Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
5 Mars 2017
Je me méfie de moi comme des Grecs, et me suis trop vite satisfait de mon dernier coup de rasoir pour le rester longtemps. Certes, j'ai pu relativiser un peu plus mon approche, mais un mail reçu ce matin d'un certain "anonymous" (tout un programme) a cristallisé mon insatisfaction. Il me suggérait de m'intéresser aux symétries. Or, oui, j'avais quelque chose de cet ordre coincé en tête.
Bien entendu cette question, fondamentale en physique, est au centre de mes préoccupations (voir ici et là mon intérêt pour le théorème d'Emmy Noether). Mais pour l'instant, j'essaie d'offrir le minimum de résistance à une nouvelle façon de penser qui conduisit à la théorie des catégories. Car il s'agit effectivement pour moi d'une transformation profonde. Au point de perdre de vue ma propre approche, ou de la tenir pour seconde...
Et bien j'ai peut-être tort de m'oublier à ce point. Reprenons s'il vous plait notre discussion concernant la position Imaginaire relative d'une théorie logique quelconque, plus lâche, que la théorie binaire ou booléenne classique. Notre bonne vieille logique naturelle selon laquelle ce qui est blanc n'est pas noir.
Et, en jouant sur la notion de "flèche", qui fait charnière entre les deux, j'en ai déduit que nous avions Ib < Ix < Im.
Mais, d'un autre côté, et dans un discours qui n'est pas mathématique, je me suis tenu le raisonnement suivant : si, à partir d'un niveau de réflexion (i.e.: Imaginaire Ib) élémentaire, celui de la logique booléenne, qui nous vient des Grecs, je peux en déduire une logique d'ordre plus élevé, c'est dire que la logique booléenne est un méta-discours, par rapport à cette logique de niveau Ix , alors : Ix < Ib < Im. Et si Hilbert a pu dire en son temps qu'enlever au mathématicien le principe du tiers exclu, c'est comme enlever au boxeur ses gants, on peut dire que cette logique "naturelle" nous colle au cerveau depuis un certain nombre de siècles.
D'où l'idée de cette relativité de la hiérarchie de l'étagement des feuillets synchroniques de notre Imaginaire. J'ai pensé à une cohérence locale, en fonction de mon intention du moment. Nous en étions restés là.
Mais il faut débusquer le non dit de ma seconde affirmation : Ix < Ib < Im.
Je dis cela, persuadé de me situer toujours en position ex post, et que descendre l'axe diachronique me fait passer du général au particulier. Or, visiblement, ce n'est pas le cas en l'espèce, puisque la logique Ix est plus large que la logique Ib.
Vous voyez que je n'ai pas résolu complètement le problème. Pour ce faire, il nous faut revenir sur la notion de diachronie, de temps et de mouvement.
Si, aujourd'hui je vous parle de l'évolution de la langue française depuis le Moyen Âge à nos jours, je peux vous expliquer la disparition progressive du système casuel et de la distinction entre cas sujet et cas régime. Ce mouvement de la langue est proprement l'objet d'un discours diachronique. Mais, je ne peux tenir ce discours qu'après la disparition effective de cette caractéristique du français, repérable encore au XIVème siècle. Il ne m'est donc pas impossible de m'en "faire une idée", a posteriori, mais en aucun cas de revivre ce développement, ni de ressentir les choses, ou de comprendre le Monde comme un Français de l'époque. Corrélativement, la linguistique du XXIème siècle permet de présenter cette "évolution", comme l'actualisation d'une potentialité du langage, répondant à des mouvements de fond du français, encore à l'oeuvre actuellement. En ce sens, notre regard actuel, porté sur le XIVème permet de voir le Français de l'époque comme une "actualisation particulière", d'une loi plus globale que je peux appréhender aujourd'hui. C'est-à-dire : Ib < Ix < Im.
C'est là ce que j'entends par "aller du général au particulier". Ce serait encore plus évident, si je parlais du système de classement des animaux ou des plantes.
