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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Nombres cardinaux et ordinaux

Après un rapide "touch & go", ma fille L. arrivant de Besançon file vers Biarritz et j'ai donc une petite semaine de solitude en attendant son retour. Très heureux de l'avoir revue et l'esprit tranquille, je termine une énième relecture du cycle Fondation sur ma terrasse, à l'ombre d'un parasol, en face de ce tilleul qui m'avait plongé dans ma dernière méditation. Cette fois-ci je ne me contente pas de l'écouter, je le contemple.

Il me fait souvenir de ce que j'écrivais dans "L'Homme Quantique", à propos de l'arbre de la connaissance et des différentes échelles du temps historique de Lévi-Strauss. Les feuilles s'agitent sans inertie sous la caresse du vent, quand les branches ondulent, avec des corrélations entre leurs mouvements, qui donnent un mouvement d'ensemble, comme un ballet, autour du tronc, statique. Ce mouvement d'ensemble, le son même qu'il produit le caractérisent. Le lilas du fond du jardin, comme le figuier ou le laurier qui le jouxtent, jouent des partitions différentes, en fonction de leur hauteur, de leur forme générale et de leur feuillage, comme de leur exposition au vent. Impossible de rendre le spectacle par des mots, tout bouge devant les yeux, et encore ne parlé-je que la surface des choses.

Dès lors, comment puis-je me limiter à constater, dans mon propre discours, que je dissocie ma façon de prendre conscience du temps en l'associant à une pensée "logique", pour l'opposer à mon appréhension de l'espace, caractérisant une pensée "géométrique" ?

Tout ceci est bien artificiel : parler de "temps" ou "d'espace", c'est coincer ma réflexion dans le carcan du discours. Le temps de la feuille, son horizon, sa constitution, sa fonction, ne sont pas les mêmes que ceux de la branche qui la porte, c'est une évidence. Mais je fais la différence entre branche et feuille par facilité, comme je limite mon observation au plus immédiat, car enfin, les feuilles ne sont pas identiques, certaines jaunissent, prêtes à tomber, certaines branches n'en peuvent plus d'un tel fardeau, quand d'autres sont jeunes et tendres, souples, et que dire de ce que j'oublie, de leur mouvement d'ensemble dans l'univers, de leur ADN, de leurs atomes, qui ont traversé deux soleils pour se regrouper devant moi, qui partage un certain patrimoine commun avec cet arbre. La seule chose évidente, permanente, c'est le mouvement et l'impermanence elle-même.

Il faut donc prendre un peu de recul.

Certes, j'ai eu comme un sentiment de découverte en caractérisant, à l'échelle de notre Imaginaire une dichotomie franche entre:

  1. Pensée logique entre I1 et I01
  2. Pensée géométrique entre I01 et I0

La première utilisant le concept de successeur, et permettant de représenter le temps comme un concept "diachronique", la seconde réifiant le temps pour en faire un concept "synchronique", renvoyant à une spatialisation de toute représentation; le passage de 1/ à 2/ marquant l'évolution récente des mathématiques comme de la physique (je vais vite, comme toujours !). Mais cette dichotomie au niveau de la représentation de la pensée rationnelle, redouble pour ainsi dire une autre dichotomie plus fondamentale encore, entre concepts diachronique et synchronique. Organisation qui s'enracine jusqu'au niveau neurologique de notre prise de conscience de l'objet, nécessitant le contact entre un "percept" et un "concept" (je vous renvoie à J.P. Chanceux par exemple).

Or, c'est de cette même dichotomie élémentaire que j'étais parti pour parler de l'étagement des "temps historiques", et j'en avais même fait un article, il y a une bonne dizaine d'années, dans "Les Techniques de l'Ingénieur" (i.e.: Management des organisations par le modèle sénaire). 

Comment concilier cette hiérarchie des temps propres à chaque échelle de mon observation, et cette fracture brutale que je viens de repérer au niveau I01 de l'Imaginaire ?

Je pense qu'il ne faut pas perdre de vue l'aspect fractal de notre Imaginaire. N'ayant à notre disposition que très peu d'outils intellectuels, nous les réutilisons encore et encore à chaque niveau de notre réflexion, parce que le principe d'économie, qui gouverne tout le vivant, nous a fait bricoleurs...

Il faut donc comprendre notre exploration tâtonnante des mathématiques comme une recherche du motif élémentaire de cette construction fractale. Nous questionnons un langage offrant la syntaxe la plus simple qui soit, quoiqu'il puisse vous sembler, et la coupure espace / temps s'y voit franchement, parce qu'il s'agit d'une caractéristique propre à l'organisation de notre discours tenant à notre incapacité à représenter le mouvement autrement que par un couple de concepts synchronique / diachronique. L'appréhension d'un "mouvement réel" nécessite un ensemble de représentations tamisées par une série de "cribles", conditionnés par cette contrainte anthropomorphe (inconsciente) qui détermine de facto la structure fractale de l'Imaginaire. Notre intention (consciente) nous focalisant sur telle ou telle portion de cette reconstruction, en détermine la finesse de grain comme la profondeur de champ.

