Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Questions de temps

En rédigeant mon dernier article "sur la simplectisation de la physique", en réaction à une vidéo d'Iglesias-Zemmour à qui j'ai emprunté le titre, une note s'est invitée d'elle-même sous ma plume :

"Ce qui rend assez évident que dans les calculs de perturbations, les variations des constantes du mouvement de l'objet ne dépendent pas du temps propre à cet objet. Il n'y a en effet aucune raison que, pour un Sujet donné, le temps de l'observation de l'objet soit le même que le temps lié à sa représentation !"

C'était quasiment de l'écriture automatique, car la remarque découle très naturellement de ma façon de représenter le temps par la distance diachronique qui sépare un niveau Imaginaire de référence (lk le fond stable) du niveau Imaginaire (Ik-1) où je me représente le "mobile", moi-même (Im) étant en position ex post par rapport au dispositif global: Ik-1 < Ik < Im.

Il en découle que la notion de temps est, par essence, relative au niveau où j'en prends conscience. C'est même à partir de mon expérience personnelle du temps propre à chaque niveau d'organisation dans un système hiérarchique (qu'il soit humain ou non) que j'ai commencé ma réflexion. L'histoire est ancienne, puisque j'en parle déjà dans ma thèse de doctorat en sciences économiques, soutenue en 1982 ! Point de vue que je retrouve chez Lévi-Strauss concernant le temps historique... Bref, ce n'est pas ici le moment d'en discuter.

Tout ceci pour dire que ce relativisme du temps fait désormais partie de mon inconscient...

Mais en visionnant Iglesias-Zemmour patauger un peu au sujet du mouvement, je repensais à Anatole Khelif qui, lors de son dernier séminaire, disait lui aussi s'intéresser à cette notion de temps parallèles (sans qu'il m'en ait dit plus sur le coup).

Autrement dit, c'est dans l'air du temps (si je puis dire) et il serait peut-être intéressant d'approfondir le sujet en partant précisément des travaux de Lagrange concernant le calcul variationnel des constantes du mouvement. Ce qui, par ailleurs, renverrait au discours de Badiou sur "la différence", à partir de la théorie des catégories...

De quoi s'agit-il ? 

Ce que j'en ai compris, après un survol très rapide de la question, (qu'il faudra approfondir, bien entendu, mais il s'agit d'un billet de blog, pas d'une thèse !) se résume à ceci : considérons le mouvement de deux corps, par exemple la Terre et le Soleil. La trajectoire de la Terre est une ellipse autour du Soleil, caractérisée par 6 constantes, en particulier "a" : la distance entre les foyers et "b" son excentricité (ces deux constantes suffirons à notre propos).

Plus précisément, l'un des foyers de l'ellipse est proche du soleil (il s'agit en fait du barycentre des deux masses), et il n'est donc pas "fixe" par rapport au Soleil puisqu'il dépend de la distance Terre - Soleil à un instant t. Par ailleurs, l'influence des autres astres se fait sentir sur ce système à deux corps. Influence que l'on peut assimiler à un "potentiel".

Autrement dit, notre description du "mouvement" entre Terre et Soleil est caractérisé par des "constantes", qui ne le sont pas tant que ça !

La surprise de Lagrange vient de ce que ses calculs lui montrent que les "variations de a et b" sont indépendantes du temps.

Et c'est précisément là que l'on peut se poser la question: "mais de quel temps s'agit-il" ?

En effet, je pense qu'Iglésias-Zemmour est embarrassé pour parler de ce "mouvement" qui ne dépend par du temps, faute de ne pas se poser la question.  À chaque "instant", nous dit-il, correspond une "carte" d'un mouvement non représentable en soi, au sens où une "carte" représente localement une partie de la surface terrestre, non représentable sur un plan.

