Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
21 Septembre 2016
Note du 18/ 12/ 2024 :
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Misse à jour du 21/ 03/ 2024 :
- Je suis toujours dans mes ruminations sur les différentes logiques attachées aux postures du Sujet dans son Imaginaire.
- Fais un rappel pour ceux qui débarquent.
- J'invite à lire mes derniers articles, à partir de "Parole et création #1". Il se dégage clairement, depuis les travaux d'Évariste Galois, jusqu'à la définition des groupes d'homologie et de cohomologie, que dans le schéma Imaginaire limité à 3 modes, les 3 cellules surlignées en jaune :
[∃]♡ | [⚤]♡ | [#]♡ | [♲]♡ | [∅]☯ |
[∃]♢ | [⚤]♢ | [#]♢ | [♲]♢ | [∅] |
☯[∃]♧ | [⚤]♧ | [#]♧ | [♲]♧ | [∅] |
se distinguent par le respect ou non de deux principes fondamentaux de la logique du 1er ordre ; à savoir:
Il m'a fallu du temps, et la longue liste de mes articles garde la trace mon parcours un peu heurté, il faut bien le reconnaître; mais a posteriori, et en se dégageant de tout ce qui est proprement mathématique, je peux présenter les choses assez simplement :
Soit le tableau suivant :
[⚤]♧ | [⚤]♢ | [#]♢ | |
Tiers Exclu | Oui | Oui | Non |
Non-contradiction | Oui | Non | Oui |
- Merci pour le résumé, mais le schéma en L dans tout ça ?
- Nous sommes revenus à la forme canonique des mythes, en faisant le point sur le concept de "schéma" de Grothendieck cf. ici dans "Parole et création #2", et comme toujours le schéma en L me semble nécessairement devoir être en accord avec nos façons les plus primitives de penser, partant du principe que l'homo sapiens n'a pas fondamentalement évolué depuis qu'il parle.
- Ça devient un gimmick sur ce blog, ton ballet entre les deux... Et donc, cette fois-ci où cela va-t-il te conduire ?
- J'en étais à un rapprochement entre la représentation des classes par leurs totems, et le concept de schéma chez Grothendieck :
[⚤]♢ | ← | [#]♢ | |
Schéma | S | f | X |
Mythe | Totem | Objet |
- Je ne vois toujours pas le schéma en L ?
- Il y a deux paires en relation :
Je te propose l'hypothèse suivante :
La relation entre a' et a serait le "schéma" d'une relation entre S et A.
Autrement dit, nous aurions ceci :
[⚤]♢ | ← | [#]♢ | |
a <=> a' | S <=> A |
- Comment justifies-tu cette présentation ?
- Cette écriture me semble clarifier énormément le schéma originel.
1/ Tout se situe dans l'Imaginaire, en mode relationnel entre le Sujet et l'Autre.
Ça évite nombre de problèmes d'écriture, comme par exemple structurer le Symbolique.
- Précise ?
- Par définition, le Symbolique chapeaute le Sujet 𓁝☯: , qui ne peut pas le dénoter, en posture 𓁜, mais seulement le connoter en posture 𓁝. En conséquence, la flèche "inconscient" qui se réfère au "Je est un Autre" définissant le Sujet au plan Symbolique, n'est qu'une représentation Imaginaire de cette dépendance du Sujet à l'Autre.
2/ En plaçant le lien S <=> A au niveau [#], nous respectons l'idée que le Sujet se construit dans ses rapports à l'Autre.
3/ En plaçant le lien a <=> a' au niveau [⚤], nous respectons l'idée d'une restriction de S à son image a', son "moi", en rapport à l'image a qu'il se fait de l'Autre A ; avec un retournement, dont nous avons beaucoup parlé en particulier au stade du miroir : [⚤]𓁝𓁜[#]⏩[⚤]𓁝𓁜[#].
- Pour quel gain ?
