Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
22 Février 2019
En corrigeant une note 1 faite au bas du dernier billet concernant "La grammaire de la nature" de J-M Souriau, j'ai été amené à préciser pourquoi les deux théories reines de la physique ne pourront jamais être unifiées dans le cadre strict de cette même physique.
Nous avions déjà tout le matériel à disposition, mais je ne pense pas l'avoir formulé de façon aussi ramassée que dans cette note 2, reprise ici, afin de pouvoir m'y référer ultérieurement, comme à un point clef de ma démarche, faisant ainsi le pendant à cet autre article au sujet de l'indétermination quantique (voir "Le principe d'incertitude sans les maths").
note 2:
- Tu dis n'importe quoi dans cette note 1 ! Pourquoi y parler d'indétermination alors que tu l'as déjà située au plus immédiat du contact au Réel, dans la nécessité, pour une pensée rationnelle logique, de rapporté un discours en Ik à un critère en Ik+1 :
Ik< Ik+1< Im.
- Je n'arrête pas de réfléchir à cette note depuis hier. Nous avons effectivement caractérisé l'indétermination quantique depuis bien longtemps déjà (voir "le principe d'incertitude sans les maths") et je n'ai aucune raison d'y revenir.
Non, nous parlons ici de "la prise de conscience". Et nous en sommes arrivés au point de caractériser cette "prise de conscience" comme la rencontre entre les deux premiers types d'entendements de Spinoza, l'un immanent (montant du Réel) l'autre transcendant (descendant du Symbolique) avec, d'une façon très générale R < I < S; ce qui établit le triptyque de Lévi-Strauss / Lacan.
Ceci dit, et en nous limitant à la pensée rationnelle, nous avons vu que le Sujet n'est pas impliqué, représenté dans sa pensée, de la même façon dans les deux cas :
La limite dans ce dernier cas étant un effacement de Im en I0, et le basculement dans une pensée non rationnelle (ex ante) I'm < I0, (voire Im≤ I0< S).
Pour l'instant intéressons-nous au statut de Ik+1, qui pourrait être l'espace dans lequel se meut l'objet en Ik.
Ici, ce n'est pas l'objet qui "bouge" entre Ik et Ik+1, mais le cadre de référence que le Sujet "comprend" en changeant lui-même de position.
La propre représentation du "Sujet" par lui-même n'est plus une notion stable, synchronique, mais dynamique, diachronique; ou plus exactement, il se définit en Im comme le "moment" de I'm associé au mouvement I'm/ Im. La "prise de conscience" du Sujet se définit comme un mouvement du Sujet lui-même.
Dit autrement: la construction progressive de l'image du Sujet est ici vue comme corrélative à sa construction de l'objet. Ce qui permet de caractériser plus précisément le premier genre d'entendement de Spinoza.
=> L'incertitude n'est plus liée à l'objet, mais au Sujet lui-même !
Ce que nous pointons ici, c'est l'impossibilité d'une théorie unifiée de la mécanique quantique et de la relativité, due à l'indétermination même du Sujet changeant de position pour passer d'une théorie à l'autre.
- Ce que tu développes constitue pourtant une théorie visant à les unifier!
- Sauf qu'elle concerne le Sujet et non l'objet. En ce sens c'est une théorie "métaphysique", irréductible à la simple observation de l'objet "en soi", ce qui d'ailleurs n'a pas de sens en dehors de tout rapport au Sujet.
Bonne rumination !
Hari
Note du 24/02/2019 retour à Descartes !
Je n'arrête pas de ruminer cette idée que nous abordons finalement l'étude du Sujet avec les mêmes outils que celle des objets, jusqu'à retrouver cette incertitude seconde dont nous venons de parler.
Ce qui m'encourage à prolonger l'exercice, et revisiter par exemple le cogito de Descartes.
"ego cogito ergo sum" / "je pense donc je suis". La pensée s'établit sur deux plans :
C'est une pensée typiquement "française", au sens où notre langue s'appuie plus volontiers sur les définitions statiques (synchroniques) que sur l'action proprement dite (diachronique) comme l'allemand (revoir cette excellente vidéo dont j'ai mis le lien dans "Réalité vs Wirklichkeit"). Une façon plus dynamique de souligner le saut diachronique serait de dire "j'existe".
Ce qui nous ramène bien entendu à l'axiome d'existence dont nous avons longuement discuté au sujet du morphisme identité, portant en particulier sur l'objet final : * => {*}.
Nous avons donc, dans le discours de Descartes cette simple "identité" mathématique utilisée pour se définir soi-même comme résultant d'un "processus". : je => {je}. Je parle ici d'un "processus" au sens où le physicien Souriau parlerait du "moment" {je} d'un objet "je". De ce point de vue, le sujet s'accomplirait dans un processus typiquement immanent.