Or, c'est bien dans cette perspective, que notre question fait sens :

1/ En parlant de la vitesse de déplacement de la Terre par rapport au Soleil, quel que soit le type de référentiel choisi, on rapporte l'observation de la Terre (soit Iterre ) au dit référentiel (soit Iréférentiel ) et nous avons : Iterre < Iréférentiel < Im, où le temps "t" considéré, ainsi que sa différentielle "dt", se rapportent aux deux niveaux synchroniques utilisés. Et dans cette équation du mouvement, a et b sont les constantes de notre description.

2/ Maintenant, le discours porte sur la variation de a et b, en fonction d'un potentiel dû à l'influence des masses des autres planètes du système.  Je modifie donc mon point de vue, en prenant un recul diachronique pour parler des variations de ce qui était constant. On décrit une "variation" ou un "mouvement" de a et b, dans un univers qui n'est plus celui servant à représenter la Terre ou le Soleil, mais un espace particulier servant à situer les éléments de mon premier discours. Les calculs de Lagrange sont donc un discours ( ILagrange ) se rapportant à un espace où je peux situer a et b (Iab ) ; avec  ILagrange < Iab < Im . Ce qui correspond assez bien à ce que l'on entend par "variété algébrique".

Mais dans ce second cas, je ne suis plus dans une représentation directe d'un mouvement, comme précédemment. Il s'agit plutôt de déterminer un ensemble de potentialités limitant et liant les variations de a et de b . L'étonnant serait que ces mouvements seconds de a et b, dépendent d'un temps qui n'est pas dans leur univers sémantique !

Le concept de "temps" lui-même fait défaut, car il s'agit plutôt d'actualiser un état parmi plusieurs états potentiels de a et b, dans un discours que j'ai qualifié de "géométrique".

La description au plus près du mouvement d'ensemble de la Terre et du Soleil à l'instant "tn", (i.e.: une prédiction sur l'état du système en "tn+1") correspond à l'utilisation dans les équations déterminées en 1/ des valeurs de a et b que j'actualise à l'instant "tn" (i.e. : passage géométrie => logique, voir article pré-cité) parmi les potentialités que j'ai déterminées en 2/.

On peut élargir la perspective en disant que non seulement il faut associer un espace et une logique pour caractériser un topos, mais sans doute un "temps propre" pour définir correctement son Univers.

Nous aurons sans doute le "temps" d'y revenir ! ;-)

Hari.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Bonjour, je découvre votre post au détour d'une promenade sur la toile. Je vous conseille le livre "La géométrie des mouvements" https://www.amazon.fr/Géométrie-Mouvements-Mécaniques-Comme-Géométries/dp/1981032061 qui est le texte d'une conférence sur le sujet que j'ai donnée à l'IHES en 2010 (déjà!). Cordialement, piz.
Répondre
H
Bonjour,<br /> Mon article est assez ancien, et j'ai beaucoup approfondi la question depuis.<br /> Plus qu' à un problème de physique, il me semble en fait que la question relève essentiellement de la posture du Sujet qui s'exprime (fusse concernant l'expérience d'un autre chef de gare voyant passer un voyageur dans un train...). La représentation de la scène complète au été longue à se décanter, mais je crois avoir trouvé quelque chose à partir de ces réflexions, avant présentation au groupe d'Anatole Khelif à Paris Diderot : <br /> https://www.entropologie.fr/2021/01/l-auteur-et-son-discours.grammaire-et-orthographe.html<br /> En reprenant l'idée de topos comme lit commun du discret et du continu, de Grothendieck, la voie à explorer me semble se dessiner enfin : <br /> https://www.entropologie.fr/2021/05/identite-et-equivalence-de-morita.html<br /> Par ailleurs, je vois que vous êtes à l'Université de Shantou, aussi vous amuserez-vous peut-être de voir ma reprise du concept de "MA" 間 Japonais <br /> https://www.entropologie.fr/2021/03/l-espace/temps-ma.html<br /> Une fois bien comprise la place du Sujet dans son Imaginaire, les questions de temps, d'espace et de mouvement s'expriment assez simplement...<br /> Merci pour le lien, je vais aller y regarder de près !<br /> Cordialement<br /> ASN