- Si notre perspective est juste, il s'ensuit que ce qui se présentait comme un rapport "constructiviste" de S à A (Je est un Autre), va se traduire en termes de "restrictions" (Je ne suis pas mon Père).
- Avec une ambiguïté car le principe de non-contradiction n'est pas de mise en la matière.
- Effectivement, et l'on peut dès lors compléter ce schéma par la descente ♢↓♧, par laquelle le langage "objective" les problèmes relationnels en [⚤]♧.
- Ça a l'air de tenir la route... En attendant que tu en arrives enfin à la représentation du Sujet par un topos.
- C'est la prochaine étape.
- Amen
Hari
Note de relecture au 23/ 01/ 2022 :
Il faut reprendre tout cet article car non seulement l'Imaginaire est constitué en "niveaux" mais encore en "modes". Voir dans "Cohérence épistémologique" une interprétation de ce schéma en termes de "foncteur", et de "covariance/ contravariance" du Sujet.
Note de relecture au 21/11/2019 : Les termes utilisés dans l'introduction de cet article demanderaient à être mieux cernés. Voir la note du 04/06/2018.
En particulier, le Symbolique d'un Sujet donné n'est pas strictement limité au Sujet, puisque ce dernier n'est pas "séparable", au sens mathématique que l'on peut donner au terme, de l'Autre.
Ce billet, fait suite au précédent "Le mythe de la potière jalouse". C'est une relecture du schéma en L, deux ans après avoir écrit ce précédent billet "Dynamique du schéma en L", avant mon incursion dans le domaine des mathématiques, nous verrons ce qu'il en advient.
De quoi s'agit-il dans ce schéma ? De présenter le processus par lequel un Sujet S (nous discuterons plus avant de cette dénomination) en vient à former une image de lui-même, son "moi", imaginaire par définition, au contact de ses proches (le A ou "grand A", dont nous discuterons également).
L'idée de Lacan, c'est que ce processus a tout d'un "reflet". Le point d'orgue du processus, le moment de cristallisation c'est, chez le jeune enfant, le stade du miroir. L'enfant se constitue en comprenant qu'il est le fait générateur du reflet dans la glace. De même situe-t-il sa place en complétant le discours de l'Autre: lorsque A lui dit "je suis ton maître", S entend "je suis ton élève", ainsi de suite.
L'idée qui me vient est ce tableau de Velasquez par lequel Foucault introduit "les Mots et les choses":
Velasquez, par ce tableau, me met en position d'en être le spectateur...
Mais, et c'est là où je veux vous mener : cette façon de procéder ainsi en "tournant autour du pot", si je puis dire, est fondamentalement une construction mythique, pour connoter un symbole qui échappe, situé par delà le discours (1). Dans une série homogène de mythes, on repère la mise en jeu d’un symbole lorsqu’une même image change de sens d’une version à l’autre. Par exemple, à propos de la présence / absence des arbres qui forment un symbole dans une série de mythes du lynx et du coyote :
« … On part d’une opposition majeure entre absence d’arbres (…) et leur présence. (…) Présent, l’arbre est soit concave (la pirogue qui bascule), soit convexe. Convexe, l’arbre se matérialise sous deux formes entre lesquelles existe un rapport de corrélation et d’opposition : la bille de bois à l’extrémité de laquelle la fille s’assied et qu’elle fait basculer, et l’arbre tombé en travers du sentier qu’elle enjambe maladroitement et qui la fait trébucher (c’est alors elle qui bascule)". (Levi-Strauss, Histoire de lynx, 1991), p. 1290.
C'est dire que "ce qui se constitue comme individu et se représente comme moi, se fait, en position ex-ante par rapport à "ce qui le constitue".
Il y a donc une différence de point de vue à prendre en compte entre Lacan expliquant sa théorie, et le sujet dont il parle: Lacan est en position ex post par rapport à son discours, en particulier par rapport au système symbolique du Sujet, tandis que le Sujet lui-même est fondamentalement en position ex-ante par rapport au même système symbolique (2).