En relisant mon dernier billet dans cette optique, je suis tenté d'assécher encore plus la structure qui se dessine autour de I01, avec mon bon vieux rasoir d'Occam, en me disant que s'il n'y a pas de niveau intermédiaire entre I01 et IR, comme l'a démontré Cantor alors, symétriquement, il ne doit pas y en avoir non plus entre I01 et I1... Le "domaine logique" de l'Imaginaire apparaissant alors pleinement comme un avatar du "percept" du neurologue, le lien direct entre encéphale et extérieur, quand la géométrie renverrait à la partie "conceptuelle" de l'outil cérébral, avec ses multiples "cartes" corticales...

Dans cette optique, toutes les opérations élémentaires de la théorie des catégories doivent pouvoir être considérées comme inscrites au niveau I01 de notre Imaginaire, à partir du singleton, seul en I1, voire du seul saut I1 / I01 si l'on oublie la notion même d'objet. Les "transformations naturelles" de la théorie seraient alors des "métaphores" de ces opérations élémentaires. Il faudra que je relise Conceptual Mathematics pour étayer cette intuition...

Si, donc, les sauts entre I1 et I01, se caractérisant par la répétition du même, conduisent au concept de "temps", comme étant fondamentalement un décompte de cette répétition, amenant à concevoir l'ensemble N, j'ai l'intuition que l'espace entre I01 et I0 doit au contraire être  peuplé d'infiniment de niveaux synchroniques intermédiaires. L'infinité de ces sauts "en cascade" renvoyant à l'infinité des sauts I1 / I01 "successifs" précédents. La question étant alors de trouver la caractéristique commune à chaque saut Ik / Ik+1 qui, par hypothèse, n'est pas le temps !

Voyez-vous où je vous mène ?

  • Lorsque je suis (Im) en position ex post, la pensée rationnelle la plus élémentaire est la pensée logique , avec I0 < I01 < Im;
  • Lorsque je saute au-delà de I01, je découvre IR, et ma pensée rationnelle I01 < IR < Im, inaugure mon entrée dans la pensée géométrique.

Or ce dernier saut est caractérisé par l'hypothèse du continu, c'est-à-dire qu'entre les nombres 0 et 1 de N (en I01) on peut inscrire une infinité de nombres appartenant à R (en IR).

Ce qui caractérise ici le saut diachronique n'a plus rien à voir avec le temps, ou la notion de "successeur", mais avec la notion d'infini et d'incommensurabilité.

Maintenant, si l'on considère une surface, cette dernière n'est pas réductible à une droite : on réitère donc l'opération pour passer de R à R2, et l'on voit apparaître immédiatement la notion de puissance, que j'avais laissée de côté dans mon approche de la théorie des catégories. C'est ici le moment sans doute d'y revenir, et si la démarche nous ramène à Cantor, cela n'a rien d'étonnant puisque cette répétition, sous forme de puissance, amorce pour ainsi dire la construction fractale de notre Imaginaire, or, c'est bien à Cantor que se réfère Mandelbrot lorsqu'il parle de fractale !

Je ne vais pas trop développer, mais vous aurez compris que l'étagement des différents niveaux synchroniques entre I01 et I0 a à voir avec la notion de cardinal.

Si l'on repère chaque niveau Imaginaire entre I01 et I0 par son rang, un cardinal donc, alors :

  • Le niveau I01 (l'ensemble N) est de rang  0
  • Le niveau IR (la droite) est de rang  1
  • Le niveau IR2 (la surface) est de rang  2

Le dernier saut, avant I0, étant de rang , le vide pouvant seul contenir (ou engendrer) une infinité d'infinis...

Vous voyez comme moi, je l'espère, de quelle façon la construction des nombres cardinaux, entre I01 et I0, est le reflet démultiplié à l'infini, en passant d'une puissance de  à l'autre, de la répétition infinie du même qui nous a mené à construire l'ensemble des nombres ordinaux N en I01 à partir de I1...

Il nous restera, à partir de cette mise en perspective, à revenir sur la signification de l'exponentielle ou "map object" dans la théorie des Catégories pour comprendre sa place dans la définition d'un topos...

Est-ce que cela commence pour vous à se mettre en place ?

Je l'espère de tout cœur !

Hari.

