Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
13 Septembre 2018
Note de lecture au 07/06/2020:
Je laisse cet article, comme une étape de ma propre évolution concernant le sujet. L'étape suivante est ici:
La différence essentielle, qui manquait en 2018, c'est la compréhension de la différence entre l'automatisme de répétition au niveau I1/I01 dans une posture "rationnelle logique", et au-delà du niveau I01, dans une "approche topologique".
La première est de l'ordre de la "succession" et du "temps" élémentaire, et la seconde, de l'orthogonalité.
Le travail ultérieur, en 2020, a consisté à définir plus précisément la transition entre ces deux premières postures du Sujet. Pour une présentation synthétique des postures du Sujet, voir :
Quant au rapprochement un peu forcé Froncteur/ métaphore- transformation naturelle/métonymie, je pense qu'il doit s'inscrire dans la perspective que je développe d'une évolution du mode de pensée d'un niveau Imaginaire à l'autre.
J'y reviendrai à l'occasion, si j'ai quelqu'interlocuteur psychanalyste avec qui en parler...
- Autant le scientifique de terrain développe son champ sémantique, son vocabulaire pour désigner ses objets, qu'il organise en tableaux, depuis Liné pour les plantes et Darwin pour les espèces animales, en passant par le tableau de Mandéleiev, les diagrammes de Friedman ou les classifications des étoiles comme des galaxies, autant le mathématicien développe les concepts syntaxiques à foison, tout en restreignant l'objet sémantique sur lequel il dirige son artillerie au strict minimum, à peine un objet élémentaire, voire le vide...
- Où donc veux-tu en venir ?
- Notre précédente discussion autour de l'articulation sémantique / syntaxe, nous a permis de caractériser la genèse progressive de la syntaxe en strates successives, à partir d'un champ sémantique déjà à disposition, se réduisant, in fine à l'objet final, et je m'exprimais en utilisant le concept de morphisme, concept premier de la théorie.
Garde bien présent à l'esprit qu'une catégorie C est avant tout un ensemble de "morphismes", chacun appliquant un "objet" en situation de domaine sur un autre en situation de codomaine. J'insiste sur le fait que l'élément de base de C est le morphisme et non pas une bouillie "d'objets et de flèches", comme c'est parfois présenté hâtivement : dans une catégorie tout objet est lié d'une façon ou d'une autre à un autre objet par une application ou fonction.
Nous savons par ailleurs que l'ensemble des fonctions reliant un ensemble de X éléments d'un objet, vers un autre de Y éléments, peut s'exprimer par le nombre YX (restons-en à la catégorie Ens) et nous y avons vu que la genèse d'une syntaxe se définirait a posteriori comme une partition parmi l'ensemble des morphismes construits avec l'objet X en domaine vers l'objet Y en codomaine.
- Tu parles de genèse d'une syntaxe ?
- Oui et pour être tout fait explicite je me réfère au développement de l'enfant:
- Et tu le repères dans le langage catégorique ?
- Si nous présentons une loi syntaxique comme un choix parmi un ensemble potentiel, alors, cela se repère dans la double façon que l'on a de décrire une "action", qui de ce point de vue est toujours d'ordre "syntaxique" équivalant à celle, plus générale, d'un "mouvement" :
Je me propose d'y revenir dans un autre billet (note 1), et d'en rester là pour l'instant. Ce qui m'importe ici est de rapporter les "objets" d'une Catégorie à l'un des deux niveaux Ik ou Ik+1 présents dans tout discours rationnel, avec le Sujet (Im) en position ex post, et toute application entre un domaine (en Ik) et un codomaine en Ik+1, comme de nature diachronique. Ce rappel nous suffit pour la suite.
Maintenant, imaginons une "catégorie de catégorie", dans laquelle les objets (en position de domaine comme de codomaine) sont des catégories. Nous appellerons "foncteurs" les applications entre les "objets" de cette catégorie de catégories.
Soit deux catégories C et D, un "foncteur" F est une application F : C → D définie par la donnée :
Tu vois tout de suite que là où je n'avais qu'une application dans la définition d'un morphisme, il m'en faut deux : une pour les objets de C et D, l'autre pour leurs morphismes, c.-à-d. pour les applications qui les unissent.
Après ce qui vient d'être vu, on peut dire que le foncteur "traduit la sémantique" (les objets) et qu'il "traduit la syntaxe" (les morphismes) de C par ceux de D. Autrement dit un fonceur est véritablement une transcription d'un langage dans un autre: nous sommes ici complètement dans le langage, dans le pur Imaginaire, complètement coupés de tout référent "Réel". Dit autrement, selon F, C est une métaphore de D (je vous avais dit que nous reviendrions un jour aux métaphores)!