Lorsque, par exemple, Lacan met en relation le Sujet S et l'autre A, de façon "inconsciente", il est bien évident que cette distinction n'est pas "dicible" par le Sujet lui-même.
Nous en revenons à la distinction Imaginaire / Symbolique. Et nous y verrons déjà un peu plus clair en disant que a, le moi du Sujet comme a', le discours de l'autre sont du domaine de l'Imaginaire, alors que S et A sont du domaine Symbolique (du Sujet, bien sûr, nous ne parlons pas ici de celui de Lacan...).
Quoique nous n'en ayons pas fini avec ce S. L'idée plus primitive de Freud, c'est que ce S, procède du "Ça" (d'où ce "Es" allemand dans le schéma), c'est-à-dire qu'il s'impose comme le produit d'une pulsion très primitive qui "pousse" à survivre. Le schéma général étant que cette pulsion qui vient du "Réel", se heurte aux normes imposées par l'Autre, du domaine du Symbolique.
Il y aurait donc un processus général, immanent, de regroupement du divers, mû par une pulsion vitale, inhumaine en soi, vers l'unité, qui serait cadré par un processus transcendant l'individu, pour le "sociabiliser".
Nous voici revenus au triptyque Réel / Imaginaire / Symbolique. Avec ce Sujet qui décidément se retrouve à tous les étages ! Et nous avons deux façons d'en parler : soit du point de vue du Sujet lui-même, soit du point de vue de Lacan.
Comment voulez-vous faire tenir tout ceci sur une feuille de papier, sans au préalable définir quelques règles?
Nous allons dire dans un premier temps que a et a' sont du domaine de l'Imaginaire, pour le Sujet lui-même, comme pour Lacan. Il s'agit de discours, qui peuvent être entendus ou distordus, mais qui sont bien audibles.
Le point fondamental, qui n'est pas rappelé ici, c'est que seul l'imaginaire peut s'ouvrir à la conscience. Sous la condition de "prendre conscience" de deux niveaux synchroniques différents. Ce qui va de pair avec la possibilité de "prendre conscience du temps". C'est essentiel, et nous en avons parlé dans ce billet "conscient/ inconscient". De ce point de vue, l'inconscient n'est pas une instance, que l'on pourrait situer "à côté" du conscient, mais, en quelque sorte un mode de fonctionnement dégradé de l'Imaginaire : lorsqu'il n'est plus à même de saisir et de lier en même temps deux objets de niveaux Imaginaires différents. C'est-à-dire, lorsque le système d'acquisition de la mémoire factuelle est hors circuit, en gros lorsque l'hippocampe est en vacances. Il est vrai que j'aurais du continuer mes investigations dans ce domaine.
Il y a quelque difficulté à définir cette liaison, (je lis dans certains commentaires "axe inconscient", dans d'autres "axe symbolique"); d'où sans doute cette ligne à moitié en pointillé. Le terme "inconscient" est un fourre-tout où cohabitent le Symbolique (domaine de A) et le Réel (domaine du Ça). Il convient d'y mettre un peu d'ordre pour y comprendre quelque chose.
Je pense qu'il faut dire en tout premier qu'il y a deux types d'inconscient: l'un relatif au Réel, l'autre relatif au Symbolique.
Inconscient relatif au Réel:
Nous pouvons le caractériser en nous référant au processus neurologique de la mémoire événementielle dont nous avons parlé dans ce billet: "synchronicité de la mémoire à court terme". Nous y avons vu en oeuvre un processus combinant deux concepts, l'un synchronique, l'autre diachronique. C'est-à-dire une différenciation Imaginaire, demandant pour être exprimée, deux niveaux synchroniques. L'inconscient se situe au dernier stade Imaginaire, au contact brut du Réel, lorsque je n'ai plus le recul nécessaire pour distinguer 2 niveaux synchroniques Imaginaires. Lorsque mon Imaginaire n'amortit plus le choc du Réel, c'est proprement la tuchê.