 

Nota du 20 /08/ 2018

Je suis allé très vite, sans donner réellement de démonstration, parce qu'en lisant une simple introduction à la théorie des Ensembles de Cantor, ça m'a sauté aux yeux, et c'est cette évidence que je voulais vous faire partager.

Maintenant, il est non moins évident que la réflexion n'est qu'amorcée. Il faudrait revenir en détail sur la formation des ordinaux et des cardinaux. Par exemple:

  • N est créé à partir de la répétition, nous restons au niveau du "geste" comme lorsque je tire une allumette d'une boîte (voir les premiers billets sur le sujet). Nous sommes, en I01, à la réification de ce geste, qui est en soi "diachronique". Pour rendre compte de cette création, il faudrait en toute rigueur la filmer.
  • A contrario, la collection des nombres cardinaux s'expose à plat: chacun étant l'index d'un niveau synchronique, il est donc lui-même synchronique par nature. La succession dans l'ordre des niveaux qu'il instaure, se fait "à plat". Dire qu'une droite est à un niveau Imaginaire de rang 1 n'implique aucune préséance par rapport au point qui serait de rang 0, à preuve la géométrie projective dans laquelle il y a un principe de dualité entre points et droites (i.e.: à un théorème énonçant "une droite et une seule passe par deux points donnés" correspond un autre énonçant "deux droites concourantes ont un seul point commun"). J'organise mon Imaginaire, pour classer points, droites, surfaces, en les indexant, mais je les manipule, ou plutôt ils s'offrent à moi, tracés sur une feuille de papier sans notion temporelle de préséance ! 

Je le garde ici comme pense-bête, à vérifier : si les ordinaux se créent par la répétition, avec la multiplication de 1 (en I1), alors il doit être possible, par raison de symétrie, de construire l'ensemble des cardinaux à partir de 0 (en I0) avec l'addition.

PS: Si quelqu'un a la démonstration, ou des références à suivre, merci de transmettre !

...

Je reviens encore à ce billet, avant d'aller dîner, parce qu'un élément accessoire qui s'est invité dans mon discours, prend ses aises dans ma tête pour, peut-être, s'imposer comme le principe autour duquel je tourne depuis si longtemps.

Il s'agit du principe de dualité au coeur de la géométrie projective !

En effet, j'ai bâti ma théorie en caractérisant la pensée consciente par la position ex post du Moi (en Im) par rapport à l'objet qu'il observe (en Ik) : Ik < Im.

Le second pas a été d'établir que la pensée rationnelle nécessite l'appréhension simultanée de 2 niveaux synchroniques, pour rapporter l'observation de l'objet, ou notre jugement sur une situation (en Ik), à une base de critères plus stable (en Ik+1) : Ik < Ik+1 < Im.

Or, mes derniers développements au cours desquels j'ai vu une césure entre pensée logique (entre I0 et I01) et géométrique (entre I01 et I0), m'obligent à revenir sur cette dernière généralité, pour en limiter la portée à la seule pensée logique : I1 < I01 < Im.

En effet, dans la pensée géométrique, le principe de dualité m'interdit de voir d'un côté l'objet, de l'autre les critères par rapport auxquels je le classe : leurs rôles sont éminemment interchangeables. Dans l'exemple que j'ai donné, les rôles des points et des droites peuvent permuter... C'est toute la question de la relativité qui est ici posée. Et de fait, lorsque, assis dans un train en gare, je vois défiler le train d'à côté, j'ai un moment de doute avant de savoir si c'est mon train qui bouge ou celui d'à côté (la question n'est pas d'ordre logique mais géométrique: il faut que j'aperçoive un bout de la gare pour fixer mes repères). Je peux très bien envisager les deux cas :

  1. Iℵ k < Iℵ k+1 < Im
  2. Iℵ k+1 < Iℵ k < Im

Autrement dit, pour juger ou choisir 1 parmi (0;1), j'utilise un morphisme entre le singleton 1 (en domaine du morphisme) vers (0;1), son codomaine : donc I1 => I01, mais, en géométrie, il y a deux mouvements duaux, un morphisme  Iℵ k => Iℵ k+1 et un co-morphisme Iℵ k <= Iℵ k+1 , avec cet impératif de devoir "descendre" au dernier niveau I01 à l'aide d'un co-morphisme pour qu'un "état" entre (I01;I0) puisse être observable, brisant ainsi le dualisme propre à la géométrie... C'est le rôle des pré faisceaux... Voyez-vous comment tout ceci nous renvoie aux topos ?

J'étais déjà dans cette optique depuis quelque temps, mais ce qui m'intéresse ici c'est, dans le fil de mon dernier billet, de pouvoir caractériser à son tour le niveau I01 par une brisure de symétrie, qui est en l'occurrence la limite inférieure du principe de dualité. À partir de là, on comprend très bien que le temps logique soit foncièrement unidirectionnel, bien avant même toute considération thermodynamique !