Mais restons-en à la linguistique, qui est une métaphore de notre logique. D'un côté ma langue actuelle me permet rétroactivement de discuter fort doctement de celle de mes ancêtres. Mais d'un autre côté, la langue que j'emploie pour en parler hic et nunc, est déjà en germe dans celle du XIVème siècle. Autrement dit, mon discours actuel est conditionné par celui de mes aïeux. Et je suis plutôt dans le cas inverse : Ix < Ib < Im.
Et, lorsque j'élabore une théorie, je suis plutôt dans la position de cet ancêtre, qui ne sait pas du tout ce que l'avenir lui réserve, ni à lui, ni à ses discours, ni aux théories qu'il aura pu exprimer. Il peut juste dire que la suite sera conditionnée par ce qu'il fait, par ses choix actuels. Et là, nous sommes plutôt dans un registre de temporalité. Coup de chance pour nous : le temps est une notion diachronique, ce qui nous permet d'aligner et comparer les deux approches.
La question est de mieux comprendre ma propre position parmi tous ces discours possibles, et comment ils s'organisent entre eux. Puisqu'il s'agit de parler de moi, reprenons la distinction que j'ai introduite dans "l'Homme Quantique", entre celui qui se tient derrière son clavier, au moment où j'écris ces lignes, qui peut tout faire, écrire en chinois ou même supprimer le texte en cours, et que j'ai appelé le "Démon de Maxwell" repéré par "DM" par la suite, et Im le niveau où DM se représente dans son propre discours. La situation ambiguë qui nous agite est donc la suivante:
a/ Concernant notre ancêtre parlant au XIVème , ou Hilbert de la logique :
b/ L'évolution de la langue ou de la logique, vue a posteriori :
L'introduction de DM est un artifice me permettant de me représenter (Im) en position ex ante, et donc de représenter deux points de vue lorsque Im est en position ex ante par rapport à Ix. Par contre, lorsque Im est en position ex post (comme DM), les points de vue peuvent être sensiblement les mêmes (puisqu'en particulier DM et Im sont contemporains), ce qui justifie mon "oubli" de DM dans mes représentations.
Introduire (DM) c'est prendre du recul par rapport à moi-même (Im) pour mieux préciser rationnellement (DM en position ex post) une situation imaginaire dans laquelle je discute de ma position, éventuellement irrationnelle (Im en position ex ante).
Maintenant je voudrais trouver un critère qui me permette de savoir si je "joue" dans mon Imaginaire avec les différentes positions que je peux prendre ou si, d'une certaine façon, je suis bien dans la réalité, c'est à dire que le Réel s'impose à moi et règle le jeu. Actuellement, je peux jouer à "choisir" une théorie logique ou une autre. Au temps de Hilbert, non. La question est : à partir de quel moment ai-je eu la liberté de choisir ?
Et c'est là qu'intervient la notion de "brisure de symétrie".
Revenons au billet précédent.
Donc, dans le second cas, je considère tous ces éléments indifféremment, tandis que le premier peut être vu comme une situation dégénérée où nous avons d'un côté (synchronique) des points, et de l'autre (diachronique) des flèches.
Et c'est sans doute là qu'il fait chercher notre "brisure de symétrie" : lorsque mon imagination dégénère au point où il me faille "figer" les concepts synchroniques (en Ik) et diachroniques (entre Ik et Ik+1), les concepts ne commutent plus. Alors je peux dire que le saut Ik+1 => Ik marque une "brisure" de symétrie concernant le concept "flèche" devenu diachronique.
Il faudra en explorer les conséquences qui m'apparaissent très intéressantes en physique.
En particulier, concernant le théorème de Noether, si nous avons ainsi caractérisé une "symétrie diachronique", il doit y avoir une grandeur conservée, je pense à ce stade de l'enquête qu'il s'agit tout simplement de l'information (repérable en Ik+1), et que l'incertitude attachée, c'est l'incertitude liée nécessairement à tout concept diachronique (ici notre "flèche") et qui se traduit en Ik+1 par la différence de valeur (i.e.: entre 0 et 1) de l'application qu'elle représente.
Je pense que nous en reparlerons ;-)
En attendant, bonne rumination.
Hari