Physiologiquement, cet inconscient peut être rapproché de la mémoire procédurale.
J'ai un souvenir personnel assez émouvant à ce sujet. Je visitais il y a peu, mon père et ma belle-mère, qui est malheureusement atteinte de la maladie d'Alzheimer. Nous étions assemblés autour d'elle qui ne nous reconnaissait pas, appelant son mari "monsieur". Nous essayions en vain de la faire se situer par rapport à chacun de nous. Puis, au moment de partir, elle nous dit, se tournant vers mon père: "mais celui-là, je l'aime".
Cet amour n'était donc pas du domaine de la remémoration, de sa mémoire factuelle, chronologique, mais intériorisée au niveau de sa mémoire procédurale, atemporelle.
Inconscient relatif au Symbolique
Cet inconscient tient à la posture même du Sujet, ex-ante par rapport au Symbolique. Le sujet S se réfère à une "base stable" (21/11/2019: ou "arrière plan") qui lui échappe, que nous situons, nous spectateurs, dans le domaine de son Symbolisme. Il est impossible pour le Sujet lui-même d'avoir "conscience du temps" en relation avec son Symbolique, donc conscience tout court. De la même façon qu'il serait impossible à un petit "démon de Maxwell" chevauchant un photon d'avoir conscience du temps qui passe... C'est, si je puis dire, un effet relativiste de la conscience (3).
Je voudrais ajouter ceci : la façon qu'un Sujet a de percevoir une conséquence Imaginaire d'une cause Symbolique devrait être décrite comme un effet de "décohérence", dans le sens que les physiciens donnent à ce terme. Autrement dit, si moi, en position ex post, je situe S et A au niveau Symbolique du a (le moi du Sujet qui s'exprime); alors je dois comprendre que pour le a en question S et A sont intriqués au niveau de son propre niveau Symbolique, tel qu'il le vit. J'en parle dans ce billet "intrication Symbolique / décohérence Imaginaire".
Tout est dit de ce S ; par exemple:
"Le sujet S sur le schéma, est le sujet dans son incomplétude. Dans un premier temps logique, mais aussi chronologique, le sujet indéterminé se reconnaît et s’identifie à l’image spéculaire de son propre corps qui est perçu au début comme un autre." (repris de Serge Leclaire ici)
ou encore :
"S, identifié homophoniquement au Ça freudien (en allemand : Es), signifie le sujet de l'inconscient. C'est le sujet dans son ineffable existence, pris dans les rets du langage et ignorant des effets de ce langage."(repris de Wikipedia)
En bref, le Sujet S en tant que référé Réel, se représente en a dans l'Imaginaire et se retrouve en compagnie de l'Autre A dans le Symbolique. Il court il court le furet...
Et bien soit: le Sujet est partout, et d'abord dans l'idée que nous, avec Lacan, pouvons nous en faire, en position ex post par rapport au discours que nous portons sur lui.
Mais alors, le seul élément qui puisse ainsi traverser tout l'édifice Imaginaire du sujet, en prenant sa source dans le Réel ne peut être qu'un concept diachronique qui se hisserait ainsi, d'étage en étage jusqu'au Symbolique. Or, nous avons déjà identifié le couple libido / pulsion (la libido étant un concept synchronique, et la pulsion son complément diachronique; voir L'Homme Quantique) comme principe dynamique de la psyché. Autrement dit, ce S qui procède du Réel (le Ça) pour produire son moi (le a Imaginaire) en se frottant à l'Autre (le A Symbolique) est essentiellement cette "pulsion unaire" dont parlera Lacan plus tard.