On ne pouvait rêver plus fondamental que cette brisure de symétrie !

Note du 21 / 08 / 2018

Bien entendu, ce que je viens d'écrire est trop rapide : je ne doute pas qu'il y ait quelque chose à creuser dans cette perspective, mais il faut quand même tout passer en revue, et reprendre en particulier toute la discussion autour des concepts de "section" et de "rétraction"...

Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage ! As usual...

Pour ceux qui me suivent d'un peu près, il leur paraîtra peut-être, comme j'en prends conscience, que je suis de moins en moins rigoureux dans mon approche, pour me laisser porter par mon instinct, attentif à laisser pousser mes idées folles, aussi librement que possible; pour les cueillir dans toute leur fraîcheur, ce qui n'a rien d'une démarche progressant pas à pas. Mais qui s'en soucie ? Je suis porté par la mélodie, avant d'écrire les paroles...

Et si la démarche scientifique répondait avant tout à une nécessité esthétique ?

Ni Dirac, ni Grothendieck ou Leibniz ne me contrediraient, sans doute.

Note du 22 août 2018

Je me suis planté.

Pas en totalité, ce que j'ai dit concernant les niveau I1, I01 = I0 et IR =  I1 me semble correct : à chacun de ces niveaux correspond un concept nouveau, qui tranche et offre une brisure de symétrie avec ses voisins en particulier concernant le rôle central de I01 : en dessous il y a rupture de symétrie d'un "temps" qui devient discret, comme le tic-tac d'une pendule, et entre I01 et IR, Cantor nous indique bien l'existence d'un gap : N et R sont irréductibles l'un à l'autre, ce qui induit l'hypothèse du continu et l'entrée dans la géométrie.

Mais pour la suite, je me suis laissé aller. J'ai construit l'étagement des niveaux Imaginaires suivants pour faire joli, en supposant une différence de nature entre nombre cardinal et ordinal...

La recherche esthétique peut être une source d'inspiration, mais pas forcément digne de foi.

Car la série ainsi inaugurée n'apporte pas d'idée, de concept nouveau: je peux déjà passer de R à R2 avec la notion de multiplication d'objets initiée dans les tous premiers concepts de la théorie des catégories, dans le domaine de la logique avec la Catégorie des ensembles Ens. En particulier lorsque j'écris :

  1. Iℵ k < Iℵ k+1 < Im
  2. Iℵ k+1 < Iℵ k < Im

Je peux déjà le faire entre I1 et I01, bien que la signification du geste diffère à ce niveau, puisque le geste I01 => I0 est le simple renvoi de n'importe quoi vers l'objet final, il s'agit d'une propriété universelle. Là encore, on peut y voir une dégénérescence du concept de faisceau (à creuser).

Mais pour le reste, non: l'esprit ne fonctionne pas comme cela, et mon étagement d'une infinité de niveaux synchroniques ne correspond à rien. Je n'ai fait que répété mon geste, de même que pour construire N, je répète un geste en rapportant un objet en I1 sur I01, et la construction des cardinaux 0 , 1 , 3... est strictement du même ordre que la construction de N, mais à un niveau plus élevé, permettant de concevoir R, ce qui permet de voir I01 = I0 et IR =  I1.

L'idée qui apparaît en IR, c'est celle de l'infini. Une fois le concept créé, je peux le dupliquer ad nauseam pour créer une infinité d'infinis, mais la mécanique est aussi répétitive que pour la création de N.

Et donc, dans cette suite :

  • Le niveau I01 (l'ensemble N) est de rang  0
  • Le niveau IR (la droite) est de rang  1
  • Le niveau IR2 (la surface) est de rang  2

Le dernier item n'est qu'une répétition du second, qui n'implique pas, par cette simple répétition, le concept émergeant avec l'idée de surface, à savoir une aire qui se conserve lorsque la surface se déforme. C'est là l'idée émergente, au-dessus du niveau IR =  I1, et une fois la notion "d'aire" caractérisée par une forme bilinéaire, on peut généraliser, par simple répétition, à des volumes de toutes dimension... 

Ce qui me fait penser ce matin, que le niveau IR que j'essaie de caractériser depuis une semaine doit être celui de la géométrie affine et le suivant, celui de la géométrie simplectique... Mais c'est sans doute encore trop vite parler, il faut réfléchir avant, aux questions de symétries, et coller au triptyque de Noether : invariant / symétrie / indétermination.

Voir le développement dans le billet suivant :"etc."

Je suis loin d'avoir stabilisé tout ceci...

 

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