je me suis arrêté à Aristote, mais l'on peut évidemment gratter plus profond : pour retrouver la dialectique de Platon, voire l'école de Pythagore.

Note 3 :

- J'ai déjà défini des "postures" ex post et ex ante du Sujet se déplaçant linéairement selon l'un des axes "niveaux" / "modes" de notre topologie Imaginaire, mais je cherche un terme pour désigner la dualité (𓁝𓁜) / (♧𓁝𓁜♡).

- Et si tu empruntait l'idée japonaise de la "voie" (do), comme la voie du guerrier (bushi-do), celle du thé (cha-do), des fleurs (ka-do) ou celle de la souplesse (ju-do) , bref un "do" ?

- Va pour l'idée de "voie", qui traduit bien l'idée d'une direction. Il y aura donc:

  • (𓁝𓁜) : La  "voie des choses";
  • (♧𓁝𓁜♡) : La "voie des mots".

Note 4 :

Voir en particulier :

- Que vient faire ici cette référence au théâtre No ?

- Oui, c'est une heureuse surprise : c'est venu en scannant mon blog avec le mot clef "trilogie", mais après réflexion, c'est extrêmement bienvenu : le concept de Ma 間 est en phase avec ce que nous disons ici de l'élément neutre d'un groupe !

- Tu l'avais placé au niveau [♻], au point de proposer cette correspondance :

objet final temps espace espace/temps objet initial
[∃] [⚤] [#] [♻] [∅]
[∃] [時間] [空間] [間] (Ma) [無] (Mu)

C'est exact, et ça pose un problème intéressant. La correspondance que j'avais présentée était de mode ♧, alors que je m'intéressais beaucoup à la relativité. Dans ce contexte, le "Ma" peut être vu comme l'espace-temps, qui "soutient et sépare" les choses.

Maintenant, nous parlons de relations, en mode ♢, d'où l'apparition de cet élément neutre entre l'objet et son inverse objet-1; et cet "entre" les deux se reflète bien dans le concept de "Ma" Japonais.

Il faudrait y réfléchir un peu. Et pendant que je laisse filer ma pensée, je fais le lien avec les conditions a priori de l'entendement. Il faudrait approfondir le sujet. (voir "Et Kant ?")

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