a/ Pulsion / Imaginaire : ceci me fait fortement penser à la fonction identité dont nous avons parlé longuement à propos de la théorie des catégories (reportez-vous aux billets #5 & #6 en particulier). Pour pouvoir manipuler un objet qui circule nécessairement d'un niveau à l'autre dans l'imaginaire, dans une démonstration mathématique, il faut bien que le mathématicien, le deus ex machina (ex post) qui désigne l'objet, affirme sa pérennité de niveau en niveau. Et bien, il en est de même pour nous, observateurs (au côté de Lacan en l'espèce) du Sujet : nous en parlons, sans égard au niveau Imaginaire auquel nous nous plaçons pour ce faire, ni de la partie du Sujet (Réel, Imaginaire ou Symbolique) prise en considération...
b/ Pulsion / Réel : nous référant à ce que nous avons pu dire du singleton dans la théorie des catégories, il m'apparaît que le "Ça" Freudien est une réification de la pulsion qui anime le Sujet : une représentation ex post (synchronique) d'un principe diachronique. Par ailleurs, il n'est pas interdit de se faire une idée un peu plus précise de cette pulsion, sans pour autant détruire l'édifice Freudien. Voir le billet "étude du système pulsionnel".
c/ Pulsion / Symbolique : Si le Sujet a lui-même intégré le processus d'identification propre à l'Imaginaire (ce que retrouve le mathématicien dans sa fonction identité), alors, par extrapolation, et passant de position ex post à ex-ante, il peut se considérer, lui-même, comme la partie dicible, Imaginaire, d'un sujet S qui le constituerait symboliquement. Ce que, plus tard, Lacan (en position ex post cette fois-ci) pourra dénommer le signifiant maître S1. Mais ceci n'est pas encore conceptualisé lorsqu'il présente ce schéma L.
En conclusion, nous pouvons avantageusement, me semble-t-il voir cette écriture hésitante " S & A" (correctif au 21/11/2019 : SUA) comme une "projection synchronique" d'un concept diachronique, la pulsion, représentée par un axe orienté, ayant pour origine Es dans le Réel et pour extrémité S dans le Symbolique.
Un dessin valant mieux qu'un long discours, je vous propose de résumer tout ceci par ce schéma:
Il est aisé de voir sur ce dessin d'où provient l'ambiguïté de cet axe" inconscient" sensé relier S(Es) à A:
=> le schéma, ou plutôt la projection, de Lacan occulte la dimension diachronique de la structure.
Une fois ceci compris, il n'y a plus aucune difficulté à remettre en perspective l'axe Imaginaire, reliant a et a'. Nous sommes ici dans l'Imaginaire du Sujet, dont Lacan peut se faire sa propre idée dans son imaginaire à lui.
Quoi qu'il en soit (que nous en restions au Sujet lui-même ou bien à l'idée que s'en fait Lacan, l'Imaginaire s'interpose entre le Réel et le Symbolique. Pour que l'on puisse en voir quelque chose sur son schéma en L, Lacan a tourné a et a' de 90° par rapport à S et A. Ce qui n'est plus nécessaire dans notre schéma en perspective. Par ailleurs, nous pouvons oublier le Es ou "Ça" de Freud, dans la mesure où nous avons compris qu'il ne s'agit que d'identifier synchroniquement une pulsion, par définition diachronique, qui est bel et bien représentée dans notre schéma.
D'où le schéma suivant, qui me semble plus clair :
Maintenant que nous y voyons un peu plus clair, tout au moins, je l'espère pour vous, nous pouvons raisonnablement nous poser la question du processus qui amène à la constitution du moi (le petit a). La question n'a peut-être pas encore de sens, du point de vue du Sujet lui-même, car nous n'avons schématisé la situation que d'un point de vue extérieur.
Pour poser correctement la question grâce à laquelle le sujet va réellement constituer son "moi", le petit a, la représentation qu'il se fait de lui-même, il faudrait réellement se mettre à sa place, abandonnant ainsi la place privilégiée de Im, celui qui théorise sur la situation (celle de Lacan, en gros).