Et la question se pose de savoir si, en passant du morphisme au fonceur je monte dans mon Imaginaire, ou s'il s'agit de la répétition du "même". Discussion que nous avons déjà eue à propos de la géométrie.
- Et cette fois-ci quelle perspective vas-tu choisir ?
- Si tu te souviens bien de nos précédentes discussions (cf.: "au coeur de la physique") devant un tel dilemme, pour caractériser un vrai saut diachronique, il faudrait déterminer ce qui serait conservatif en Ik, vu comme une rupture d'une symétrie exprimée en Ik+1, et caractériser l'incertitude attachée au passage Ik / Ik+1.
Or, ce qui apparaît ici assez simplement, c'est qu'un foncteur traite de la même façon objets et morphismes de C, tandis que dans C lui-même, un morphisme diffère radicalement d'un objet.
- Ce n'est pas très évident dans la littérature.
- Et c'est bien l'inquiétant ! Nombre de matheux te régurgitent ce qu'il ont en besace, sans s'attarder à la différence entre un morphisme et un graphe, et nous servent une infâme bouillie totalement indigeste. Ils ne s'arrêtent pas au fait que le langage employé pour parler de la syntaxe (entre Ik et Ik+1) réifie en Ik+1, le concept diachronique qui permet de sauter de Ik à Ik+1.
Il importe absolument de pointer une symétrie au niveau du foncteur, qui disparaît au niveau du morphisme pour caractériser un "saut diachronique". En l'occurrence, Il s'agit bien entendu de l'application: traitée comme un "objet", donc synchronique par le foncteur et qui dégénère en concept purement diachronique dans le morphisme.
=> En "parlant" de foncteur, je réifie l'application qui, dans un morphisme est d'essence diachronique.
- Et quelle est l'incertitude ?
- Elle est liée à une évolution de la logique d'un niveau à l'autre.
En effet, en "parlant des morphismes", ce à quoi nous nous référons en dernier ressort, à quoi nous rapportons tous nos exemples, c'est la catégorie des ensembles (Ens). Et la logique associée est binaire. Pour mémoire il y a deux morphismes reliant l'objet final, le singleton 1 à l'ensemble de ses parties (1;0); ce qui permet de définir la logique de premier ordre, avec le principe du tiers exclu.
Mais pour "parler des fonceurs", j'utilise explicitement la catégorie des graphes, c.-à-d. une catégorie dans laquelle les objets sont soit des "objets" au sens de la catégorie Ens, soit des applications à l'intérieur de Ens (des flèches). Or, ce faisant, je structure mon objet et l'ensemble des parties de l'objet final est plus compliqué dans la catégorie des Graphes (Grap) que le singleton; en conséquence, mon jugement sur ce que j'en vois est plus complexe que de dire simplement s'il est là ou pas : je peux n'en voir qu'une partie.
C'est immédiat en considérant la définition d'un foncteur car, en plus de savoir si à un objet de X correspond un objet de Y, comme dans Ens, il faut préciser s'il est en position de domaine d'un morphisme de X, correspondant au domaine d'un morphisme de Y, idem, pour les positions de codomaines, et ensuite si une application de X correspond à l'une de celles de Y. Bref de (1;0), notre classificateur ressemble à ça :
Au classement binaire précédent (vrai/ faux), viennent s'ajouter des nuances, ce que l'on appelle une logique intuitionniste.
- Pourquoi insistes-tu sur le fait de "parler" de morphismes ou de foncteurs ?
- Pour indiquer la distance entre le référant et le référé. Il faut bien faire attention à différencier la syntaxe du discours que l'on tient de celle que l'on décrit ! Je n'insisterai jamais trop sur le fait que pour parler de l'application d'un morphisme (entre Ik et k+1), le simple fait de nommer "application" l'objet de mon discours, le réifie en Ik+1, par la distance que je prends pour ce faire (i.e.: Ik+1 < Im).
- Et l'incertitude dans tout ça ?
- C'est ce que l'on perd en régressant: ici, c'est la logique qui s'appauvrit !
- D'accord, et donc, construire une "catégorie des catégories" n'est pas simplement la répétition d'une action sur le même, mais réellement un saut diachronique : le morphisme nous fait passer de Ik à Ik+1, et le foncteur de Ik+1 à Ik+2, le saut étant caractérisé par ce changement de logique, vu comme une rupture de symétrie ?
- Tout à fait.
- Et le prochain pas?
- Ce sera de construire une catégorie dont les objets seront des foncteurs. et les applications entre ces objets des "transformations naturelles".
Je te propose de voir ça dans le prochain billet, mais je te préviens qu'il va falloir s'accrocher aux branches !
Hari
Note (1) à moi-même :
Je me réfère ici directement à la section 10 "Exponentiation" de "Conceptual mathematics", où tout ceci est explicitement discuté au paragraphe "Map objects, or function spaces " page 320. Le titre lui-même est explicite !