- Soit, tu remets tout ceci en forme et c'est cohérent, mais tu ne nous apprends pas grand-chose.
- Et pourtant ! Souviens-toi du contexte: la pensée de Descartes, en affirmant cette immanence de l'être, rejette une autre approche, complètement transcendante de l'Église, pour qui l'Homme "est à l'image de Dieu", sa "créature" etc... En ce sens, le Sujet se définit en position ex ante comme reflet "dicible" d'un système Symbolique qui le "transcende". Tu vois où je veux en venir: l'approche du Sujet n'est plus "logique", mais se rapproche plutôt d'une approche "topologique". Le Sujet ne pouvant se "comprendre" qu'à travers des "discours" qui ne "cernent" sans fin.
Or, nous avons défini la "prise de conscience" comme point de convergence entre deux mouvements immanent/ transcendant, prise de conscience originellement d'un objet (la rencontre d'un percept et d'un concept pour le neurologue J_P Changeux), et notre réflexion nous porte à étendre celle-ci à la propre prise de conscience du Sujet par lui-même, à redéfinir ainsi le stade du miroir.
Autrement dit, en reprenant peut-être un terme de Derrida, le geste de Descartes, en insistant sur l'aspect occulté de la perception de soi dans l'approche "XVIè siècle", déconstruit l'image qu'en donne l'Église pour fonder l'individu moderne. C'est en ce sens que Foucault peut parler à juste titre d'invention de l'individu à l'Âge classique (je reprends ici la généalogie de Foucault XVIè / Âge classique / Âge moderne).
Ce que nous faisons ici, c'est de recoller les morceaux, de les "reconstruire", et ce faisant, nous ne pouvons plus parler d'objet sans sujet, de physique sans psychisme..., bref sans parler de langage et donc de maths....
- Tu retombe dans l'auto-jstification, mais plus concrètement, si le Sujet doit être abordé avec les outils nous permettant de cerner l'objet, qu'en est-il du triptyque d'Emmy Noether.
- Et bien, Noether nous permet de préciser certaines choses.
Concernant la "quantité conservée", c'est ce que l'on peut voir comme le résultat d'un mouvement de l'objet, donc ici d'un mouvement du Sujet, et c'est très exactement dans le "mouvement" que le Sujet prend conscience de son existence, qu'il peut affirmer sa consistance (le moment {je} d'un objet "je" affirmant son identité).
Concernant "l'indétermination", nous sommes ici dans la convergence de deux indéterminations (ou libertés) ;
Concernant "les symétries", et bien le champ est large et devrait être exploré du point de vue développé ici. Il y a d'abord le stade du miroir, qui en soi est une question de symétrie, mais également les rapports à l'Autre dont parle Lacan. On peut également y rapporter les questions des neurones miroir dont nous parlent les neurologues, et d'une façon générale, l'importance des "rapports" humains, dans le développement de l'enfant. Tout ceci est lié à notre façon d'aborder les objets par la compréhension de leurs symétries me semble-t-iL
Nous le confirmerons en suivant le développement intellectuel du Sujet depuis son berceau en relisant Piaget (voir "L'épistémologie génétique").
Pas de φ sans ψ. Autrement dit, pour unifier ces deux théories il faut passer à un niveau supérieur de la pensée ; passer de (φ ∩ ψ) à (φ ∪ ψ).
- Ça me rappelle le passage de (Sujet ∪ Autre) à (Moi ∩ Objet a) ; voir "Le schéma en L de Lacan" .
- À ceci près qu'ici nous montons d'un niveau, au lieu d'assister à une décohérence d'un (Sujet ∪ Autre) Symbolique en Moi Imaginaire. Il faut donc l'exprimer sous la forme d'une création, qui reste mythique tend qu'elle n'est pas accomplie (voir "Le mythe de la potière jalouse"). Ici la double inversion porte sur ψ. Le psychique, qui reste actuellement l'impensé de φ , son φ-1, devient le moteur de cette création : (φ ∪ ψ). Ce qui somme toute est trivial : c'est bien le Sujet qui peut fait évoluer la physique, n'est-ce pas ?
Sur ce, bonne méditation.
Hari
Note du 10/ 04/ 2019
Ce qui est dit ici est confirmé en approfondissant notre analyse de la théorie des catégories : voir "Du morphisme au foncteur".
Note du 11/10/2010
Je reprends ce thème dans l'article "notes de lecture de scientia egregia". avec une meilleure appréhension de la différence entre "saut diachronique" et "changement de posture I'm/Im".