Et bien tentons l'expérience, ou tout au moins, faisons une expérience imaginaire. Je suis un petit garçon, et les adultes, les autres (A) m'expliquent le monde comme ils peuvent (le discours a' ). "Dit papa, pourquoi je dors la nuit?", enfin ce genre de choses. Tant que nous parlons des "objets", je peux essayer de suivre les explications de l'adulte : les roses sont des fleurs, les putois puent, les vaches donnent du lait, toutes ces sortes de choses. Je peux bien faire l'effort d'appeler "rouge" ce que l'adulte me désigne comme "rouge". Après tout, je n'en sais rien, mais je peux le suivre, et suivre les conventions qu'il m'indique. D'une certaine façon, les objets ne changent pas lorsque je passe de mon regard au sien. dit autrement: les objets sont invariants, par rapport à nos regards croisés. Comme le dit Lacan : "le Réel est apparu comme ce qui vient toujours à la même place". Pour un physicien, ceci renvoie à beaucoup d'implications que nous avons déjà passées en revue. En particulier au théorème de Noether : il y aurait en quelque sorte une "symétrie" des objets par rapport à l'observateur. On n'évalue pas à sa juste place toute l'importance du théorème de Noether. Très sincèrement, passant qui passez par là: prenez le temps de méditer sur ce théorème de Noether (j'en parle ici).
Mais, et c'est là que Lacan est précieux, lorsque ce même adulte (A) me parle de moi (toujours son discours a' ), il y a un moment décisif, le stade du miroir, après lequel, lorsqu'il me dit "je suis ton maître", j'entends "je suis ton élève"... Lorsque l'adulte me parle de moi, son discours est inversé.
=> Il y a rupture de symétrie.
Le stade du miroir introduit une rupture de symétrie dans ma façon d'entendre le discours de l'Autre. Je m'approprie ce que me dit l'autre lorsqu'il me parle de tout (on retrouve notre discussion autour du Menon de Platon), sauf lorsqu'il me parle de moi. Auquel cas, je suis en miroir par rapport à son discours.
Et, si vous avez suivi mes développements concernant la mécanique quantique, vous comprenez maintenant cette histoire de "décohérence". Tout au moins je l'espère !
Vous ne voyez toujours pas? Tâchons d'exprimer ceci selon la forme canonique des mythes.
Nous avons d'un côté un adulte, A, qui m'explique (en a' ) les objets (toutes sortes d'objets) mais n'arrive pas à me renvoyer (toujours en a' ) ce que j'exprime (en a).
Et nous pouvons exprimer comme suit la question que le sujet se pose (en position ex-ante par rapport à son système Symbolique):
Comment puis-je exister, alors que je ne me reconnais pas dans la parole de l'Autre?
Ce que l'on peut mettre sous la forme canonique suivante (voir le billet "Le mythe de la potière jalouse"): Pour mémoire : Fx(a) : Fy(b) :: Fx(b) : Fa-1(y)
Nous pouvons maintenant renseigner complètement notre forme canonique:
Fparler(A) : Fexister(S) :: Fparler(S) : FA-1(exister)
Et le quatrième terme nous donne la réponse mythique à la question existentielle qui s'impose à moi : je peux exister en tuant l'Autre. Nous avons ici notre complexe d'Oedipe. Vous comprendrez maintenant pourquoi Lévi-Strauss se moque un peu de Freud en montrant, dans "La potière jalouse", que la trame du drame Oedipien se retrouve partout, même dans une pièce de Labiche comme "un chapeau de paille d'Italie".
Pour illustrer ce drame, je vous propose le schéma suivant:
Il est possible de broder autour de ce schéma. Par exemple, Je n'ai mis que A au niveau Symbolique, mais l'on pourrait indiquer ensemble AUS, intriqués, comme nous l'avons relevé précédemment. Le sentiment conscient d'exister, apparaissant alors comme une décohérence de cet état intriqué. Et même considérer l'existence de S sous l'angle du principe d'exclusion de Pauli: je suis où l'Autre n'est pas. Et là encore, nous retrouvons Lacan.
Je pourrais également épurer l'écriture de la forme canonique en reprenant les concepts Lacaniens:
Ce qui nous donne une formule ayant la légèreté d'une plume:
a' : S = a : A-1
Avec une certaine cohérence dans l'écriture...
Ceci étant dit, nous allons pouvoir nous attaquer aux 4 discours de Lacan, et voir ce qu'il en reste...
Bonne méditation
Hari
Il faudrait simplifier toute cette approche, en prenant en compte ce que j'ai développé dans la note du 01/06/2018 du billet Conscient / inconscient.
Le lien que je fais avec la forme canonique est toujours d'actualité, mais la "nature" du Sujet doit être revue en fonction de ce que j'ai dit d'une différence entre :
qui complète la différence fondamentale entre les deux positions du Moi par rapport à son discours (ex post / ex ante). En substance: on ne peut se faire "une idée" d'un "processus transcendant" le Sujet que de façon "topologique", tandis que l'on peut se faire une idée d'un processus immanent comme d'une genèse à partir d'éléments constituants.
Autrement dit :
C'est dire que le terme "processus transcendant" est antinomique puisqu'il ne peut y avoir de "progression" dans un mouvement diachronique descendant. Un tel "saut" descendant ne peut être qu'une décohérence.
En particulier, je ne peux pas revivre les étapes de mon propre développement. Je ne peux en parler qu'en objectivant ma genèse par rapport à mon "Moi" actuel. Par exemple, je ne peux pas être ici et maintenant le bébé qui tête sa mère, je ne peux m'en faire qu'une représentation, pas le revivre. La représentation de ma propre histoire, même si les faits sont toujours les mêmes, ne sont rapportés qu'au "Moi" de ma prise de conscience, dans l'instant, sans possibilité de prévoir de quelle façon j'interpréterais demain ce récit, ni ressentir maintenant ce qu'il était hier.
Rien de nouveau, me direz-vous : la conscience de quelque chose, de façon générale (et donc de "Moi" en particulier), est l'instant de la rencontre entre un percept et un concept (cf. : J-P Changeux).
Corrélativement :
On voit mieux, peut-être, où se situe le phénomène quantique d'intrication / décohérence à l'échelle humaine, qui caractérise la relation Moi / Sujet... Une telle articulation, irrationnelle par définition, ne peut s'approcher que de façon topologique (i.e.: comme dans la pensée mythique), la bascule elle-même relevant de la forme canonique. CQFD
Note du 26/ 05/ 2019
J'ai repris tout ce développement dans une approche plus centrée sur la théorie des Catégories dans cet article : "Schéma en L de Lacan et forme canonique de Lévi-Strauss". En effet, avec le recul, le rapprochement entre ces deux schémas et une "transformation naturelle" est évident.
Cette façon de "tourner autour" se retrouve également dans l'approche rationnelle topologique de l'objet initial (théorie des catégories), vide.
Attention ! Je parle ici du Lacan discutant ou exposant ses idées, pas du Lacan durant une séance d'analyse avec un patient ! Cette différence d'attitude est explicitée dans "l'Homme quantique".
Dans l'analyse l'une des fonction du psy est d'être intriqué avec le Sujet au niveau Symbolique: c'est proprement la signification de S U A.
Il faudrait revoir tout le processus de "prise" ou de "perte" de conscience" de nos repères temporels, ce sur quoi je me focalise ici, mais aussi spatiaux, dans un schéma général.
Si l'on en revient à l'étagement Imaginaire auquel j'arrive aujourd'hui : R<I1<I01<IR<I#<I0<S,
Dans le même mouvement:
Sans oublier qu'à partir de I01, nous sommes au stade du miroir, avec la possibilité d'une différenciation entre approche local / global (i.e.: logique/ topologique) du Sujet).
De ce point de vue l'autisme pourrait être rapproché d'une incapacité à pouvoir se décentrer et passer d'un point de vue local à global. Ce qui pourrait se traduire, par exemple, par une incapacité à imaginer son propre dos, et donc sa propre "fermeture" en tant que Sujet.